Au Concert

Les concerts un peu partout en Europe. De grands solistes et d’autres moins connus, des découvertes.

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Ce dimanche 5 mai a lieu un concert dédié à Mozart au Namur Concert Hall. Deux œuvres sont au programme : le Concerto pour flûte en ré majeur K.314 ainsi que la Messe en ut mineur K.427, dite « grande messe ». Sur scène nous retrouvons Les Ambassadeurs et La Grande écurie sous la direction d’Alexis Kossenko. Ce dernier est également le soliste dans le Concerto pour flûte. Le Chœur de Chambre de Namur se joint à eux pour l’interprétation de la Messe. Le quatuor vocal soliste est constitué de Lauranne Oliva (soprano), Sophie Naubert (soprano), Maxence Billiemaz (ténor) et Philippe Favette (basse).

Le concert débute avec le Concerto pour flûte en ré majeur K.314. En réalité, cette pièce est une adaptation du concerto pour hautbois et orchestre. Les deux concertos portent d’ailleurs le même numéro au catalogue Köchel. La seule différence est que le concerto pour hautbois est en do majeur contrairement à celui pour flûte qui est en ré majeur.

Alexis Kossenko laisse, le temps d’une pièce, sa baguette de côté pour endosser le rôle de soliste. Son jeu subtil nous convainc dès le début. Les premier et troisième mouvements sont enjoués avec de beaux contrastes. Dans le deuxième mouvement, il fait preuve de délicatesse et d’une grande musicalité. De plus, il emmène l’orchestre avec lui dans un dialogue tantôt léger et pétillant, tantôt plus lyrique et délicat. L’orchestre prête une oreille attentive à ce que Kossenko fait afin de l’accompagner au mieux. C’est une très belle mise en bouche et le public applaudit vivement cette belle interprétation.

Après l’entracte, place à la Messe en ut mineur K.427, dite « grande messe ». Avec le Requiem, cette messe fait partie des plus belles œuvres sacrées que Mozart ait composées. En effet, ces deux pièces, bien que toutes les deux inachevées, sont supérieures à toutes les autres messes qu’il a écrites. C’est l’édition et reconstitution de Clemens Kemme qui est retenue pour ce concert.

A l’OSR, un flamboyant Requiem de Verdi

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Durant de nombreuses années, la Messa da Requiem de Giuseppe Verdi n’a pas figuré à l’affiche de l’Orchestre de la Suisse Romande. Mais en ce début mai 2024, l’on fait appel au maestro Myung-Whun Chung pour présenter ce monumental ouvrage lors de deux soirées à Genève et une à Lausanne. Ayant été le principal chef invité du Maggio Musicale Fiorentino puis le directeur musical de l’Orchestra dell’Accademia di Santa Cecilia di Roma de 1998 à 2004 et directeur émérite de la Filarmonica della Scala di Milano depuis 2023, il en a étudié les moindres détails pour parvenir à une connaissance parfaite de la partition qu’il restitue avec une fidélité exemplaire en un souffle tragique qui ne faiblit jamais.

En bénéficie en premier lieu l’Orchestre de la Suisse Romande qui, sous la baguette d’un grand chef d’orchestre, révèle un rare équilibre des pupitres exhibant une palette de coloris d’une richesse inouïe. Tout aussi exceptionnel s’avère le Coro dell’Accademia di Santa Cecilia préparé par Andrea Secchi qui fait valoir une fusion des registres, une précision rythmique jamais prise en défaut et une ampleur hors du commun dans le Tuba mirum et les diverses reprises du Dies irae.

Abordant la séquence initiale Requiem en un lento où les cordes avec sourdines produisent un son blafard qui pétrifie l’auditeur, Myung-Whun Chung extirpe des basses du chœur un Te decet hymnus granitique qui sous-tend ensuite l’a cappella d’ensemble avant de laisser affleurer l’intervention des solistes pour le Kyrie. Son Dies irae est aussi apocalyptique que le Tuba mirum nous remémorant le Jugement dernier dans les fresques de Michelangelo à la Chapelle Sixtine, tandis que les demi-teintes et le pianissimo sont porteurs d’une intense ferveur dans le Hostias de l’Offertorio et l’ultime Requiem aeternam pour soprano solo et chœur.

Pour ses 177 ans, le Liceu fait briller quatre étoiles

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Le concept de Gala Lyrique risque trop facilement de devenir un événement purement social avec un catalogue disparate de morceaux agencés de façon aléatoire juste pour titiller l’ego des solistes invités sans autre recherche purement musicale. Celui d’hier, au Liceu, a totalement évité cet écueil par l’incommensurable talent des quatre étoiles présentes : les soprani Lisette Oropesa, nord-américaine d’origine cubaine et Ermonela Jaho, albanaise formée en Italie, le ténor mexicain Javier Camarena et le baryton espagnol Carlos Álvarez. Tous les quatre mènent des carrières internationales de tout premier plan et les voir réunis sur un même plateau a été assurément un bon casse-tête d’agenda pour les organisateurs. Et un bref coup d’œil sur leur activité incessante, partout dans le monde, impressionne non seulement par la qualité extraordinaire de leurs performances mais, tout simplement, par leur nombre. Il y a longtemps, un très jeune Plácido Domingo avait laissé pantois son agent parisien en lui prouvant qu’il connaissait une quarantaine de rôles d’opéra. Aujourd’hui, cela semble être devenu la règle…

Sergey Khachatryan et Alexandre Kantorow à Monte-Carlo 

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Le violoniste Sergey Khachatryan et le pianiste Alexandre Kantorow sont deux musiciens chéris par le public monégasque. Ils sont venus régulièrement à Monaco, mais jamais ensemble. Cette première rencontre se déroule devant le public conquis de l’Auditorium Rainier III dans le cadre de la saison de récital de l’Orchestre Philharmonique de Monte-Carlo.  

L'élégance, le goût, le caractère poignant et l'énergie de leur jeu dans la Sonate n°1 de Brahms transcendent le temps et la technologie.  Leur interprétation collaborative de cette sonate est la définition de la véritable musicalité.

La rare  Sonate pour violon et piano d'Arno Babadjanian est une œuvre exaltante, qui accroche dès la première minute. On ressent toute la douleur du compositeur arménien, marqué par le génocide perpétré quelques années avant sa naissance. Elle date de 1959 est dédiée à Dimitri Chostakovitch et montre l'influence de Prokofiev.  

A Genève, Tugan Sokhiev pour la première fois à la tête de l’OSR 

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Pour l’antépénultième concert de la saison 2023-2024, l’Orchestre de la Suisse Romande invite un chef que l’on entend rarement à Genève, Tugan Sokhiev, qui a été durant de longues années directeur musical du Théâtre Bolchoï de Moscou et de l’Orchestre National du Capitole de Toulouse. 

Pour les soirées des 25 et 26 avril, son programme est entièrement consacré à la musique russe et commence par une page magnifique d’Anatol Liadov, Le Lac enchanté, poème symphonique op.62 créé à Saint-Pétersbourg en février 1909. Tugan Sokhiev l’aborde avec une extrême lenteur en créant dans un pianissimo presque imperceptible un climat envoûtant où les cordes miroitent sous les arpèges de harpe et de célesta et les flûtes en étoiles. Peu à peu, l’onde frémit en suscitant une vague du tutti qui n’est que passagère avant de se diluer en un reflux rasséréné.

Intervient ensuite le lauréat du Concours Van Cliburn de 209, Haochen Zhang, jeune pianiste chinois trentenaire qui est le soliste du Troisième Concerto en ut majeur op.26 de Sergey Prokofiev. Répondant au dialogue expressif de la clarinette avec les flûtes et les violons, il impose, dès son entrée en bourrasque, un jeu clair usant parcimonieusement de la pédale de droite et une technique époustouflante qui lui permet de détacher pratiquement ses yeux du clavier. La vélocité rend cinglant le trait sans durcir le son mais cède le pas devant de nostalgiques élans sous-tendant ensuite l’Andantino que les variations dynamisent par l’enchaînement de sauts de tessiture et de traits en octaves ahurissants. Tout aussi stupéfiant, le Final accumulant les accords percutants et les arpèges arachnéens qui font effet sur un public galvanisé par la performance. Le jeune soliste intimidé le remercie par l’un des Préludes du Premier cahier de Claude Debussy, une Fille aux Cheveux de Lin en demi-teintes rêveuses.

Charlemagne Palestine, son Casio et les orgues de Saint-Loup

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Je l’avais vu, il y a un bon bout de temps, à la Maison du Peuple de Saint-Gilles, un soir de match (les clameurs des supportes bariolés dans la rue), l’audience lovée dans d’incongrus transats de plage disposés en cercle pour l’occasion, l’interprète au centre, acharné de quelques doigts sur un Bösendorfer qui n’en demandait pas tant : la musique de Charlemagne Palestine -une incantation frénétique, étrangement envoûtante- tient aux ondes sonores comme à sa présence, à son sens du décorum -qui exerce une fascination un peu penaude. 

Mais, ce mercredi soir dans l’imposante et baroque église Saint-Loup de Namur, c’est d’orgue qu’il est question, et je suis curieux de voir et entendre ce natif de Brooklyn venu à Bruxelles pour l’amour, la vibration et la loi sur les armes, ancien cantor et carillonneur, pionnier du minimalisme avec Steve Reich, Terry Riley ou La Monte Young (il s’en détache plus tard, grimaçant devant la dérive commerciale et new age du mouvement et se qualifie ensuite de maximaliste), chercheur de sons -non, du son, celui dont l’expérience physique rejoint l’expérience spirituelle, celui dont la vibration touche l’âme comme le corps.

C’est la première édition du Printemps des Orgues de Saint-Loup, plus de dix jours pour mettre en valeur le lieu, l’instrument (l’ambitieuse résurrection du grand orgue, confiée, par le comité d’accompagnement présidé par Thierry Lanotte, aux mains de la Manufacture d’orgues Thomas), le bâtiment qui l’abrite et la musique, diverse, qui lui est consacrée -d’hier (et même d’avant-hier) à aujourd’hui ; un défi pour la conservatrice Cindy Castillo, dont l’ouverture esthétique vaut à Saint-Loup de voir un de ses piliers centraux décoré des tissus colorés et des poupées de chiffon qui, avec l’habit, les foulards et le chapeau (rouge), signalent visuellement le monde de Palestine.

A Genève, un Nikolai Lugansky captivant 

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Pour achever la série ‘Les Grands Interprètes’ de sa saison 2023-2024, l’Agence de concerts Caecilia invite le grand pianiste russe Nikolaï Lugansky que l’on a peu entendu à Genève depuis quelques années. 

Son programme du 17 avril au Victoria Hall comporte des pages de Rachmaninov qui constituent son cheval de bataille et des extraits d’opéras de Wagner transcrits par Liszt et par lui-même, mais commence par deux pièces de Chopin.

Dans le Huitième Nocturne en ré bémol majeur op.27 n.2, Nikolai Lugansky développe une basse ondoyante enveloppant une ligne de chant claire aux inflexions rêveuses. Mais l’accumulation des passaggi en accords durcit la sonorité pour la rendre pathétique. Cette tendance se vérifie aussi dans la Quatrième Ballade en fa mineur op.52 abordée lento en de sobres demi-teintes que les octaves de la main gauche menacent sans parvenir à troubler le recueillement du choral à deux puis à trois voix. Mais le développement suscite une virtuosité torrentielle dans laquelle la mélodie se perd, ce qui rend le discours anguleux.

A Genève, le Beethoven de Daniele Gatti

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Dans son programme de saison, le Service Culturel Migros avait annoncé la venue de Daniele Gatti et l’Orchestra del Maggio Musicale Fiorentino interprétant la Neuvième Symphonie de Bruckner. Mais qui sait pourquoi, pour la série de quatre concerts donnés à Zurich, Berne, Genève et Lucerne, Daniele Gatti est bien présent mais à la tête d’une autre formation, l’Orchestra Mozart de Bologne fondé en 2004 par Claudio Abbado, repris en 2016 par Bernard Haitink puis en 2019 par son chef actuel qui a décidé d’en élargir le répertoire en intégrant des oeuvres méconnues du XIXe siècle et des ouvrages phares du XXe. Néanmoins pour cette tournée, le choix s’est porté sur deux des symphonies de Beethoven.

Dès les premières mesures de la Quatrième en si bémol majeur op.60, Daniele Gatti s’emploie à produire un coloris opaque en sollicitant le pianissimo des cordes graves d’où se dégagent progressivement les bois amenant un Allegro vivace d’une énergie farouche ponctuée par les timbales mais cultivant les contrastes d’éclairage dans un phrasé policé. L’Adagio a ici la fluidité d’un andantino dominé par un ample legato qui laisse affleurer d’infimes nuances des bois afin d’édulcorer les tutti. Le Menuetto tient du scherzo nerveux que tempère le trio par ses brusques ruptures de ton, alors que le Final développe une dynamique rapide grâce à la précision des cordes aboutissant à une coda désarticulant la phrase finale en guise de pirouette. 

Festival de Pâques de Deauville : émulation et élévation

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La 28e édition du Festival de Pâques de Deauville a commencé le samedi 6 avril et se poursuit jusqu’au 27 avril. Les concerts se déroulent à la salle de vente d’enchère de chevaux Arqana, aujourd’hui considérée comme un lieu privilégié d’émulations musicales pour des jeunes musiciens.

Le deuxième week-end est le plus chargé et diversifié de cette 28e édition, de Bach et Telemann jusqu’à Webern. Le vendredi 12, Gabrielle Rubio (traverso), Julien Chauvin (violon), Atsushi Sakai (viole de gambe) et Justin Taylor (clavecin) proposent des sonates de Bach et un quatuor de Telemann. Dans la sonate pour flûte, violon et basse continue en sol majeur BWV 1038 de Bach, la sobriété sonore du traverso et la brillance du violon offrent un contraste saisissant. La virtuosité stupéfiante et le lyrisme intense de la Sonate pour viole de gambe et clavecin en sol mineur BWV 1029 montrent à quel point deux seuls instruments peuvent varier et multiplier les plans et les couleurs. On peut même entendre dans certains passages du finale un petit orchestre, pendant que la sonorité mélodieuse de la viole « navigue » sur les accords flexibles du clavecin. Dans l’« Andante » de la sonate en trio de l’Offrande musicale, nos interprètes font ressortir la modernité de la partition, si bien qu’à un moment donné, on croirait entendre des pages d’opéras qui semblaient provenir de Gluck ! Une telle théâtralité est pleinement explorée par Justin Taylor, qui enchaine des arpèges très virtuoses de l’« Allegro » du Concerto pour orgue en do majeur (BWV 594, d’après le concert pour violon RV 2008 de Vivaldi) au Concerto italien. Dans l’« Andante », le claveciniste « décompose » les accords pour donner une illusion de plusieurs instruments, alors qu’à la main droite, il chante la mélodie avec la fluidité de violon, y compris la tenue des notes longues ! Toujours à la référence au théâtre, dans le Quatuor parisien n° 6 de Telemann, des jeux de réplique et d’imitation entre les quatre instruments, notamment entre le violon et le traverso, sont magnifiquement rendus, avec ce côté espiègle que Julien Chauvin réalise tout aussi visuellement avec ses coups d’archet. Une petite surprise quant à la basse profonde de la viole de gambe doublée par celle du clavecin, qui sonne comme un ensemble de cordes graves. Justin Taylor lance des aigus scintillants au clavier comme des clins d’œil d’une coquette Parisienne. Deux bis de Telemann closent le concert en bonne humeur.

"Notre Sacre", pour un printemps des peuples et des arts

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Il y a deux ans et demi, Les Dissonances et leur directeur musical avaient déjà joué Le Sacre du Printemps à la Philharmonie de Paris, lors d’un concert qui, formellement, ne cassait que le code d’un orchestre jouant sans chef (ce qui, surtout avec cette œuvre, n’est tout de même pas rien !). Nous avions commencé notre chronique en faisant allusion à la mythique et mouvementée création de ce chef-d'œuvre, il y a maintenant 111 ans, par ces mots : « Heureux les Parisiens qui... ». Nous pouvons les reprendre pour parler de cette, à nouveau, mémorable soirée.

Cette fois, d’autres codes tombent. Le ton est donné avec une rapide apparition sur scène des principaux maîtres d’œuvre de la soirée (le rappeur et écrivain Abd al Malik qui déclare « Je m’appelle David et je suis juif », le violoniste et chef d'orchestre David Grimal qui répond « Je m’appelle Malik et je suis musulman », et la chorégraphe Blanca Li qui conclut « et ce soir, nous sommes tous des sœurs et des frères »). Dès leur sortie, bras dessus bras dessous, une voix off nous explique que la soirée bénéficie du dispositif Relax, lequel « facilite la venue de personnes dont le handicap peut parfois entraîner des comportements atypiques pendant la représentation ». Ceux qui en éprouvent le besoin peuvent ainsi sortir et revenir, et même « vocaliser » leur plaisir. Peut-être que si ce dispositif avait été mis en place au théâtre des Champs-Élysées le 29 mai 1913, l’histoire de la musique en eût été changée...Une soirée sous le signe de la paix et de l’inclusion, donc.