Fantasia de Walt Disney par l'Orchestre national de Lille

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Extraits de Fantasia et Fantasia 2000 mis en musique par des œuvres de Beethoven, Tchaikovsky, Debussy, Stravinsky, Ponchielli, Dukas, Elgar et Respighi
Orchestre national de Lille, Ludwig Wicki, direction
En créant le film musical Fantasia, Walt Disney s'est fait le pari de réconcilier le public à la musique classique. Si les débuts de l’œuvre sont difficiles et n'obtiennent pas forcément le succès escompté (Fantasia devait se jouer dans les théâtres avec un système créé pour l'occasion, le Fantasound mais les salles ne pouvant pas toutes gérer ce système, le cinéma et une version allégée l'emportèrent), le film aura un retentissement mondial auprès du jeune public comme du mélomane averti. C'est dans cette optique de partage que l'Orchestre National de Lille et Ludwig Wicki assemblent musique symphonique et cinéma. Projeté sur un écran géant, des extraits de Fantasia et Fantasia 2000 se sont succédés avec fluidité. Un extrait du premier mouvement de la Symphonie N°5 de Beethoven débute la soirée. Musique précise, plus rythmique qu'à l'habitude. Pour une parfaite cohésion entre musique et images, un logiciel informatique est au service du chef où défilent à la fois les images mais aussi un métronome aux codes divers et variés. Les licornes de la Symphonie Pastorale de Beethoven poursuivent ce voyage avec légèreté et amusement au départ et énergie foudroyante pour l'orage. La musique est au service de l'image et offre des contrastes saisissants sans quoi le film n'aurait aucun sens. La suite de Casse-Noisette est une succession de petits tableaux, du ballet à la scène champêtre. Belle homogénéité et construction de la forme pour chaque partie même si la rapidité des images ne permet pas toujours de s'inscrire dans un vrai discours musical. Certaines partitions ont du subir pour le film une transformation instrumentale. C'est le cas avec le Clair de lune de Debussy (Suite bergamasque). Si l'orchestration n'est pas exceptionnelle, elle apporte malgré tout de la douceur et de l'imagination pour cette nouvelle scène. Ce sont des extraits de l'Oiseau de feu de Stravinsky qui concluent cette première partie. Qualités expressives, rythmiques et énergiques remarquables ici ou aucun décalage avec l'image ne vient perturber le spectacle. Le premier tutti fortissimo de la Danse infernale du roi Kastchei surprend le jeune public mais le captive par des sonorités surprenantes aux couleurs sombres de Fantasia 2000. A l'image du symbole de bienveillance de ce court-métrage, le final tel un feu d'artifices conclut cette première partie dans l'effusion la plus totale. Dans une métrique stricte où les envies musicales d'un chef sont difficilement accessibles, au risque d'abîmer la continuité du discours cinématographique, l'ONL est admirablement attentif et au plus proche de la musique. La danse des heures de La Gioconda de Ponchielli ponctue avec beaucoup d'humour le ballet des autruches, alligators, hippopotames et éléphants. Beaux contrastes et dynamiques entre les passages rythmiques et ceux plus calmes, représentatifs de la nuit et du sommeil. Passage obligé avec L'apprenti sorcier de Paul Dukas qui met pour la première fois en scène le personnage mythique de Walt Disney, Mickey. Comme pour d'autres partitions, la musique du compositeur français subit quelques transformations sur la forme générale. Le discours musical reste néanmoins imagé, précis et harmonieux avec l'image. Fort de ce succès, l'orchestre continue avec la partition la plus célèbre d'Elgar, Pomp and Circumstance. Tiré de Fantasia 2000, ce sont Donald et Daisy, personnages forts du monde Disney, qui mettent en scène L'Arche de Noé. Émouvante, la musique convient à merveille au film avec son caractère pompeux et héroïque. Le ciné-concert se conclut avec Les Pins de Rome, partition brillamment jouée par Ion Marin et l'ONB fin 2013. On y retrouve calme et expressivité avant le tutti final titanesque où des cuivres jouent depuis les balcons du Nouveau Siècle, affirmant la participation du public au spectacle. Ludwig Wicki, chef suisse qui a enregistré Le Seigneur des anneaux, Pirates des Caraïbes et Fantasia, dirige d'une baguette précise et énergique. Son rapport à l'image est permanent et trouve un juste milieu entre le défilement permanent du film et de la musique. Le premier Ciné-concert live exécuté par l'ONL est donc un succès naturellement mérité. Les musiciens, en assumant des tempis et dynamiques inhabituelles, ont préféré privilégier avec conviction les lignes musicales et l'expressivité de chaque œuvre. Si des décalages inévitables ont eu lieu, le résultat final est exceptionnel. Par cette série de concerts, l'ONL poursuit son ambition de désacralisation de la musique pour l'offrir à tous les publics, but initié par Jean-Claude Casadesus dans les prisons, hôpitaux etc., que peu de structures assument aujourd'hui. Prochain rendez-vous en mai avec les films de Steven Spielberg mis en musique par John Williams.
Ayrton Desimpelaere
Lille, Nouveau Siècle, le 23 février 2014

 

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