Mots-clé : Mikhaïl Pletnev

Musique de chambre de prestige à Monte-Carlo

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Le public monégasque préfère généralement la musique symphonique à la musique de chambre, pourtant  L'affiche annonçant la venue du légendaire violoniste Gidon Kremer et du prodigieux pianiste Mikhaïl Pletnev a attiré beaucoup de monde.

Le concert débute avec la Sonate KV 304 de Mozart et l’interprétation des deux artistes permet de ressentir l'immense chagrin de Mozart lors de la composition de cette oeuvre, suite au décès de sa mère. Ce n’est pas seulement que la musique est dans une tonalité mineure, on saisit toute la solitude et l'angoisse de Mozart. Kremer la joue avec une toute petite sonorité, comme un souffle venant de l'au-delà. C'est terriblement mélancolique et poignant. Deuil et réconfort composent ce  Mozart céleste. Le génial Pletnev joue sa partie dans le même esprit et fait sonner l'immense Kawai comme un clavecin. Cette version est très différente de celle qu'on a l'habitude d'entendre.

A Genève, un Concert de l’An mi-figue mi-raisin

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Traditionnellement en janvier a lieu le Concert de l’An des Amis de l’Orchestre de la Suisse Romande. Le 13 janvier, il aurait dû être dirigé par la cheffe d’origine mexicaine Alondra de la Parra. Mais étant souffrante, elle a été remplacée au pied levé par Ana Maria Patino-Osorio, cheffe assistante de l’OSR qui assume le programme prévu en empoignant la célèbre Ouverture que Mikhail Glinka composa pour son opéra féérique en 5 actes Rouslan et Ludmila. Avec une rare énergie, elle la déploie comme étendard au vent en sollicitant l’éclat des cuivres que soutiennent les cordes graves afin de constituer une brillante entrée en matière.

Intervient ensuite le pianiste Mikhail Pletnev, menant parallèlement une carrière de chef d’orchestre, artiste russe ô combien médiatisé qui s’attaque au Concerto pour piano et orchestre de Maurice Ravel (le deuxième en ré est pour la main gauche), abordé à tempo modéré. Il suffit de quelques mesures pour percevoir que son jeu extrêmement propre est étranger à un style dont il annihile les inflexions jazzy suggérées par un orchestre mordant pour développer un discours sans âme qui n’a aucun intérêt. Pour qui a entendu en cette salle une Argerich inventant de nouveaux phrasés pour émoustiller son interprétation, l’Andantino est d’une consternante vacuité expressive en conférant curieusement une excessive importance aux triples croches conclusives qui ne sont pourtant que simple ornementation. Et le Presto final tient de la toccata brouillonne qu’applaudit poliment un public qui, en une telle soirée, ne réunit pas que des connaisseurs patentés.

A Genève, Beethoven et Shchedrin à l’affiche d’un concert sans public

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Ludwig van Beethoven (1770-1827) : Le Roi Etienne, ouverture op. 117 ; Concerto pour piano et orchestre en do mineur n° 3 op. 37. Rodion Shchredin  (°1932) : Carmen-Suite, ballet en un acte. Mikhaïl Pletnev, piano ; Orchestre de chambre de Genève, direction Gábor Takács-Nagy. 2021. Notice en français et en anglais. 86.30. Un album de deux CD Claves 50-3039-40.

Mikhail Pletnev : Chopin à Monte-Carlo

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Le grand Mikhail Pletnev était l’invité de la riche saison des récitals de piano organisée dans le cadre de la saison de l’Orchestre philharmonique de Monte-Carlo. Chaque récital de Pletnev est une expérience unique par les options interprétatives qui questionnent le texte et interrogent l’esprit. Pletnev est un musicien authentique et un des pianistes les plus imaginatifs d'aujourd'hui. 

Ce récital consacré à Chopin est une performance fantastique, subtile et émouvante, extrêmement brillante et en même temps introvertie et très concentrée. Son âme et l'âme de Chopin se confondent comme deux ruisseaux qui se rejoignent pour former un fleuve. Ses belles sonorités pleines de poésie, de noblesse, d'éloquence et de passion tissent une toile magique dans laquelle on est entraîné. Il interprète la musique avec une simplicité de style, bon goût, avec un legato approprié,  sans fioritures vulgaires ou ornements excessifs. On aime tout de ce jeu magique : le phrasé si original, la dynamique pertinente, le ton lumineux, l'intensité, la qualité, la subtilité, la modestie, la lecture attentive de la partition sont d'une perfection tout simplement incroyable.

Le Septembre Musical de Montreux à l’heure russe

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A une dizaine de kilomètres de Montreux, sur les bords du Lac Léman, se dresse le Château de Chillon, forteresse médiévale du XIIe siècle érigée sur un îlot rocheux. Et c’est dans l’une des salles d’entrée rénovée, à l’acoustique remarquable, que le Festival a décidé d’organiser le récital du pianiste moscovite Boris Berezovsky.

Inclassable par l’originalité de son jeu et l’éclectisme de ses programmes, il modifie celui du 4 septembre comportant des pages de Balakirev, Lyadov et Scriabine en un diptyque Scriabine-Rachmaninov. Du premier cité, il fait découvrir la période médiane en présentant deux ouvrages de 1903, les Deux Poèmes op.32, passant d’une fluidité évanescente à une aspérité abrupte sous laquelle se perd la ligne mélodique, puis la Quatrième Sonate en fa dièse majeur op.30 qui est irradiée par d’étranges clartés qu’un trille balaie afin de permettre la brusque émergence du prestissimo volando, élaboré sans recourir démesurément à la pédale de sonorité. A la période 1906-1908 se rattachent l’impalpable Fragilité op.51 n.1, les Deux Pièces op.57 (Désir construit sur un crescendo expressif et la fugace Caresse dansée) et la superbe Sonate n.5 en fa dièse majeur op.53, rugissante dans ses basses telluriques jusqu’à l’avènement d’un Presto con allegrezza qui arrache tout sur son passage. Et ce volet s’achève par les Trois Etudes op.65 de 1912, travaillant sur les sonorités à partir d’intervalles de neuvième, de septième et de quinte.