Un documentaire sur la recherche de la transcendance,  avec la cheffe italo-brésilienne Simone Menezes

par

Metanoïa, un film de Paul Smaczny. Musiques de Giacomo Puccini (1858-1924) : Messa di Gloria, extrait ; Arvo Pärt (°1935) : In spe, pour quintette à vents et cordes ; Alexander Borodine (1833-1887) : Danses polovtsiennes, orchestration de Vincent Paulet ; Jean-Sébastien Bach (1685-1750) : Partita pour violon en si mineur BWV 1002 : Sarabande ; Heitor Villa-Lobos (1887-1959) : Bachianas Brasileiras n° 4 en si mineur : Prélude ; Franz Schubert (1797-1828) : Trio à cordes en si bémol majeur D. 471, extrait ; Ennio Morricone (1928-2020) : The Mission, extraits. Manon Galy, violon ; Ensemble K ; Sequenza 9.3 ; direction Simone Menezes ; Balletto di Roma. 2022. Notice en anglais, en français et en allemand. Sous-titres italiens, anglais, français, allemands et japonais. 81.14. Un DVD Accentus ACC20550. Aussi disponible en Blu Ray.

La cheffe italo-brésilienne Simone Menezes (°1977) est originaire de São Paulo, où elle a étudié avant d’obtenir une bourse qui lui a permis de se perfectionner en France. En 2019, elle a fondé l’ensemble « K », basé dans les Hauts-de-France, dont elle est aussi la directrice artistique. Cette année, elle a entamé le projet Metanoïa, dans le cadre duquel des concerts ont été donnés à l’occasion d’une tournée, avec gravure d’un CD pour Accent (paru en janvier), et ce film documentaire pour le même label. Dans une note de présentation, Simone Menezes explique que le terme vient du grec ancien et signifie littéralement « au-delà de la pensée », dans le sens d’un élargissement de celle-ci. Elle ajoute que la découverte d’un discours prononcé par Arvo Pärt en 2014 à New-York a transformé sa manière de concevoir la musique et l’art. Le compositeur y disait notamment : L’âme humaine est l’instrument de musique le plus sensible. […] Il faut purifier l’âme pour qu’elle se mette à retentir, à sonner. L’instrument doit être réglé pour produire le son. […] C’est par là que nous devons commencer, par l’âme, et non par la musique.

Le film est une application concrète de l’envie de Simone Menezes de partager, à travers une mosaïque musicale très personnelle, quelques œuvres qui (l’) inspirent à la transcendance. Pour cela, elle invite le spectateur à la suivre, ainsi que son ensemble, dans un voyage qui débute à Paris, à la Seine-Musicale, se poursuit à Leipzig, dans l’atelier du peintre Michael Triegel, influencé par l’art de la Renaissance, dans la Chapelle Brancacci de Florence, dans l’église Santa Maria delle Grazie de Milan, au Teatro all’Antica de Sabbioneta, cité de la province de Mantoue, puis dans les jardins de la Villa Médicis et l’église Sant’Andrea al Quirinale de Rome et, enfin, au Castello di Castagneto Carducci, dans la province de Livourne, avant un retour à La Seine Musicale de Paris. A chaque étape, Simone Menezes est en conversation avec des personnalités autour du thème de la beauté des lieux et d’œuvres de la Renaissance (e.a. Masaccio, Lippi, Leonardo da Vinci), mais aussi de la capacité de la musique à s’élever, grâce aux motivations profondes des compositeurs, jusqu’à la transcendance. 

Ces entretiens, d’une belle densité, sont intéressants par leur contenu artistique, notamment en ce qui concerne les liens avec la peinture, l’architecture et l’histoire. Ils se déroulent avec Antonio Pappano (à trois reprises, dont un éloge vibrant à Ennio Morricone), le peintre leipzigois déjà cité, le directeur de la Michelangelo Foundation de Genève, Alberto Cavalli, qui représente cet organisme dont la mission est la promotion des arts d’excellence, le frère jésuite Alessandro Manaresi, qui souligne le rôle social et culturel de sa congrégation au Brésil, ainsi qu’avec des solistes de « K », la pianiste Mara Dobresco et les violonistes Gabriel Dupont et Manon Galy. Cette dernière joue un extrait d’une Partita de Bach. Ce DVD, qui est le reflet d’une tournée avec l’ensemble fondé par Simone Menezes, rend un bel hommage au projet de la cheffe dont on ressent, dans les propos, parfois en référence avec son pays natal, la conviction de la nécessité d’un discours musical qui aspire à une forme d’élévation et d’universalité. Message que l’on partage volontiers avec elle.

Assez courtes, les séquences musicales illustratives, qui viennent se placer en alternance avec des visites et des conversations, attestent de la qualité des instrumentistes de l’ensemble, ainsi mis en valeur, l’humour n’étant pas oublié : la séquence de la préparation, pour le groupe, d’un repas constitué de plats de pâtes (qui ont l’air succulentes) est combinée à de courts extraits d’une répétition d’un trio de Schubert. Un rapprochement inattendu, mais des plus amusants. On y ajoutera la présence active des chanteurs de l’ensemble vocal Sequenza 9.3, ainsi que, dans le cadre magnifique de Sabbbioneta, du Balletto de Roma, qui anime la vitalité des Danses polovtsiennes de Borodine, chorégraphiées par Valerio Longo, avec lequel Simone Menezes s’entretient avant de prendre la baguette pour diriger. 

Ce film de Paul Smaczny dépasse largement le concept de la carte de visite destinée à promotionner une formation et à brosser un portrait de sa fondatrice : il entame une réflexion sur l’engagement artistique et les valeurs défendues, comme l’authenticité et le dépassement de soi. A ce titre-là, il mérite de faire l’objet d’un visionnage attentif, qui se nourrit de belles images de cités italiennes.

Note globale : 8,5

Jean Lacroix

 



Vos commentaires

Vous devriez utiliser le HTML:
<a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <s> <strike> <strong>

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.