Charles-Valentin Alkan remis à la lumière du jour par Yuri Favorin, le 4ème lauréat du CMIREB 2010
Charles-Valentin ALKAN
(1813 - 1888)
Super flumina Babylonis - paraphrase du psaume 137, op. 52 - Symphonie pour piano seul, op. 39 n°4-7 - Grande sonate pour piano, les quatre âges de la vie, op. 33
Yuri Favorin, piano
2017-DDD-67'01"-Textes de présentation en français, anglais, allemand et russe - Muso - mu-022On l'appelait le Liszt français ou, plus judicieusement, le Berlioz du piano et, suivant la légende, il est mort écrasé par sa bibliothèque en lisant le talmud. Plus prosaïquement, un porte-parapluie très lourd serait tombé sur lui et il n'aurait pu se dégager. Charles-Valentin Alkan est un de ces compositeurs qui n'a pas mérité l'oubli dans lequel il est tombé. Sa misanthropie n'y est sans doute pas étrangère ! Sa vie partiellement énigmatique fut pourtant un authentique roman comme Claude Schopp le raconte dans la grande sonate publiée en 1999 chez Fayard. Son œuvre est essentiellement destinée au piano ; elle est novatrice, pleine d'une imagination qui se reflète dans les titres de ses partitions (le chemin de fer, marches quasi da cavalleria, capriccio alla soldatesca, ...) ou dans les sous-titres de ses études (l'incendie au village voisin, le festin d'Esope, ...). La paraphrase Super flumina Babylonis op. 52 est la mise en musique des émotions ressenties à la lecture des prophéties du Psaume 137 (le long des fleuves de Babylone, ...) par ce compositeur d'origine juive ashkénaze. La partition est d'ailleurs précédée de la traduction française des neuf versets de ce Psaume.
On doit à Alkan deux séries d'études ; après Douze études dans les tons majeurs op. 35, il publie en 1857 Douze études dans les tons mineurs op. 39. Dans ces dernières, il en isole trois (les n° 8, 9 et 10) qu'il intitule Concerto pour piano seul et quatre (les n° 4, 5, 6 et 7) qui forment la Symphonie pour piano seul enregistrée ici. C'est un véritable feu d'artifices sonore en quatre mouvements (allegro, marche funèbre, menuet et presto finale).
La magistrale Grande sonate op. 33, les quatre âges, est structurellement novatrice ; chacun de ses quatre mouvements est plus lent que le précédent : 20 ans, très vite - 30 ans, quasi Faust, assez vite - 40 ans, un heureux ménage, lentement) - 50 ans, Prométhée enchaîné, extrêmement lent). Ces mouvements alternent aussi tonalités simple et plus complexe (ré majeur - fa dièse majeur - sol majeur - sol dièse mineur). Quelques vers du poème d'Eschyle sont explicitement mis en exergue du dernier mouvement : Non, tu ne pourrois (sic) point endurer ma souffrance, ... Je vivrai quoiqu'il fasse, Vois s'ils sont mérités les tourments que j'endure. Alkan précise bien dans sa préface : ... chacun (des mouvements) correspond, dans mon esprit, à un moment donné de l'existence, à une disposition particulière de la pensée, de l'imagination. Pourquoi ne l'indiquerais-je point? L'élément musical subsistera toujours, et l'expression ne pourra qu'y gagner ; ... Berlioz n'est pas loin !
Ce redoutable programme, Yuri Favorin l'aborde à bras le corps avec toutes les qualités qu'on lui a connues lors du Concours Musical International Reine Elisabeth de Belgique en 2010 : une virtuosité parfaitement dominée et une grande variété d'émotions exprimées par un jeu plein de sensibilité requis par ces partitions d'une écriture particulièrement ardue. Un piano inhabituel parfois extravagant à déguster avec plaisir !
Jean-Marie André
Son 10 – Livret 10 – Répertoire 8 – Interprétation 10