Beauvais célèbre le piano sous toutes ses formes

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Chaque année, Pianoscope de Beauvais invite un pianiste différent à en assurer la direction artistique. En 2025, Lucas Debargue propose une programmation où les chefs-d’œuvre du répertoire côtoient transcriptions et improvisations.

Notre week-end débute le samedi 18, au nouveau Théâtre du Beauvaisis fraichement inauguré au début de l’année, avec un concert « deux en un » réunissant Béatrice Berrut en première partie et Florian Noack en seconde. Tous deux excellent dans l’art de la transcription et de la composition, mais aussi dans celui, plus rare, de la présentation au public. Le programme de Béatrice Berrut s’attache à un répertoire de la fin du XIXᵉ siècle, tandis que celui de Florian Noack s’oriente vers le XXᵉ, avec une nette inclination pour le jazz. Parmi les pièces jouées par Berrut, le diptyque Polaris et Céphéides, de sa propre plume, évoque les constellations avec poésie et imaginaire.

Florian Noack, de son côté, impressionne notamment avec sa transcription des Danses polovtsiennes de Borodine, restituant au clavier toute la richesse orchestrale et la diversité des timbres. Au fil du récital, il affirme de plus en plus son goût pour le jazz à travers Five o’clock Foxtrot de Ravel, des Songs de Gershwin ou encore Dinah de Fats Waller, toujours dans ses propres transcriptions. Son interprétation respire la légèreté, la gaieté et le sourire, portée par une virtuosité jamais démonstrative, entièrement mise au service de la musique.

Ce double récital laisse place à l’Orchestre de Picardie, avec Jonathan Fournel en soliste. Le premier lauréat du Concours Reine Elisabeth 2021, le pianiste séduit entièrement l’auditoire avec le Deuxième Concerto de Brahms : le ton reste toujours juste, chaque note concentre l’essence même de la musique. Le premier mouvement, ample et majestueux, le deuxième, plus dramatique, et le final, étincelant de grâce — tout ce que l’on attend de Brahms s’y déploie comme une évidence, mais si rarement entendu. L’orchestre répond avec bonheur à la direction de Johanna Malangré, qui met en valeur la clarté et la profondeur du jeu du soliste. La cheffe offre par ailleurs une magnifique Troisième Symphonie de Schubert, juvénile, légère et vibrante de vie.

Jean-Baptiste Doulcet conclut cette longue soirée par une session d’improvisations. Sans chercher la continuité absolue, il marque de très petites pauses au fil du concert, comme autant d’actes d’un théâtre ou d’un opéra. Le musicien se présente sans idée préconçue, se laissant guider par l’instant, ses humeurs, ses élans. Magicien des sons et des émotions, il fait parler le piano comme on s’adresse à un ami, comme une mère caresse son enfant, ou comme un jeune dialogue avec un aîné. Son talent rare offre au public une nuit d’écoute d’une intensité exceptionnelle.

Le dimanche matin, sous la magnifique charpente de la Maladrerie Saint-Lazare, le jeune pianiste Victor Demarquette propose un récital consacré à Schumann, Mozart et Chopin. Le Carnaval de Venise de Schumann pétille de rythmes et de caractères contrastés, tandis que la Sonate n° 13 K. 333 de Mozart montre des oscillations parfois prononcées de tempo et d’allure, avec une utilisation de la pédale plus proche du style romantique. Dans les Nocturnes op. 27 n° 2 et le Deuxième Scherzo de Chopin, on perçoit d’emblée une familiarité plus intime : le toucher se raffine, les idées s’affirment. Dans l’ensemble, son jeu témoigne encore d’une recherche d’identité musicale, d’explorations en devenir — un cheminement que l’on suivra volontiers.

Concerts des 18 et 19 octobre, Théâtre du Beauvaisis et Maladrerie Saint-Lazare, à Bauvais.

Victoria Okada

Crédits photographiques : Gérard Morales, DR

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