Concert de rentrée de l'Orchestre Symphonique de la Monnaie de La Monnaie sous la direction d'Alain Altinoglu

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Ce dimanche 25 septembre a lieu à Bozar un concert donné par l’Orchestre Symphonique de la Monnaie dans le cadre du 250e anniversaire de sa création. Au programme de cette soirée festive, la Symphonie de Rédemption de César Franck, les Vier letze Lieder de Richard Strauss, Beyond de Harold Noben (création mondiale commandée par la Monnaie) et, pour finir, Till Eulenspiegels lustige Streiche, op.28 lui aussi de Richard Strauss. Nous retrouvons au pupitre de la phalange bruxelloise son directeur musical Alain Altinoglu accompagné pour l’occasion par la soprano britannique Sally Matthews.

Pour commencer, César Franck, dont on fête le bicentenaire de la naissance, est mis à l’honneur avec la première bruxelloise de la  Symphonie de Rédemption (1ère version de 1872 dit « Ancien morceau symphonique »), une partition redécouverte par le musicologue Joël-Marie Fauquet. Les premières notes sont jouées avec une certaine franchise nous plongeant immédiatement dans le concert. De beaux solos de clarinette, flûte et cor se distinguent dans cet Allegro Molto transmettant une belle énergie gérée avec brio par Alain Altinoglu. L’équilibre entre les cordes et l’harmonie est parfaitement ajusté. Dans le tumulte de cette œuvre se trouvent des moments d'accalmies avant que la musique ne reparte de plus belle. De belles intentions musicales sont données par le chef, ce qui rehausse l'interprétation déjà d’une excellente qualité. De plus, il sait conduire avec beaucoup de naturel les différentes progressions et nuances de cette œuvre. La pièce se termine avec un decrescendo général tout en gardant une certaine énergie.

La première partie du concert se clôture avec les Vier letze Lieder de Richard Strauss. Après un rapide changement de plateau voyant l’effectif imposant se réduire quelque peu, la soliste britannique Sally Matthews fait son entrée pour interpréter cette œuvre faisant partie des pièces les plus célèbres pour orchestre et soprano. Cette pièce datant de 1948 est la dernière composition de Richard Strauss. Ce dernier s’est inspiré de poèmes de Joseph von Eichendorff, en particulier par Im Abendrot (Dans le rouge couchant), pour composer ces quatre Lieder. Le premier Lied, Frühling (Printemps), commence dans un climat mystérieux. La soliste atteint avec aisance le registre aigu exigé par la partition. L’orchestre soutient Sally Matthews sans pour autant empiéter sur sa voix. Il sait néanmoins prendre le relais lorsque qu’elle ne chante pas. Le deuxième Lied, September (Septembre), commence tel un frémissement qui parcourt un jardin d’été. Le chef transmet avec grande délicatesse ses intentions musicales pour soutenir d’une belle façon la soprano. Ce deuxième Lied se termine en douceur, comme si l’on fermait paisiblement les yeux. Le troisième Lied, Beim Schlafengehen (En s’endormant), débute avec une certaine gravité. Sally Matthews aspire à l’oubli que procure le sommeil. La Konzertmeister nous offre par ailleurs un magnifique solo. Les contrastes sont saisissants. Le dernier Lied, Im Abendrot, permet à la soprano de montrer une dernière fois l’étendue de son talent et de sa maitrise vocale. Alain Altinoglu conduit subtilement un orchestre attentif pour sublimer la belle voix de la soliste. Le dernier vers, mystérieux, nous renvoie au thème principal du poème symphonique Tod und Verklärung composé 60 ans plus tôt. Cette excellente prestation est acclamée par un public conquis par la maîtrise de l’orchestre, la voix enchanteresse de la soliste et la direction bienveillante du chef.

Après la pause, place à la création mondiale de la pièce commandée par la Monnaie, Beyond. Le compositeur belge Harold Noben a composé cette œuvre dans le style du concerto pour orchestre pour rendre hommage aux différents solistes de l’orchestre et du rôle important qu’ils jouent. Plusieurs instrumentistes disposent d'un espace pour s’exprimer. Cette pièce parle de la solitude et de la transcendance dont doit faire preuve un soliste quand il doit parfois jouer seul et se mettre à nu face à un public qui a les yeux rivés et les oreilles tendues vers lui. La pièce commence avec un solo de violoncelle interprété avec talent et sérénité. Il est rejoint quelques mesures plus tard par l’alto, avant que la Konzertmeisterin  se joigne à ce duo pour former un trio que nous retrouvons à plusieurs reprises dans cette œuvre. S’en suit un tapis de cordes qui laisse place au solo de trompette assez bref. La violoniste interprète à merveille un nouveau solo auquel répondra la clarinette. Puis un climat mystique s’installe et donne lieu à une progression avec des effets, notamment à la percussion. La masse sonore prend de l’ampleur mais aussi une certaine gravité avec un grand tutti court mais intense. Nous avons à nouveau droit à un solo de trompette soutenu par un tapis de cordes et des glissandi à la harpe. Tout s’arrête pour laisser place au solo du hautbois. Il est progressivement rejoint par les précédents solistes pour finalement pouvoir apprécier un bref solo de la flûte. Le trio de cordes refait surface et joue comme si ils faisaient de la musique de chambre. Une nouvelle progression prend forme dans un pianissimo avant de s’animer avec les bassons et l’usage des percussions. Le reste de l’orchestre suit petit à petit pour arriver à un climax avec d’imposants roulements de grosse caisse. Ce tutti  prend fin pour qu’un solo impressionnant de la harpe se donne à entendre. Un dernier grand crescendo s’amorce mais il est interrompu par une partie très rythmique remplie de mesures asymétriques. Un passage plus fluide nous faisant brièvement penser à Daphnis et Chloé de Ravel vient interrompre cette partie rythmée avant que celle-ci ne reprenne de plus belle. Tout s’arrête à nouveau pour laisser une dernière fois le trio des cordes jouer seul, suivi d’un solo de trompette, de clarinette et de cor. La pièce se termine dans un caractère à la fois mystérieux et apaisant. C’est une excellente prestation que nous livre l’orchestre dirigé de main de maître par Alain Altinoglu. Mention spéciale pour l’ensemble des solistes pour la virtuosité avec laquelle ils interprètent les solos de cette création mondiale. Le compositeur, assis dans la salle, ainsi que les artistes sont unanimement applaudis par un public conquis par la prestation de cette œuvre.

Le concert se termine en beauté avec Till Eulenspiegels lustige Streiche, op.28 de Richard Strauss. Alain Altinoglu et l’Orchestre Symphonique de la Monnaie nous offrent une interprétation malicieuse et espiègle de cette œuvre. Le début est joué avec clarté, le solo de cor (l'excellent Jean-Pierre Dassonville) annonce brillamment le thème repris plus tard par le reste de l’orchestre. Caractère, justesse, nuances et précision jalonnent l’exécution de cette oeuvre de jeunesse de Strauss. Le solo du premier violon est empli de virtuosité. Le chef maîtrise parfaitement sa partition est mène un orchestre connaissant parfaitement son sujet. De beaux contrastes et effets apportent une dimension supplémentaire à la pièce. 

En conclusion, de très belles individualités au service du collectif font de cette soirée une franche réussite. C’est un carton plein pour ce concert de l’Orchestre Symphonique de la Monnaie placé sous la baguette de son directeur musical Alain Altinoglu. L’audience acclame et applaudit longuement la prestation livrée ce soir. Musicalité, contrastes, justesse, précision sont au rendez-nous avec un chef qui a excellé dans son art.

Bruxelles, Bozar, le 25 septembre 2022

Thimothée Grandjean, Reporter de l’Imep

Crédits photographiques : © Vincent Callot

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