Des mélodies de Fauré très épurées
Gabriel FAURE et ses Poètes. Marc MAUILLON, baryton ; Anne LE BOZEC, piano. 2018-74’11-Présentation, livret et textes en français et anglais-chanté en français-Harmonia Mundi HMM 902636
Les enregistrements de mélodies de Gabriel Fauré (1845-1924) sont devenus suffisamment rares depuis l’intéressante intégrale canadienne (ATMA 2018) pilotée par Jacques Bonnaure ou le disque du ténor français Yann Beuron (Timpani, 2010 ) notamment, pour que l’on se réjouisse de la présente parution. Si l’exactitude est au rendez-vous, suffit-elle pour interpréter des pages parmi les plus subtiles et les plus originales de la musique française ? Car la texture musicale née du génie fauréen suppose une pulsation charnelle, une saveur complexe portée par un sens poétique tout à fait personnel. L’écoute comparative, à commencer par celle du baryton Camille Maurane (1911-2010), donne une idée de la chaleur, l’enthousiasme et la sensualité du timbre indispensables à la perception de cette beauté singulière. Charles Panzera, Gérard Souzay, Bernard Kruyssen ... placés sous le haut lignage du précédent font affleurer chacun à leur manière la même joie : celle de s’ébrouer, se perdre et se retrouver dans le flux miroitant aux ‘’infinitésimales infinités ‘’ mélodiques de l’auteur de Pénélope.
Qu’en est-t-il de ce récital consacré aux « poètes de Fauré » ? Le titre déjà : très général, il rassemble un bouquet de mélodies sans qu’une véritable cohérence autre que chronologique ne s’impose ; le cycle dit des « Mélodies de Venise » par exemple ne comprend que les deux premières sans qu’on nous en donne la raison. Quant aux interprètes, le chanteur Marc Mauillon, familier du Jardin des voix et des scènes baroques est déjà bien connu (cf. son enregistrement de Caccini et Peri -Arcana- commenté par « Crescendo », 2016) et s’apprête à aborder le rôle de Pelléas. Sa diction frappe par sa clarté et le timbre, bien qu’assez monochrome, trouve des accents juvéniles qui flattent les poèmes les plus intimes : Larmes, les débuts de Notre amour ou encore En Sourdine à la fin de laquelle « le rossignol chantera »... un peu platement, hélas ! La tessiture hétérogène mi-ténor, mi-baryton, pas vraiment baryton-martin, se mixe d’une manière parfois déconcertante et ne parvient pas à se libérer dans le forte. Limites que l’on retrouve avec le jeu scrupuleux d’Anne le Bozec, pédagogue renommée d’accompagnement vocal, (dont le disque « Shakespeare Songs » avec Isabelle Druet a fait précédemment l’objet d’un commentaire de « Crescendo », 2017) ; on voudrait plus de chaleur à la Barcarolle, d’esprit à Mandoline, de poétique noirceur aux Berceaux. Une approche prudente donc, et une esthétique de l’austérité. Certains s’en satisferont. Pour nous, la bure ne sied guère à Fauré.
Bénédicte Palaux Simonnet
Son : 8- Livret : 10 – Répertoire : 9- Interprétation : 8