Es war einmal..., Il était une fois..
Robert Schumann (1810-1956) : Märchenerzählunge, op. 132 pour clarinette, alto et piano ; Fantasiestücke pour piano et clarinette, op. 73 ; Märchenbilder pour piano et alto, op. 113 ; Jörg Widmann (1973) : Es was einmal ... Fünf Stücke im Märchenton pour clarinette, alto et piano. Tabea Zimmermann, alto, Jörg Wildman, clarinette, Dénes Várjon, piano. DDD-2017-Notice en allemand, anglais et français. 70'29". Myrios MYR020
Dès les premières secondes, on est littéralement envoûté par ces trois merveilleux musiciens ! C'est le dernier Schumann tourmenté que l'on entend dans ces quatre Märchenerzählunge, ces quatre contes de fées issus du romantisme allemand qui ne sont pas écrits pour les enfants mais qui, plus sombres ou noirs, reflètent l'inquiétude des artistes après l'échec de la révolution allemande de mars 1848. Cet opus 132 sera la dernière oeuvre de musique de chambre de Schumann. Ses quatre pièces ont été écrites en octobre 1853. Quatre mois plus tard, en février 1854, le compositeur se jettera dans le Rhin.
Schumann n'aime guère les noms traditionnels de formes musicales : sonates, préludes, ... Il adore, par contre, le terme fantaisie que l'on retrouve souvent dans son catalogue ; c'est le cas des trois fantasiestücke pour clarinette et piano, op. 73, de 1849. Le compositeur y explore tous les registres de la clarinette, un instrument qui correspond particulièrement bien à sa personnalité rêveuse et tourmentée.
Dans les Märchenbilder op. 113 de 1851, c'est l'alto qui est à l'oeuvre avec sa tessiture médiane tellement exigeante pour l'interprète. L'univers mélancolique de Schumann s'exprime totalement dans ces quatre contes évoqués par une succession de tempi inhabituelle : lent- vif - très vif - lent. C'est peut-être le plus accompli des trois cycles ! La dernière pièce (langsam, mit melancolischem Ausruck - lent, avec une expression mélancolique) est en elle-même un chef d'oeuvre de nostalgie de l'homme qui, au sommet de son art, arrive au terme de ses capacités créatrices.
Notons que, dans ces trois cycles, aucune des pièces ne possède de sous-titre, laissant ainsi complètement notre imaginaire se perdre dans ses propres rêves !
Les cinq pièces de Es war einmal de Jörg Wildman ont, chacune, un sous-titre évocateur : (1) Es war einmal - il était une fois, (2) Fata Morgana- la fée Morgane des légendes du Roi Arthur, (3) Die Eishöhle - la grotte de glace, (4) Von Mädchen und Prinzen - des jeunes filles et des princes, (5) Und wenn sie nicht gestorben sind - et s'ils ne sont pas morts. Une nouvelle petite demi-heure de rêve et d'évasion dans un langage plus moderne ! Les trois artistes se réunissent régulièrement ; leur entente et leur complicité sont évidentes. On jouit de la pureté du son de la clarinette de Wildman et de la précision de l'alto de Zimmermann dans ces morceaux dont Várjon déjoue toutes les chausse-trappes qui sont dissimulées dans des partitions qui exigent une technique et une musicalité sans faille de la part des différents protagonistes.
Le livret est un objet d'art en lui-même, d'une part, par ses illustrations, et, d'autre part, par les profondes réflexions et les analyses bien documentées de Stephan Cahen et de Jörg Wildman.
Un enregistrement indispensable à tout mélomane, qu'il soit schumanien ou pas (l'adjectif est relatif ici au musicien du XIXe siècle et non à l'homme politique du XXe).
Jean-Marie André
Son 10 – Livret 10 – Répertoire 10 – Interprétation 10