Carl Nielsen, symphoniste inextinguible
Carl NIELSEN (1865 - 1931)
L’intégrale des symphonies (Complete Symphonies)
Gillian KEITH (soprano), Mark STONE (baryton), BBC Philharmonic, dir. : John STORGARDS
2015–DDD-66’ 24’’, 73’ 20’’ et 71’ 34’’–Textes de présentation en anglais, allemand et français– Chandos CHAN 10859(3)
De son vivant, Carl Nielsen n’a guère été joué en dehors du Danemark, son pays natal, bien qu’en tant que chef d’orchestre, il ait quelquefois dirigé certaines de ses six symphonies à Berlin, à Paris et à Londres, dans les années 1920. Mais ce n’est qu’après la Seconde Guerre mondiale que le milieu musical l’a réellement découvert et que son nom s’est répandu un peu partout à travers le monde, en particulier au Japon et aux Etats-Unis, où Leonard Bernstein a beaucoup contribué à le faire sortir de l’ombre. Il est vrai que ses six symphonies constituent des morceaux de choix pour des chefs aimant les grandes masses orchestrales et interprétant, d’ordinaire avec fougue, Johannes Brahms, Anton Bruckner, Gustav Mahler ou Jean Sibelius.
On a d’ailleurs souvent dit que Carl Nielsen était le Jean Sibelius danois, qu’ils étaient jumeaux en musique (ils sont nés la même année). Mais, au vrai, tout dépend de la manière dont on comprend cette comparaison. Elle est exacte si on veut signifier par là que Carl Nielsen est, comme son homologue finlandais, un très grand symphoniste. Elle ne l’est pas, en revanche, si on étudie de près leur art respectif, Carl Nielsen étant beaucoup plus explosif, plus sauvage, voire plus fruste que Jean Sibelius, et c’est particulièrement le cas dans sa Troisième, sa Quatrième et sa Cinquième Symphonies, achevées successivement en 1911, 1916 et 1922. Ce qui n’exclut pas chez lui des passages mélodieux et chantants, à l’instar du premier mouvement de la Cinquième Symphonie, qui débute à la manière d’une jolie pastorale, avant d’adopter le mode d’une marche guerrière, puis bientôt, à grand renfort de percussions, celui d’une lutte violente. Dans certains passages de ces œuvres – les passages les plus fous –, Carl Nielsen annonce les extraordinaires et imprévisibles dérèglements orchestraux de Dimitri Chostakovitch. En outre, il donne parfois l’impression d’être brouillon, et même naïf, sans qu’on sache trop si c’est intentionnel ou pas.
Sous-titrée « L’inextinguible », la Quatrième Symphonie constitue peut-être son opus le plus emblématique, mélange de lyrisme brahmsien, de postromantisme exacerbé et d’audace rythmique (surtout dans le mouvement final). Ainsi que le signale David Fenning dans le livret accompagnant ces trois disques, « inextinguible » est un substantif neutre en langue danoise et renvoie à l’idée que les forces de la vie ne s’éteignent jamais. Idée que John Storgards, à la tête du BBC Philharmonic, rend ici très charnelle, très palpable. Du reste, ses six exécutions sont toutes pareillement remarquables et s’inscrivent d’ores et déjà dans la discothèque idéale du compositeur danois (dont on célèbre en cette année 2015 le cent cinquantième anniversaire de la naissance), aux côtés de celles de Leonard Bernstein (Sony) et de Herbert Blomstedt (Decca).
Jean-Baptiste Baronian
Son 9 – Livret 8 – Répertoire 9 – Interprétation 9