Découverte des quatre agréables et récentes Sonates pour orgue de David Fontanesi
David Fontanesi (*1969) : Sonates pour orgue I, II, III, IV. Andrea Albertin, orgue Tamburini de la cathédrale San Lorenzo d’Abano Terme (Province de Padoue, Italie). Mars 2023. Livret en anglais. TT 58’19. Da Vinci Classics C00786
Diplômé en histoire de la philosophie médiévale de l'Université de Padoue, David Fontanesi est l’auteur de plusieurs ouvrages d’esthétique, entre musicologie et philosophie : Preludi ad una metafisica della musica contemporanea (qui interroge quelques langages du répertoire moderne), Studi e intermezzi sulla musica del '900 (investiguant la production d’Anton Webern, Franco Margola, Bud Powell et Azio Corghi), ou questionnant plus largement le Beau en musique (Note Sigillate. Il bello, il brutto, il nuovo nella musica). Il étudia le piano avec Lucia Lusvardi Gallico, et la composition avec Giorgio Colombo-Taccani et Stefano Chinca, avant d’approfondir son écriture à l'Accademia Musicale Chigiana de Sienne puis à l'Accademia Romanini de Brescia, auprès d'Azio Corghi et de Mauro Bonifacio. Son catalogue compte de la musique de chambre, des œuvres concertantes et orchestrales, et désormais ces quatre Sonates pour orgue datées de 2021.
« Je ne suis pas un adepte de cette musique du XXe siècle qui s'est déformée sans rester ancrée aux racines. Je crois que la tradition ne doit pas être ignorée mais qu'elle est la base à partir de laquelle on peut se renouveler » déclarait en septembre 2017 à la Gazzetta di Mantova celui qui s’en tient dans ces Sonates à des recettes éprouvées, tant en termes de contrepoint que d’harmonie tonale (le délicat Andantino de la no 1 respire des parfums mendelssohniens, tandis que le Poco Adagio de la no 3 se teinte de modalité), mais non exemptes de complexité ou de menues surprises. Notamment dans le Calmo de la no 4 qui révèle progressivement une construction ingénieuse. À l’exposition fuguée de la première sonate (inspirée du Thema Regium que J.S. Bach, ou peut-être son fils Carl Philipp Emanuel, élabora pour le roi de Prusse Frédéric II) répondent dans la seconde (scherzoso dans un style imitatif) et la quatrième une émancipation plus libre, tandis que la troisième s’introduit par un Moderato d’essence symphonique. Le cycle se couronne par un énergique Allegro Assai, qui s’ébroue comme une toccata.
Pour aborder ces pièces qui d’évidence connaissent leur tout premier enregistrement, nous restons non loin de Padoue, dans la ville d’Abano Terme, connue des curistes qui depuis l’Antiquité viennent y prendre les eaux. Posé à même le sol dans une niche de l’abside, l'orgue de la cathédrale San Lorenzo a été fabriqué puis amplifié (1967/1975) par la maison Tamburini, dont la console déportée active toujours une transmission électrique. Il a connu une restauration en 1999 et une toute récente révision en 2022. Trois claviers et pédalier font parler une cinquantaine de jeux, assis sur deux 32’ (Controfagotto, et Principal non en taille réelle de tuyaux mais bouchée pour la première octave). On se souvient que cette riche palette avait été choisie par Ivan Ronda voilà une dizaine d’années pour deux anthologies consacrées à Bach, publiées chez le label Fugatto.
On peut de bonne grâce succomber à cette séduisante galerie de timbres, dans une acoustique à la fois cossue et lumineuse, et capable de projection (anches en chamade dans le finale de la deuxième sonate). Pianiste, organiste et chef d’orchestre, Andrea Albertin a signé la notice de présentation de ces œuvres, qu’il interprète avec l’assurance technique nécessaire, et la communicative ambition d’en assumer la défense. Elles auraient pu sortir de la plume il y a 50, 100 ou 150 ans, au gré d’un néo- ou simili-classicisme sur lequel le temps et les saillies d’avant-garde n’opposent guère d’emprise. Anachronisme, conformisme, ou reflet d’une tradition qui se porte bien ? Ce disque offre en tout cas un aspect aussi intéressant que rassurant du dynamisme de la production italienne d’aujourd’hui.
Christophe Steyne
Son : 8,5 – Livret : 7,5 – Répertoire : 7 – Interprétation : 9