Béla Bartók dansant avec Cristian Măcelaru
Béla Bartók (1881-1945) : Le Prince de Bois, Op.12 Sz.60 ; Suite de Danses, Sz.77. WDR Sinfonieorchester, Direction : Cristian Măcelaru. 2020 et 2022. Livret en allemand et anglais. 74’14’’. Linn. CKD 714
Venant après un très beau disque consacré à Antonín Dvořák, Cristian Măcelaru passe les frontières pour se rendre en Hongrie avec cet enregistrement dédié à Béla Bartók.
Le ballet pantomime en un acte, le Prince de Bois est l’un des chefs d'œuvre du musicien, bien que la partition reste à la marge des salles de concerts. Composé pour un grand orchestre (qui comprend, entre autres, des bois par quatre et deux saxophones), la partition présente un carrefour d'influences : Wagner, Strauss et Debussy. C’est une oeuvre de chef et de cheffe qui peuvent faire briller les pupitres et mettre en avant leurs talents narratifs : Antal Doráti (Mercury), Pierre Boulez (Sony et DGG), Iván Fischer (Philips), Neeme Järvi (Chandos), Marin Alsop (Naxos) ou Susanna Mälkki (Bis) en ont laissé des versions de très hauts niveau. Dans ce contexte, on apprécie cette nouvelle interprétation qui séduit par le soin apporté aux textures et au déroulé narratif. Cristian Măcelaru allège un tissu orchestral imposant pour faire ressortir la transparence et la beauté de l’écriture du compositeur hongrois. Ce prince de bois regarde plus vers Debussy et les sortilèges des couleurs que vers une opulence austro-allemande. L’Orchestre de la WDR est superlatif tant dans ses individualités que dans son collectif.
La Suite de danses est également portée par une direction qui sculpte les détails, soigne les contrastes rythmiques et allège les textures vers une transparence des pupitres. Certes, il y a des lectures plus engagées sous les directions de Georg Solti (Decca) ou Pierre Boulez (DGG), mais le chef roumain fait ressortir toute la sève et l’esprit de cette musique sans trop en faire dans la démonstration. Rompu à l'exercice de la musique contemporaine, l’orchestre de la WDR est engagé et virevoltant et ses teintes mates servent parfaitement le précis rythmique de cette musique. Il faut saluer l'engagement et la musicalité de ses pupitres, en particulier ceux des vents, très largement sollicités.
Un excellent album superbement enregistré et une belle référence dans ce double couplage déjà usité par Antal Doráti (Mercury), Pierre Boulez (Sony) et Iván Fischer (Philips).
Son : 10 – Livret : 9 – Répertoire : 10 – Interprétation : 10
Pierre-Jean Tribot