Des concertos pour violon de Tchaïkovsky et de Glazounov sans substance
Piotr Illitch Tchaïkovski (1840-1893) : Concerto pour violon et orchestre en ré majeur op. 35. Alexander Glazounov (1865-1936) : Concerto pour violon et orchestre en la mineur op. 82. Ivan Pochekin, violon ; Orchestre National de Russie, direction Mikhaïl Pletnev. 2020. Notice en allemand et en anglais. 60.28. Profil Hänssler PH21052.
Nous avons déjà parlé du Russe Ivan Pochekin (°1987) le 24 février 2020, lors de la parution, sous la même étiquette, des Concertos n° 1 et n° 2 de Chostakovitch. Ce violoniste qui a suivi très jeune l’enseignement du professeur de Maxim Vengerov, Galina Turchaninova, avant de devenir l’élève de Maya Glezarova et de Viktor Tretyakov, a remporté en 2005 le premier prix du troisième Concours Paganini organisé à Moscou. Après des enregistrements pour Melodiya, Naxos ou Divine Art et des programmes où l’on retrouve en toute logique Paganini, mais aussi Chausson ou des maîtres de l’école russe, il propose deux chevaux de bataille du répertoire pour violon et orchestre qu’on ne présente plus, tant leur discographie, particulièrement la partition de Tchaïkovsky, est riche en versions de haut niveau.
Le présent enregistrement ne bousculera pas la hiérarchie du chef-d’œuvre du compositeur de la Pathétique. L’Orchestre National de Russie distille de pâles couleurs orchestrales dans un Allegro moderato alangui et sans âme, mené sans originalité, pour ne pas dire avec platitude, par Mikhaïl Pletnev que l’on a connu plus en forme. Dans cette atmosphère d’une monotonie désespérante, Pochekin ne compense pas l’impression d’ennui que l’on éprouve très vite. Son timbre n’est pas chaleureux, le dynamisme est absent, et dans la langueur dominante, qui semble évidente pour le chef et le soliste, on ne perçoit ni raffinement, ni lumière, ni rayonnement. Où sont la flamme et le feu ? Où est l’élégance ? L’Andante est de la même eau fade, expressivité absente. L’espoir naît avec l’Allegro vivacissimo dont l’entame engendre quelques saillies bienvenues, mais cela ne dure guère : l’exercice tourne à la démonstration creuse, qui galvaude un indiscutable talent, étalé ailleurs par Pochekin.
On aborde le concerto de Glazounov avec l’espoir que de la magie, de la passion, voire du lyrisme intense vont hausser le débat et animer une partition qui contient maints passages poétiques. Si la déception est moins grande que chez Tchaïkovski, on reste largement sur sa faim en termes de beauté sonore et d’investissement. Décidément, en ces séances des 29 et 30 août 2020, les dieux de l’enregistrement n’ont pas été présents dans la Salle Tchaïkovski de Moscou. Même si une certaine finesse anime un peu l’Andante sostenuto après un Moderato banal, la Canzonetta et l’Allegro final ne transportent pas l’auditeur dans un monde d’allégresse. Ici encore, Mikhaïl Pletnev n’impose pas un discours orchestral qui transcenderait le soliste.
Un coup d’épée (d’archet) dans l’eau pour Pochekin qui, dans le futur, abordera sans doute à nouveau ces « tubes » du répertoire pour nous en livrer une version digne de ses qualités. Sans vouloir assombrir un tableau décevant, on précisera que la prise de son est à l’image de l’interprétation : sans chaleur et sans clarté.
Son : 7 Notice : 8 Répertoire : 10 Interprétation : 5
Jean Lacroix