Cantates baroques inédites en hommage à la Signora Pignatelli 

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Alla Virtù della Sig. Maria Pignatelli. Carlo Antonio Monza (1685-1739) : Poiché più dell’amore. Francesco Gasparini (1661-1727) : E che più far poss’io. Giuseppe Porsile (1680-1750) : Arianna infelice ; Ch’io t’adori o mia Clori ; Necessità di fato. Francesco Mancini (1661-1737) : Non voglio più catene ; Va sospirando il core. Alessandro Scarlatti  (1660-1725) : Lontananza non risana ; Ch’io da te mi divida. Juliette de Banes Gardonne, mezzo-soprano ; Bruno Cocset, violoncelle ; Paolo Corsi, clavecin ; Emanuele Forni, théorbe. 2019. Livret en français et en anglais. 63.18. Claves 50-3001.

Née dans les Îles Baléares, à Alcudia, Maria Anna Pignatelli (1689-1755) est issue d’une illustre famille d’Italie. Elle épouse en 1709 le Comte barcelonais Johann-Michael von Althann (1679-1722) qu’elle suit à la Cour d’Autriche où il va devenir le chambellan et le conseiller de l’Empereur Charles VI. Après le décès de son mari, elle a une liaison avec le poète et librettiste Pietro Metastasio (1698-1782) avec lequel elle se serait mariée secrètement. Mais c’est d’avant son union avec le Comte von Althann que date un manuscrit intitulé Cantate alla virtù della Signora Maria Pignatelli qui se trouve à la bibliothèque Antoniana de Padoue. La mezzo-soprano Juliette de Banes Gardonne en détaille le contenu dans la notice qu’elle signe pour le présent CD, avant d’en proposer un choix significatif à travers neuf cantates issues de ce canzoniere d’époque et dues à cinq compositeurs.

Le manuscrit de Padoue date au plus tard de 1709, car à partir de cette date, Maria Anna Pignatelli ne se fait plus appeler que Comtesse d’Althann. Il contient une petite cinquantaine de cantates qui sont de la main de dix-sept musiciens, le plus grand nombre étant l’œuvre de Giuseppe Porsile (huit cantates), de Giovanni Bononcini et d’Alessandro Scarlatti (cinq cantates chacun). Nous laissons au mélomane le soin de découvrir d’autres détails sur ce « manuscrit énigmatique », selon l’expression employée par la signataire de la présentation.

On note une prédominance de la ville de Naples : dix-huit cantates ont été écrites par des compositeurs qui y sont nés ou y sont assimilés, ce qui a entraîné pour cet enregistrement une sélection majoritaire de cantates issues de cette cité du bord de mer. Avec trois partitions, la meilleure mise en évidence est accordée à Porsile, qui devient Maître de Chapelle en 1708 à Barcelone avec, pour conséquence, l’hypothèse qu’il soit le coordinateur de cet ensemble avant le mariage de la future comtesse. Arianna infelice, la plus longue cantate du disque, fait référence à la souffrance de cette princesse mythologique, alors que deux autres évoquent le destin amoureux et le poids du destin, la première, Ch’io t’adori oh mia Clori, faisant allusion à une tarentelle, l’autre, Necessità di Fato, avec une introduction instrumentale à la française.

L’éditeur suisse a fait un choix qui ne nous paraît guère judicieux et représente un handicap pour apprécier au maximum ces cantates. Il a opté pour une longue présentation des quatre interprètes du CD, assortie de détails dont on pourrait se passer, avec photographie en pleine page pour chacun d’eux, monopolisant ainsi un espace de huit pages qu’il aurait été préférable de consacrer au texte des cantates, ici inexistant. Même si nous considérons logique et respectueux de mettre en valeur les artistes, il convient cependant, face à un tel programme, insolite et sortant de l’ordinaire, de privilégier tout autant la compréhension et la connaissance du contenu textuel que de sa version chantée. A moins de pratiquer l’italien et de pouvoir comprendre les mots chantés, cette absence de texte est frustrante. 

Nous nous référons donc à la notice, peu détaillée sur les contenus, pour souligner le fait qu’Alessandro Scarlatti est présent avec deux cantates, l’une enregistrée avec viole ténor, l’autre contenant un air final pour violoncelle et voix. Mancini est aussi mis à l’honneur avec l’air Je ne veux plus de chaines, je veux la liberté (nous reprenons à dessein cette seule présence de traduction française) et un autre où il est question de « cœur qui soupire » (traduction faite par nous-même). Les deux dernières cantates sont de la main du Milanais Monza et de Gasparini, originaire de la province de Lucques. 

La mezzo-soprano française d’origine italienne Juliette de Banes Gardonne, qui mène une carrière lyrique (Cilea, Rossini, Verdi, Purcell…) et a fondé l’ensemble Démesure, a enregistré pour le label Brilliant des cantates du compositeur Cristofaro Caresana (Venise, 1624-Naples, 1704). Sa voix sombre et veloutée s’accorde bien aux divers sentiments (émotion, tristesse, douleur, résignation, amour, révolte…) exprimés tout au long de ces cantates dont la découverte, certes non prioritaire, est séduisante. Le violoncelle de Bruno Cocset, le théorbe d’Emanuele Forni et les deux clavecins de Paolo Corsi, dont un instrument historique construit vers 1760, lui offrent un accompagnement équilibré et complice.

Son : 9  Livret : 5  Répertoire : 7  Interprétation : 8

Jean Lacroix 

 

 

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