Des pages pleines de charme : les symphonies de Gounod
Charles GOUNOD (1818-1893) : Symphonie n° 1 et 2. Orchestre Symphonique d'Islande, dir: Yan Pascal TORTELIER. 2018-DDD-61'47-Textes de présentation en anglais, allemand et français-Chandos CHSA 5231
Les symphonies de Charles Gounod n'ont été que rarement enregistrées. On se souvient essentiellement du disque de Michel Plasson à la tête de son orchestre du Capitole de Toulouse, pas nécessairement inoubliable. Plus récemment, Patrick Gallois chez Naxos et Oleg Caetani chez CPO ont également tenté leur chance mais sans beaucoup marquer les esprits. Signalons aussi que le grand Igor Markevitch avait enregistré la 2ème en 1957 pour Deutsche Grammophon et en donnait une interprétation qui pouvait passer pour définitive. C'est dire que ce nouveau cd est le bienvenu, d'autant qu'il nous livre un Yan Pascal Tortelier particulièrement à son affaire à la tête d'un Orchestre Symphonique d'Islande tout à la fois discipliné, attentif et au son d'ensemble séduisant. Mais, se demandera-t-on, pourquoi ces oeuvres sont-elles à ce point négligées, au contraire des opéras cent fois remis sur le métier, tels Faust ou Roméo et Juliette. Sans doute faut-il trouver la cause de ce désaveu dans l'opinion, bien ancrée dans la France du 19e siècle, selon laquelle un compositeur qui commettait des symphonies le faisait parce qu'il n'était pas capable d'écrire des opéras, seul genre, à l'époque, susceptible d'apporter la consécration à son auteur. Edouard Lalo, qui s'exprimait ainsi, n'était pas le seul, et de loin, à penser de la sorte. Ceci explique la relative rareté des symphonies françaises des 19e et 20e siècles à s'être maintenues au répertoire, aux exceptions notables de la Symphonie fantastique de Berlioz, de celle de Bizet et de la Turangalila-symphonie de Messiaen. D'autres estimaient quant à eux qu'écrire une symphonie était contraire à l'esprit français. Pourquoi, dès lors, Gounod s'est-il donné la peine de l'exercice, et à deux reprises de surcroît ? Sans être vraiment connues, les raisons qui ont poussé le compositeur doivent sans doute être trouvées dans les conseils de Mendelssohn qui lui avait suggéré de composer pour l'orchestre seul, conseil qu'il suivit, plutôt que de se perdre dans le Faust de Goethe, conseil qu'il ne suivit heureusement pas pour le mélomane. Même les dates de composition sont sujettes à conjecture ; nous savons juste qu'elles furent créées au début de 1856 sous la conduite du fameux Jules Pasdeloups. Le style de la première évolue entre Bizet et le compositeur du Songe d'une nuit d'été avec une remarquable fraîcheur primesautière. La seconde semble plus personnelle -on croirait parfois entendre des échos de Faust- et possède une profondeur et une dramatisation que ne possédait pas au même degré le premier essai. On y décèlera aussi l'influence, lointaine mais perceptible, de Beethoven. Quoi qu'il en soit, il s'agit avant tout de deux pages au charme certain, rendues assez irrésistibles dans cette production particulièrement réussie.
Bernard Postiau
Son: 9 Livret: 10 Répertoire: 10 Interprétation: 10