Baroque méridional : un récital haut en couleurs par le Oman Consort

par

La Suave Melodia. Œuvres de Salomone Rossi (c1570-c1630), Maurizio Cazzati (c1620-1677), Paolo Quagliati (c1555-1628), Marco Uccellini (1603-1680), Bernardo Storace (c1637-c1707), Diego Ortiz (c1510-c1570), Andrea Falconieri (1586-1656), Antonio Vivaldi (1678-1741), Giovanni Girolamo Kapsberger (c1580-1651) & anonymes. Michael Oman, flûte à bec. Austrian Baroque Company. Thomas Boysen, théorbe, guitare baroque. Charly Fischer, percussion. Johannes Hämmerle, clavecin, orgue. Daniel Oman, colachon, guitare baroque. Martina Oman, orgue. Christoph Urbanetz, viole. Livret en allemand et anglais. Juillet 2003. TT 59’41. Fra Bernardo FB 2401574

Dans une précédente parution, le label Fra Bernardo annonçait s’engager dans une série documentaire, dont le titre latin (Mvsicae Antiqvae Ephemeris) pourrait se traduire par « journal de la musique ancienne ». Pour souffler les vingt bougies de l’Austrian Baroque Company, le label autrichien réédite ici un album initialement paru sous étique ORF (référence : CD 343) en 2004. Sur la pochette originale, l’ensemble apparaissait en tant que « Oman Consort », du nom de son flûtiste et meneur, et le sous-titre en allemand précisait « musique instrumentale de l’espace méditerranéen ».

Pour l’occasion de cet anniversaire, on regrette que cet album d’apparence cheap n’ait pas mis les petits plats dans les grands, au contraire : la notice quadrilingue est devenue bilingue sur les volets intérieurs de ce mince digipack cartonné. Elle ne nous dit rien des interprètes. Et la sonate de Corelli (no 3 de l’opus V) a malheureusement disparu, amputant le minutage d’une dizaine de minutes. 

Fédéré sous la bannière d’une pièce (La Suave Melodia) tirée d’un recueil napolitain d’Andrea Falconiero, le savoureux programme se présente comme un panorama de la vie musicale de l’Europe méridionale aux XVIIe et XVIIe siècles. Trois axes sous-tendent cette anthologie : la danse (Passamezo de Diego Ortiz, Corrente et Balletto de Maurizio Cazzati, Ballo della Battaglia de Bernardo Storace…), la sensibilité mélodique (Sinfonias de Salomone Rossi, des Diferencias sur l’air Guardame las Vacas, une aria sur La Bergamasca…), et le caractère improvisateur volontiers pimenté d’épices mauresques (le sombre et obsédant Colascioni puisé à la Bibliothèque vaticane). Aux mains de Charly Fischer, une percussion aux effluves orientalistes vient même revisiter la Passagagli de Storace, conformément au foyer d’échanges culturels de la cité vénitienne où fut publié Selva die varie Compositioni), mais relève aussi les extraits des Livres d’Intavolatura di Chitarone de Kapsberger (une bruissante Capona) dont les excentricités sont servis par une science caravagesque.

La troupe n’est jamais avare d’invention ou de bigarrures, jusque dans cette rayonnante Sonate en la majeur (opus 13 no 4) de Vivaldi où la sérénité bucolique d’une Pastorale contraste avec la fièvre d’un foudroyant Allegro ma non presto. Tout au long de cette heure, la volupté du souffle de Michael Oman, l’agile tressage des cordes pincées (guitare, théorbe, colachon, clavecin) dressent un tableau aussi virtuose qu’expressif. La dynamique, la chaleur, le relief de la captation contribuent à un paysage haut en couleurs, qui tour à tour ravit ou émoustille. Une reparution aussi bienvenue que roborative !

Christophe Steyne

Son : 9 – Livret : 6 – Répertoire & interprétation : 10

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