NFT et musique classique : l’innovation avec Indésens & Calliope Records
Dans notre récent éditorial, nous parlions des opportunités ouvertes par les NFT dans un marché du disque et de l’enregistrement en profondes mutations. Le label français Indésens & Calliope Records innove en développant une proposition de NFT, une première pour un label de musique classique. Crescendo-Magazine s’entretient avec Benoît d’Hau et Mael Perrigault, les initiateurs de cette aventure qui combine musique et numérique.
Qu’est-ce qui vous a poussés à vous avancer vers l’usage des NFT dans le cadre de vos parutions ?
Indésens Calliope Records est devenu au fil des années un acteur indépendant majeur de la musique classique, mais l’avenir de l’économie de la musique enregistrée est incertain. Le streaming ne rapporte que très peu de revenus et ne contrebalance pas la chute des ventes physiques. La musique classique et l’ensemble des musiques dites “de niche” ont un modèle économique qui n’est plus viable et les artistes ne perçoivent quasiment plus de royalties. Pourtant, la musique n’a jamais été autant écoutée et les artistes jamais autant scrutés au travers de leurs différents réseaux sociaux. La question qui se pose est donc la suivante : comment monétiser cette présence en ligne ? Comment redonner une valeur à la musique perçue aujourd’hui comme gratuite ? Notre but au travers de la création de NFT, c’est de permettre aux fans les plus dévoués de faire partie d’un club privé leur donnant accès à du contenu supplémentaire et à une relation plus forte avec l’artiste. Imaginez pouvoir discuter avec Rostropovitch ou recevoir une improvisation unique de Glenn Gould !
Je présume que vous ne vous lancez pas seuls, mais que vous avez la collaboration technique d’une firme spécialisée dans le domaine ?
Effectivement nous avons fait appel à Speak’r, une toute nouvelle entreprise innovante créée par Mickael Kalifa et Emeric Saussois. Nous nous sommes retrouvés sur des valeurs communes et la volonté de faire de la création de NFT une valeur ajoutée à la sortie d’un album sans pour autant tomber dans la vente spéculative d’œuvres numériques.
Comment va se passer cette introduction des NFT dans votre catalogue ? Comment un mélomane va-t-il pouvoir en acquérir ?
L’acquisition peut se faire très simplement via la plateforme Speak’r. Lorsque vous créez un compte, un portefeuille numérique est automatiquement généré sur lequel vous pouvez collectionner vos NFT. La particularité de cette plateforme est la possibilité d’acheter vos NFT en monnaie virtuelle ou simplement avec une carte bleue via un terminal sécurisé. Tout le monde peut ainsi en acquérir facilement !
Votre première collaboration avec les NFT se fait avec le harpiste Alexander Boldachev. Ce musicien possède une belle communauté sur le net et les réseaux sociaux. Cette popularité numérique est-elle un préalable inconditionnel aux NFT ?
Notre collaboration avec Alexander sur ce premier Drop de NFT est en effet en partie due à sa popularité sur les réseaux, mais nous n’avons pas besoin de centaines de milliers de fans pour travailler ce nouveau produit. L’important pour les artistes aujourd’hui est d’avoir des réseaux structurés, avec une fanbase qualitative et non quantitative. Pour ce premier jet, nous mettons à la vente 100 NFT. Avec une fanbase de quelques milliers de followers, il est possible de se lancer dans l’aventure !
Avec ces NFT, vous visez un public plus jeune ou vous espérez convaincre le mélomane traditionnel de prendre le risque d’acheter des jetons numériques ?
Nous misons sur ces deux types de public. Dans les statistiques que l’on a sur les réseaux de nos artistes, on voit qu’il y a beaucoup de jeunes qui suivent et écoutent des musiciens classiques, et la simplification de l’acte d’achat du NFT via Speak’r sera, on l’espère, un vecteur d’achat pour des mélomanes plus traditionnels.
Est-ce que vous êtes dans la perspective d’un essai pour analyser la réaction du public ou bien avez-vous déjà tracé une projection à long terme en faisant des NFT un axe structurant de vos développements ?
C’est un premier essai que l’on espère transformer, mais nous parlons aussi avec de nombreux artistes du label de la manière d’adapter de telles campagnes sur leurs sorties. Sur le long terme, nous pensons que cela peut participer en complément au streaming et aux ventes physiques, à la stabilité du modèle économique de la production d’un album.
Les NFT ont été rapidement adoptées par le monde du luxe ou les multinationales qui multiplient les projets. Dans le monde de la musique classique, c’est un label indépendant comme Indésens Calliope Records qui innove. Qu’est ce qui explique selon vous la timidité des majors du secteur dans ce domaine ?
Nous avons développé une agilité qui nous permet d’être très réactifs dans le domaine des nouvelles technologies et de stratégies digitales. Je sais qu’il y a des équipes qui y réfléchissent au sein des majors et des distributeurs, mais ce sont de grosses structures qui mettent du temps à se positionner. Nous espérons que l’ensemble de la profession va s’y mettre rapidement et créer les conditions d’un cercle vertueux ou le NFT serait un produit de consommation incontournable comme l’a été le CD !
Le site de Calliope Records : https://calliope-records.com/
Propos recueillis par Pierre-Jean Tribot
Crédits photographiques : DR