Bernstein : un Américain à Paris

par

Oeuvres d’Hector Berlioz, Darius Milhaud, Robert Schumann, Ernest Bloch, Serge Rachmaninov, Maurice Ravel et Leonard Bernstein. Mstislav Rostropovich, violoncelle ; Alexis Weissenberg, piano ; Boris Belkin, violon ; Marilyn Horne, mezzo-soprano. Orchestre National de France, dir. Leonard Bernstein. 1975-1979.  401’. Livret anglais, allemand, français. 1 Coffret 7 CD Warner Classics 0190295689544

Il y a deux sortes d’interprètes : ceux qui veulent restituer fidèlement la pensée des compositeurs, tout en y mettant une touche personnelle, et ceux qui, quoiqu’ils jouent, font avant tout preuve de création personnelle. Lorsque Glenn Gould joue du Bach, il fait avant tout du Glenn Gould. Lorsque Leonard Bernstein dirige, il le fait comme s’il avait lui-même composé l’oeuvre quelques jours avant. En plus, il le fait tel un cabotin de génie, américain jusqu’au bout des ongles. Il y a toujours chez lui un peu de Broadway ou de Las Vegas (le show n’est jamais loin). Mais à côté de cela, quelle générosité, quelle communication : il ferait aimer la musique à un sourd aveugle !

Avec lui, non seulement les musiciens de l’orchestre, mais aussi tout le public font une véritable expérience musicale, car Bernstein est tout entier musique. En témoignent des centaines de disques chez Columbia/Sony, puis chez DG, ainsi que de multiples films et vidéos que l’on trouve facilement sur le marché.

Ce coffret Warner est un complément à sa discographie officielle. Il s’agit de la réédition de plusieurs concerts et enregistrements (1975, 1976 et 1979) avec l’Orchestre National de France.

Au programme, du répertoire français avant tout : d’abord Berlioz avec la Symphonie Fantastique, que Bernstein avait déjà enregistrée en 1963 chez Columbia, dans une version restée légendaire. Comme le dit le chef américain en parlant de cette oeuvre : “Berlioz takes a trip”. Avec cette interprétation, on y croit ! Ecoutez la Marche au Supplice ou le Songe d’une Nuit au Sabbat ! Après cela, est-il même possible d’envisager l’oeuvre autrement ? Retour alors à d’autres versions historiques : Markevitch, Munch ou éventuellement Ozawa. Mais Bernstein reste au-dessus du lot. Harold en Italie est à ma connaissance une première pour le chef américain. Ici encore, les excès de Berlioz lui vont comme un gant (par exemple Orgie de Brigands). L’année Berlioz arrivant à grand pas, on est curieux de découvrir de nouvelles versions à venir. Le disque consacré à Darius Milhaud contient trois de ses oeuvres les plus connues. Avec Bernstein, on n’est pas loin de Gershwin, mais cela va bien à Milhaud. Le Boeuf sur Le Toit est la partition la plus réussie des trois. Changement de décor : nous voici chez Schumann et chez Ernest Bloch, avec Rostropovitch comme soliste. Les deux complices sont tous deux convaincants, surtout le chef dans la Rhapsodie hébreuse, Schelomo. Il en va de même pour Weissenberg dans le 3e concerto de Rachmaninov, même si d’autres versions priment (Ashkenazy par exemple). Et puis, voilà les Ravel si controversés. L’enregistrement d’une répétition de quatre de ses oeuvres est très instructif pour connaître les méthodes de travail du chef (qui parle français et qui chante la partie de Marilyn Horne : inénarrable !). On est aux antipodes d’un Pierre Boulez, dont la précision se conjugue parfaitement avec l’orfèvrerie du compositeur basque. Dans le Concerto en sol, Bernstein au piano n’égale pas Zimmermann (avec Boulez) ou Argerich (avec Abbado), loin s’en faut ! On est à nouveau du côté de Gershwin (surtout au début du concerto), et on se souvient que celui-ci voulait prendre des leçons avec Ravel. Le presto est plutôt prestissimo : effets garantis ! Boris Belkin est le violoniste d’un Tzigane honnête, sans plus. Par contre La Valse emporte tout sur son passage, et on imagine bien Bernstein gesticulant et sautant sur son podium, galvanisant ainsi son public dont les acclamations en disent long. En rappel, le Boléro, pris à vive allure, est d’autant plus hypnotique. Enfin, les deux oeuvres de Bernstein lui-même sont parmi ses plus connues : dans les deux suites On The Waterfront et les Danses Symphoniques de West Side Story, on n’est pas loin du jazz symphonique, mais surtout d’une apothéose irrésistible préférable aux versions DG.

Dominique Lawalrée

Son : 8 - Livret : 9 - Répertoire : 10 - Interprétation : 9

 

 

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