Le Chant de la Terre
Gustav MAHLER
(1860 - 1911)
Das Lied von der Erde
Bamberger Symphoniker, dir.: Jonathan Nott – Roberto Sacca, ténor – Stephen Gadd, baryton
2017-DDD-61’28-Texte de présentation en allemand, français et anglais-Tudor-7202
C’est dans un paysage d’amertume et de tristesse que Mahler dessine Le Chant de la Terre. En 1907, le compositeur et chef d’orchestre perd, suite à une démission forcée, son poste de directeur de la Wiener Hofoper, subit la disparition de sa fille à l’aube de ses cinq ans, tandis qu’un diagnostic d’une maladie de cœur est posé. C’est dans ce climat tendu que Mahler découvre une collection de poèmes chinois du VIIIe siècle librement adaptés par Hans Bethge, La partition sous la forme d’un chant/piano est achevée fin août 1908 lorsque le couple se trouve à Altschluderbach, au sud du Tyrol, et présentée durant l’été 1910 à Bruno Walter. Une année entière, marquée par de nombreux voyages, sera nécessaire à l’élaboration orchestrale pour cette œuvre qui aurait dû, si la superstition n’était pas passée par là, devenir sa neuvième Symphonie. Cette « Symphonie pour ténor et Alto ou baryton et grand Orchestre » est créée par Bruno Walter quelques mois après la mort de son auteur, le 20 novembre 1911 à Munich. Six parties la composent, de « La Chanson à boire de la Douleur de la Terre » caractérisée pour des motifs tantôt bondissants, tantôt lyriques, au long Finale, « L’Adieu » où nature, marche funèbre, hésitation et autres caractéristiques se côtoient, en passant par un troisième mouvement, « De la Jeunesse » léger et gracieux.
Fort de son expérience de chef d’orchestre symphonique et d’opéra, Jonathan Nott propose une lecture particulièrement juste et dosée. Se démarquent entre autres une maîtrise évidente des pages symphoniques par le prisme d’une balance idéale et d’une juste combinaison des pupitres, un souffle porté à la ligne grâce à la construction sans failles de chaque mouvement dont l’association des nombreuses dynamiques et indications du compositeur au matériau est particulièrement saisissant, un agencement judicieux des tempi (transition, ritenuto, accelerando…). On se laisse aussi captivé par la manière dont l’orchestre et son chef parviennent à créer climats et ascension vers les climax, toujours issus d’une réflexion que rien ne fait défaut. Du côté des solistes, tant Roberto Sacca que Stephen Gadd rendent justice à l’œuvre. Parfaitement associés à la couleur orchestrale créée par Nott, les deux solistes se démarquent par un texte clair, un timbre et un vibrato maîtrisés et une force dramatique qui ne s’estompe jamais. Tout se révèle ici expressif, dans la juste interprétation d’une partition délicate où chausse-trappes et pièges s’effacent au profit d’une conception bâtie sur le respect et la bienveillance.
Ayrton Desimpelaere
Son 10 – Livret 10 – Répertoire 9 – Interprétation 10