Au Concert

Les concerts un peu partout en Europe. De grands solistes et d’autres moins connus, des découvertes.

Jeanne Leleu : découverte d’une nouvelle pépite musicale

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Enfin un projet discographique qui a du sens ! Militant, engagé, averti et surtout jamais réducteur. Projet où au lieu de vagues discussions terminologiques de type « faut-il dire femme compositeur ou compositrice ? », les paroles laissent place à l’action. Lancé en 2022, le label La Boîte à Pépites compte déjà sa troisième parution monographique autour de compositrices oubliées (après les coffrets déjà salués par la critique, dédiés à Charlotte Sohy et Rita Strohl). En ce début d’année, notre attention est portée vers Jeanne Leleu (1898-1979).

Lors du concert organisé dans le cadre de la troisième saison musicale européenne de la Bibliothèque nationale de France et de Radio France (en partenariat avec Elles Women Composers, le label La Boîte à Pépites et France Musique), il a été enfin possible de découvrir l’immense talent de la compositrice Jeanne Leleu. En 1923, elle est la troisième femme (après Lili Boulanger et Marguerite Canal) à recevoir le grand prix de Rome.

Présenté par Héloïse Luzzati, violoncelliste fondatrice du label La Boîte à Pépites, et ses amis musiciens (Marie-Laure Garnier, Alexandre Pascal, Léa Hennino et Célia Oneto Bensaid), le concert a proposé un portrait biographique et sonore de la compositrice, tout en contextualisant sa vie, les étapes importantes de sa carrière ainsi qu’en mentionnant les personnalités importantes qu’elle a rencontrées durant sa vie. Élève de Marguerite Long en piano au Conservatoire de Paris et l’une des deux créatrices de Ma Mère l’Oye de Maurice Ravel en 1910 (seulement à l’âge de 11 ans !), Jeanne Leleu se met à la composition dès son plus jeune âge et obtient le premier prix de composition en 1922.

Eivind Gullberg Jensen, retour gagnant à l'OPMC

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C'est avec plaisir que l'on retrouve le chef d'orchestre norvégien Eivind Gullberg Jensen à la tête de l'Orchestre Philharmonique de Monte-Carlo., dans un programme transfrontalier dynamique et coloré qui nous mène au fil des courants de la mer baltique.  Eivind Gullberg Jensen nous avait laissé un souvenir impérissable de la Symphonie n°1 "Titan" de Mahler. 

L'ouverture Hélios du compositeur danois Carl Nielsen est un petit bijou symphonique impressionniste, décrivant le mouvement du soleil dans le ciel. "Silence et ténèbres. Le soleil se lève avec un joyeux chant de louange. Il avance sur son chemin doré et s'enfonce doucement dans la mer." Eivind Gullberg dépeint toutes les subtilités, comme un tableau vibrant de lumière et de couleur. 

Le violoniste  Valeriy Sokolov est également un invité régulier de l'OPMC. Avec puissance et démonstration de virtuose, il incarne le style en vigueur de la grande école russe.

Adriana Lecouvreur en lévitation à l’Opéra de Paris

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Salle comble pour la reprise d’Adriana Lecouvreur dans la mise en scène de David Mc Vicar (2012) coproduite avec le Covent Garden, le Liceu, le Staatsoper et le San Francisco Opéra.

La nouvelle distribution parisienne de 2020 comprenant Anna Netrebko avait été reportée en raison de la pandémie. Autant dire qu’elle était très attendue. À juste titre.

Qu’ajouter sur l’envoûtant legato, sur cette houle crépusculaire d’où émerge la ligne de chant, épurée, frôlant l’impalpable, pour se régénérer d’elle même dans l’orbe de sa course ? Car il n’est pas seulement question ici d’« aigus filés », base du bel canto, mais de cette sensation d’apesanteur qui permet de concevoir la fascination exercée par un Farinelli sur les rois et les foules. Son air d’entrée Io son l’umile ancella du I met la salle en lévitation jusqu’au Poveri fiori final d’une émotion indicible.

Seize ans se sont écoulés depuis l’apparition sur cette même scène de la soprano caucasienne dans le rôle de Giuletta aux côtés du Roméo de Joyce di Donato (Capuleti et Montecchi). Le chemin parcouru révèle un accomplissement belcantiste -et pas seulement technique- mais aussi dramatique et féminin, exceptionnel.

Le deuxième atout de cette magnifique soirée nous vient du « Revival director » (un titre nouveau), Justin Way. Le metteur en scène australien parvient à concilier la distance du temps avec des éléments hétérogènes pour en obtenir un tout cohérent et original.

Figure Humaine de Francis Poulenc

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Jouez-moi, lisez-moi mais ne m’interprétez pas.

La demande de Francis Poulenc a été sublimement respectée par le chef Mathieu Romano et le chœur Aedes. Ces intermédiaires entre la musique et nous n’ont pas interféré dans la relation entre le chef d’œuvre La Figure Humaine et l’auditeur. 

Grâce à la perfection de l’exécution des chanteurs et de la direction, nous les avons presque oubliés pour ne plus juger de telle ou telle prise de partie : nous avons écouté le chef d’œuvre de Francis Poulenc et non un ensemble vocal. Il nous a semblé que l’interprétation était exclusivement au service du texte musical et du texte poétique de Paul Eluard. Ainsi, nous n’entendions pas des timbres des voix, des personnalités, mais la musique. Une bonne interprétation ne doit-elle pas justement être celle qui se fait oublier ? Les chanteurs et leur chef de chœur ne nous ont guère imposé leurs propres sentiments avec pathos, nuances extraverties ou rubato, ce qui d’ailleurs déplaisait à Poulenc. Par conséquent, n’ayant point de contraintes à se voir suggérer un quelconque émoi, nous avons ressenti avec profondeur tout au long de cette Figure Humaine, les frissons et les émotions, symptômes d’une interprétation qui fait corps avec l’écriture musicale. 

A Genève, un OCL mi-figue mi-raisin

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Pour la seconde fois en cette saison 2023-2024, l’Orchestre de la Suisse Romande invite l’Orchestre de Chambre de Lausanne sous la direction de Renaud Capuçon, son chef titulaire depuis septembre 2021.

Pour commencer le programme, Renaud Capuçon est en outre le soliste du Concerto n.5 en la majeur K.219 de Mozart. Sous sa direction, l’introduction instrumentale joue sur la fluidité des lignes en contrastant les éclairages. Puis se tournant vers le public, il livre en une sonorité immaculée la cadenza précédant l’Allegro aperto où il allège le trait, au contraire du canevas orchestral qui s’épaissit grossièrement. D’emblée, s’impose une constatation : la présence des deux hautbois et des deux cors souscrivant à un sempiternel forte suffit à déséquilibrer le discours que les cordes tentent de nuancer. L’attention de l’auditeur se porte donc sur le violon solo égrenant les passaggi avec une indéniable musicalité qui se charge d’intense nostalgie dans un Adagio où affleurent les demi-teintes, notamment dans les quelques séquences où le soliste peut diriger. Finalement, les lignes se resserrent pour un Rondò où est dessinée avec finesse la ‘turquerie’ médiane.

La même discordance entre les vents et les cordes affecte la Première Symphonie en ut majeur op.21 de Beethoven. Dès les premières mesures, le cantabile des violons s’appuyant sur les cordes graves peine à se faire entendre face au mur sonore édifié par les bois, les cors, les trompettes et les timbales par deux. Par la fluidité du propos, l’Andante cantabile a meilleur sort, car s’y glissent deux ou trois pianissimi de bon augure pour ce qui suit, un Menuetto bouillonnant débouchant sur un trio en demi-teintes et un Presto final où les archets à la pointe sèche recherchent les accents afin de susciter une effervescence all’italiana

La Philharmonie de Paris fête les 80 ans de Péter Eötvös

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Né le 2 janvier 1944, le compositeur et chef d’orchestre hongrois Péter Eötvös a fêté au début de l’année son 80e anniversaire. Le 10 janvier dernier, la Philharmonie lui a rendu hommage avec quatre de ses compositions emblématiques.

La musique traditionnelle hongroise, Stockhausen, Bartók, le jazz sont quelques grandes influences dans la construction de la personnalité musicale de Péter Eötvös, qui a été directeur musical de l’Ensemble Intercontemporain (EIC) de 1979 à 1991. Mais avant et après tout, c’est un homme de théâtre. Les participants de la table ronde organisée avant le concert ont tous insisté sur ce point, soulignant son pragmatisme dans la réalité de production : effectif, moyen technique, aspect financier… Ce concert anniversaire fait entrevoir ces traits caractéristiques du compositeur, sous la direction magistrale de David Robertson, son successeur à l’EIC de 1992 à 1999. 

D’abord, Fermata pour quinze musiciens de 2020-2021, créé en mars 2022 à Budapest, est interprété en création française. Les quinze musiciens devraient se tenir à 1,5 mètre de distance les uns des autres, en référence aux années de la pandémie, mais ce soir-là, cette consigne n’est pas littéralement respecté, surtout pour les cuivres. Cela n’empêche aucunement le magnifique rendu des rapports sonores entre les instruments à travers les séquences qui paraissent fragmentaires (Eötvös lui-même parle du « matériel musical […] parfois réduit à un simple contraste de tons noirs et blancs - sections individuelles, sans cohérence logique »), à cause de (ou grâce à) pauses prolongées évoquées par le titre Fermata.

Adventures of the Dominant Seventh Chord (Aventure de l’accord de Septième de Dominante) est donné dans la version pour alto solo, dont la création française de ce soir a été explicitement confiée par le compositeur à Odile Auboin. La septième de dominante est utilisée comme le moyen permettant un constant va-et-vient entre les deux cultures musicales de l’Europe occidentale et orientale, entre les deux traditions écrite et orale. Accord conclusif d’une phrase musicale dans la musique savante occidentale, il sert, dans la musique traditionnelle, une ouverture vers une nouvelle perspective. Des chants rapides ou lents de Transylvanie où est né le compositeur, illustrent les propos subtils et recherchés mais également joueurs, dans lesquels l’archet de l’altiste s’imprègne davantage à mesure que la pièce progresse.

Début de la tournée européenne de Muti et du CSO à Bruxelles

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Ce jeudi 11 janvier 2024 a lieu le début de la tournée européenne du Chicago Symphony Orchestra sous la direction de Riccardo Muti. Il est nommé Directeur musical émérite à vie par l’orchestre en juin 2023 après son mandat ayant commencé en septembre 2010. Concernant la tournée, Bruxelles est la première des 11 villes où le CSO se rendra. Au programme de ce concert, la création européenne de la pièce The Triumph of the Octagon de Philip Glass, la Quatrième Symphonie dite « Italienne » en la majeur op.90 de Mendelssohn et la Cinquième Symphonie en si bémol majeur op.100 de Sergueï Prokofiev.

Pour débuter cette soirée, place à la création européenne de la pièce The Triumph of the Octagon de Philip Glass. Cette œuvre est une commande du Chicago Symphony Orchestra. Glass la dédie à Riccardo Muti « pour ses nombreux succès en tant que chef d’orchestre du CSO et de ses importantes contributions au monde de la musique ». Pour l’anecdote, Riccardo Muti et Philip Glass se sont rencontrés à Chicago en février 2022 dans le cadre de la création de la Onzième Symphonie de Glass par Muti et le CSO. Lors d’une répétition, Glass a remarqué la présence d’une photo d’un château et en discutant avec Muti, il s’avère que cette photo représente le Castel del Monte (Château de la Montagne), construction datant du 13ᵉ siècle. Muti a vu ce château pour la première fois lorsqu’il était enfant et a toujours été impressionné par cet édifice ressemblant à une couronne venue du ciel. Ce château est de forme octogonale avec huit tours elles-mêmes octogonales. Cette pièce s’ajoute à la liste restreinte de monuments architecturaux mis en musique. 

Javier Camarena retrouve la « Belle Époque » au Palau de la Mùsica

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Pour un chanteur d’opéra aussi réputé que Javier Camarena, affronter un récital monographique consacré uniquement à un artiste aussi singulier que Tosti, était un pari assez risqué. Connaissant l’engagement émotionnel et la recherche interprétative qu’il accorde habituellement à ses personnages opératiques, on pouvait cependant s’attendre à un résultat plus que satisfaisant. Sous le titre « Sogno », celui d’une des mélodies enregistrées, le ténor mexicain résidant en Espagne vient de consacrer son dernier CD à un compositeur qui a connu autant le succès populaire qu’il n’a été vilipendé par une certaine critique. Car, si pendant plus d’un siècle, la plupart de grands chanteurs ont servi sa musique et exhibé son indiscutable sens de la « vocalità » italienne, on peut néanmoins y constater un penchant marqué pour la sentimentalité. Et une interprétation vulgaire pourrait trop facilement la faire tomber dans un puits gluant d’eau de rose, sucre et miel… Reynaldo Hahn ou même Fauré (qui dédia à Tosti « Le parfum impérissable ») pourraient aussi subir ce sort fatal si l’interprète ne trouve pas la justesse de ton en étirant, d’un côté, la corde de la sentimentalité décadente « fin de siècle » tout en gardant, de l’autre, le sang-froid, le raffinement et l’élégance d’un grand interprète. Le parcours de ce compositeur est singulier : d’origine extrêmement modeste, il naquit à Ortona, dans les Abruzzes (il en recueillera le folklore en suivant la voie des Inzenga ou Pedrell en Espagne, Kodaly et Bartok en Hongrie ou Canteloube en France), étudia à Naples avec ce précurseur du mélodrame italien qui fut Saverio Mercadante, dont le jeune Rossini s’inspira largement, et devint professeur de chant de la princesse Marguerite de Savoie, laquelle, devenue reine, la recommanda à une pléiade de têtes couronnées de Russie, Espagne ou le Royaume Uni (Elisabeth I et Edouard VII) qui visitaient son atelier lyrique londonien pour y former leur voix. Verdi ou Puccini encourageaient aussi à suivre son enseignement du chant. Il devint enfin britannique et fut nommé sir par le roi.

A Genève, un Concert de l’An de l’OSR de bonne tenue

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Chaque année, au mois de janvier, les Amis de l’Orchestre de la Suisse Romande organisent un Concert de l’An qui se déroule sur la scène du Victoria Hall. Le programme du 10 janvier 2024 avait choisi pour thématique l’art lyrique de Mozart à Puccini en faisant appel au maestro Antonino Fogliani et à la soprano Julie Fuchs pour soliste. Une répétition d’ensemble a eu lieu mardi. Mais le lendemain à 11 heures, la chanteuse s’est trouvée aphone. Avec l’aide du chef et de son carnet d’adresses, Steve Roger, le directeur général de l’OSR, a réussi à contacter Rosa Feola qui s’est engouffrée dans un avion pour Genève et qui, à 16 heures, a pu prendre part à une répétition avec orchestre organisée en catastrophe. Elle a ainsi sauvé la soirée en respectant (à une exception près) les pages inscrites au programme. Et le résultat d’ensemble a été de très bon niveau en provoquant l’enthousiasme d’une salle comble jusqu’au dernier strapontin.

Concert du nouvel an 2024 : la très belle surprise Thielemann !

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Les années se suivent mais ne se ressemblent pas toujours ! C’est la grande leçon de cette édition 2024 du traditionnel concert du Nouvel An dirigé pour la seconde fois par Christian Thielemann. Après une première prestation un peu trop retenue en 2019, le chef allemand nous a agréablement surpris avec une direction experte et pleine de nuances.

2024 sera l’année Bruckner à l’occasion du bicentenaire mais également celle de Thielemann. Le Berlinois frappe un grand coup avec les parutions d’une magnifique intégrale des symphonies du « maître de Saint-Florian » et de ce Neujahrskonzert qui a tout d’une réussite (deux enregistrements Sony Classical).

Le programme retenu y est également pour beaucoup avec pour la première fois neuf pièces dont celles du Bohémien Karl Komzák, Erzherzog Albrecht-Marsch op.136 et du Danois Hans Christian Lumbye, Gaedeligt Nytaar ! (littéralement Bonne Année en français). Deux très belles découvertes auxquelles s’ajoutent un Quadrille de Bruckner justement pour marquer les 200 ans de sa naissance. Nous retrouvons également avec bonheur l’Ouverture de l’opérette « Waldmeister » surtout quand elle est dirigée avec autant de talent.