Rapprochement des sonates pour viole de deux frères Bach

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Virtuosity and Grace. Carl Philipp Emanuel Bach (1714-1788) : Sonates pour viole de gambe et basse continue en ut majeur Wq 136, en ré majeur Wq 137 ; Sonate pour viole de gambe et clavier en sol mineur Wq 88. Johann Christian Bach (1735-1782) : Sonates pour viole de gambe et clavier en sol majeur Warb B 4b, en fa majeur Warb B 6b, en si bémol majeur Warb B 2b, en fa majeur Warb B 15b. L’Amoroso. Guido Balestracci, viole de gambe. Paolo Corsi, pianoforte, clavecin. Stéphanie Houillon, viole de gambe. Juillet 2022. Livret en anglais, français, italien. TT 76’29. Arcana A543

« Pour la première fois, nous avons l'occasion de comparer la musique pour viole de gambe de deux membres aussi célèbres que différents de la dynastie Bach » ambitionne le livret. L'un vivait pour composer, l'autre composait pour vivre, si l'on en croit les humbles déclarations du cadet qui s'était installé à Londres et y devint célèbre pour les concerts qu'il organisa avec Carl Friedrich Abel, un des derniers grands violistes de l’époque. Depuis les enregistrements de Siegfried Pank (Capriccio, 1984) et Charles Medlam (Harmonia Mundi, 1991), les trois sonates de Carl Philipp Emanuel sont devenues au mélomane plus familières que les quatre écrites outre-Manche par Johann Christian après 1765, moins visitées par la discographie.

Le livret détaille les spécificités structurelles des œuvres, tripartites pour l'aîné (un étape lente précédant deux mouvement plus vifs) et bipartites pour le cadet (mouvement de forme sonate bithématique suivi d'un second plus léger sous forme de rondeau ou de pastorale aux relents rustiques). Stéphanie Houillon contribue aux deux opus avec basse continue (Wq 136-137), tandis que Paolo Corsi officie sur trois claviers. Conformément à l'évolution des goûts et de la facture, le récital alterne pour chaque frère un clavecin et deux pianos carrés (Broadwood 1786 et un anonyme nord-italien fin XVIIIe siècle), dont les micros soutirent toute l’opalescence.

Guido Balestracci recourt à deux violes à sept cordes, d'après des modèles parisiens (pour Carl Philipp Emanuel) et hambourgeois. Son jeu généreux confère à ces pièces une particulière opulence. D’autant que l'acoustique de l'église Saint Pierre de Vabres (Cantal) n'est peut-être pas celle que l'on attendrait pour ces pages de salon et, pour flatteuse qu'elle soit, tend à vaporiser les instruments dans la réverbération. Malgré ces atours un peu surdimensionnés, la concertation trouve ses appuis, l'interprétation respire amplement, sait prendre le virage des passions (Allegro di molto de la sonate en ré majeur), tarauder le tourment (Allegro moderato de celle en sol mineur). Et surtout, le soliste rayonne d'une force de projection qui semble vouloir convaincre avant même de séduire ou étonner. La physionomie et le style qui se dégagent de ces sessions, leur rationalité conquérante, doivent peut-être davantage encore aux convictions de l'Aufklärung qu'aux charmes contrastés de l'Empfindsamkeit.

Son : 8,5 – Livret : 9 – Répertoire : 8,5 – Interprétation : 9

Christophe Steyne

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