Bel hommage à Camille Saint-Saëns

par

Camille Saint-Saëns
par Jean-Luc et Gérard Denizeau

Dans son ambition de diffuser des monographies de musiciens peu ou mal connus, la collection Horizons poursuit son travail avec un ouvrage passionnant sur un compositeur qui semble bien connu, Camille Saint-Saëns. Pour cela, qui de mieux que l'historien d'art Gérard Denizeau et Jean-Luc Caron pour l'écriture de cet ouvrage ? L'un comme l'autre ont une écriture simple, directe et agréable permettant au lecteur de rester attentif durant les 177 pages de cet ouvrage. Douze chapitres relativement courts tracent avec une précision étonnante la vie et l’œuvre du compositeur. Né en 1835 à Paris, Saint-Saëns est un musicien précoce. Côtoyant Kalkbrenner, Mendelssohn et d'autres, il a une vie bourgeoise malgré une santé fragile (problèmes pulmonaires). A peine âgé de 6 ans, il écrit sa première œuvre et quelques années plus tard, Liszt et Berlioz l'admirent. A l'image de ses compatriotes, il subit parfois des critiques difficiles dans son pays, vit un échec cuisant à Rome et perd ses deux enfants. Son œuvre la plus populaire, Le Carnaval des animaux (qu'il ne souhaitait pas voir éditée de son vivant) est, selon les auteurs, un autoportrait d'un auteur tourmenté par une vie complexe et difficile. Compositeur qui adorait Bach, Mozart, Haendel, Berlioz et d'autres (des références à ces compositeurs se perçoivent dans l’œuvre de Saint-Saëns), il devient titulaire des orgues de la Madeleine à 23 ans. Si Saint-Saëns est un organiste de talent, il n'en est pas de même pour l'écriture de ce genre. D'abord symphoniste, l’œuvre de Saint-Saëns s'apparente à celle de Schubert mais encore plus à celle de Bizet et sa Symphonie en ut. Les analyses des deux auteurs sur les œuvres évoquées ici sont précises, détaillées et permettent à n'importe quel lecteur de saisir les tenants et aboutissants d'une pièce. Si la Troisième symphonie avec orgue remporte naturellement tous les suffrages et un discours critique approfondi, les autres pièces symphoniques ne sont pas pour autant oubliées (Symphonies et poèmes). On pourra également y découvrir les relations privilégiées qu'a pu entretenir Saint-Saëns avec Pauline Viardot, Liszt, Sarasate et son ami le plus dévoué, Fauré. Comme ses compatriotes, Saint-Saëns est mieux apprécié à l'étranger, notamment en Allemagne et aux Etats-Unis. Pour Samson et Dalila, c'est grâce au soutien de Liszt que l’œuvre peut-être jouée et célébrée. D'ailleurs, Saint-Saëns aime les voyages et les concerts à l'étranger et particulièrement l'Algérie. 179 concerts dans 27 pays ! Curieusement, son œuvre est inégale. Brillant pianiste, à part les Concerto, le répertoire pour le clavier reste méconnu et surtout peu passionnant. Même constat avec le théâtre. Aurait-on soupçonné Saint-Saëns d'avoir écrit un répertoire de scène aussi important que Wagner (treize ouvrages différents). Certaines œuvres parviennent à émerger mais beaucoup restent dans l'oubli. La musique de chambre est certes abondante mais une fois plus, méconnue du public et des musiciens. En dehors d'un brillant Septuor avec trompette, que connaît-on ? Pourtant influencé par les Quatuors de Haydn et Mozart, Saint-Saëns ne perce par dans le milieu. Son Requiem, proche de l'écriture de Fauré et pas si éloignée de Berlioz aurait pu obtenir un un succès considérable. Pourtant, l’œuvre est rarement jouée à notre époque. A noter que Saint-Saëns a écrit pas moins de 150 mélodies, de la musique chorale profane et sacrée ainsi qu'une musique de scène commandée par Sarah Bernhard sur l'Andromaque de Racine. On l'aura compris, Camille Saint-Saëns est finalement un compositeur méconnu, dont le répertoire abondant ne trouve pas encore sa place au sein des conservatoires et salles de concerts. Son langage n'a jamais réellement évolué alors que la jeune école de Vienne (Berg écrit son Wozzeck du vivant de Saint-Saëns) et l'écriture « impressionniste/symboliste » de Debussy émergent en c début 20ème siècle. La citation reprise dans l'ouvrage (p.152), « l'art est fait pour exprimer la beauté et le caractère. La sensibilité vient après et l'art peut parfaitement s'en passer ; c'est même tant mieux pour lui quand il s'en passe », correspond magistralement à l’œuvre de Saint-Saëns qui, par cet ouvrage » trouve sa place dans le répertoire classique. Dommage que quelques coquilles ponctuent cet ouvrage complet et passionnant. Les vingt dernières pages proposent un tableau synoptique complet, le catalogue complet des œuvres, une discographie subjective et une bibliographie non exhaustive. Compositeur à redécouvrir donc !
Ayrton Desimpelaere
2013, Bleu Nuit Editeur, Collection Horizons, 177 pages, 20€

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