Brillante reconstitution d’une messe de Zelenka par le Collegium 1704

par

Jan Dismas ZELENKA (1679-1745) : Missa 1724 ; Salve Regina. Collegium 1704 & Collegium Vocale 1704, direction ; Václav Luks. 2020. Livret en anglais, en français, en allemand et en tchèque. Textes religieux en cinq langues. 54.28. Accent ACC 24363.

Il aura fallu attendre la fin du siècle dernier pour que l’on prenne conscience de la qualité de l’œuvre musicale de Zelenka. Depuis lors, sa discographie s’est élargie, notamment grâce aux labels Carus et Accent ; ce dernier a inscrit à son catalogue, déjà sous la direction de Václav Luks, d’excellentes versions de partitions sacrées ou de sonates, saluées par des récompenses internationales. Voici une nouvelle parution Accent des plus attrayantes. La biographie de Zelenka n’est pas bien connue. Né en Bohême en 1769, il est le fils d’un maître d’école et organiste, mais on ne sait rien de sa jeunesse ni de ses années de formation. On le découvre à Prague vers 1705 où il compose une pièce, dont on a perdu la trace, pour un collège jésuite. Ce n’est qu’à partir de 1709 (il a déjà quarante ans) qu’apparaissent des œuvres conservées. A cette époque, il occupe le poste de contrebassiste à Dresde dans l’orchestre de l’électeur de Saxe et Roi de Pologne, Auguste Le Fort. En dehors d’un séjour à Vienne de 1716 à 1719 grâce à une bourse (on parle aussi d’un passage par Venise) et d’un bref retour à Prague, il passe le reste de son existence à Dresde où il meurt en 1745. Il n’y obtient pas de vraie reconnaissance officielle en dehors du titre (honorifique) de « Kirchencompositeur » en 1735, en même temps que Bach. L’intéressante et très détaillée notice du livret, signée par Václav Luks lui-même, démontre cependant que sa carrière a été brillante et que sa musique était reconnue et appréciée par les grands compositeurs du temps, au nombre desquels figurent Bach et Telemann. 

Le présent CD Accent, agrémenté d’un joli livret en couleurs qui contient des photographies sur lesquelles éclate l’enthousiasme des divers participants, propose une messe hypothétique, reconstituée d’après des parties de messes écrites dans les années 1723 et 1724, date de la disparition de son père qui affecte beaucoup le compositeur et va marquer son langage musical par des effets dramatiques où s’expriment la passion et la douleur. Zelenka réutilise des pages d’anciennes compositions, comme pour le Kyrie, le Sanctus ou l’Agnus Dei ; il écrit pour de larges effectifs, dans une instrumentation riche et colorée où les trombones occupent une belle place, combinée parfois, comme dans le Gloria, avec les solos de soprano et d’altos ; ce Gloria, daté du 2 février 1724, qui provient d’une page de 1714 révisée en 1720, ne contenait pas de trombone à l’origine. Zelenka y a apporté la couleur spécifique à l’instrument. Václav Luks précise qu’il s’agit d’une composition à part entière, au cours de laquelle interviennent chœur et solistes, dont un brillant Laudamus te qui est confié au ténor.

Quant au Credo, il s’agit d’un choeur double à huit voix, dont le dialogue est encadré par un concerto virtuose. Ainsi reconstituée, interprétée avec ferveur par les chanteurs et les instrumentistes dans un même élan solennel, cette Missa 1724 « imaginée », à l’orchestration variée et fortement évocatrice, est une œuvre des plus séduisantes. Un Salve Regina la suit en guise de complément, et dans le même esprit. Il est basé sur un Canzon quarti toni tiré du recueil Fiori musicali de Frescobaldi, que Zelenka a étudié, avec d’autres maîtres italiens, lors de son séjour chez Johann Josef Fux à Vienne ; cette antienne mariale parodique clôture un programme qui confirme encore une fois les qualités du remarquable compositeur que fut Zelenka, auquel justice est ainsi de plus en plus rendue. L’interprétation est à la hauteur du projet : solistes impeccables, chœur vibrant et cohérent (remarquable travail quant à la prononciation), orchestre engagé, direction enthousiaste. Pour la prise de son, il y a en quelque sorte un retour aux sources de Zelenka : elle a été superbement effectuée en août 2018 dans l’église Sainte-Anne de Prague.

Son : 9  Livret : 10  Répertoire : 9  Interprétation : 9

Jean Lacroix

 

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