Du Mozart inachevé superbement complété !
Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791) : Trois mouvements de trio inachevés K. 442 complétés par Robert Levin ; Trio en sol majeur K. 496. Robert Levin, piano ; Hilary Hahn, violon ; Alain Meunier, violoncelle. DDD-2016-56'25"-Livret en français et anglais-1CD Le Palais des Dégustateurs-PDD020.
Quand on voit sur le dos de couverture de ce CD que le producteur est Le Palais des Dégustateurs, quand on y découvre les armoiries du Comte Liger-Belair au château de Vosne-Romanée, on devine que l'on est face à un grand cru. Et c'est vrai que, mis à part le Requiem, on ignore généralement le nombre d'oeuvres laissées inachevées par Mozart, que ce soient un concerto pour piano et violon K315f, une symphonie concertante pour violon, alto et violoncelle K. 320e, contemporaine de la grande symphonie concertante pour violon et alto ou la grand-messe en ut mineur K. 417a indépendamment complétée, entre autres, par deux musiciens de notre temps qui se sont risqués à achever les esquisses du "divin" Mozart : le musicologue anglais Philip Wilby et le pianiste américain Robert Levin.
C'est ce dernier qui nous offre la cuvée de l'achèvement de trois mouvements de trios K. 442 seulement esquissés par Mozart : un allegro en ré mineur de 50 mesures, un tempo di minuetto en sol majeur de 150 mesures et un allegro en ré majeur de 169 mesures. Entre "trio" et "mouvements de trios", il y a plus qu'une nuance ; dans aucun des autres trios de Mozart, en effet, il ne manque un mouvement lent (adagio, andante ou andantino). Notons incidemment que si ce "trio" K. 442 ne fait généralement pas partie des intégrales des trios de Mozart, il figure pourtant dans celle, inoubliable, de Lili Kraus, Willy Boskovsky et Nikolaus Hübner dans une version complétée par l'abbé Stadler (1748-1833). Ce dernier n'avait évidemment pas la même vision de l'apport mozartien que de nos jours. Les études musicologiques ont évolué et des spécialistes de l'oeuvre ont émergé : Robert Levin en est un des plus éminents et un des meilleurs interprètes.
La version de Stadler ne détonne cependant pas. Elle est bien dans l'atmosphère de cette fin du XVIIIe siècle même s'il paraît évident que donner à l'ensemble le titre de trio est inadapté, les trois pièces n'étant plus que probablement pas destinées à une seule et même oeuvre.
Plus réaliste, Levin considère les deux allegros comme des formes sonates de premier mouvement ; il les développe plus amplement que Stadler, environ douze minutes avec les reprises au lieu de sept ou huit. Des études les plus récentes, il a retenu que Mozart ne termine pas en majeur ses mouvements initiaux en tonalité mineure comme l'a fait l'abbé Stadler avec le premier fragment. Le tempo di minuetto en sol majeur aurait été le mouvement terminal du trio en sol majeur K. 496 que Mozart a ensuite remplacé par un thème et variations. Gage de sérieux du travail de Levin, l'éditeur à la couverture bleue Henle vient de publier cette partition des trois pièces K. 442 !
Le livret fort bavard résume la vie de Mozart, 16 pages, et y traque les indices qui justifieraient les inachèvements de ces trois oeuvres ; les quatre dernières pages sont consacrées au programme de l'enregistrement et à la biographie des trois interprètes ; il est dommage qu'elles n'abordent que très peu l'approche privilégiée par Levin dans l'achèvement des trois pièces incomplètes.
Cette légère réserve mise à part, on a ici une réelle découverte. Le couplage avec le trio K. 496 est idéal et on ne vante plus les qualités de mozartien de Robert Levin, l'intelligence et la sensibilité de Hilary Hahn ou la sobre maturité des 77 ans du doyen de ce trio. Ne nous privons donc certainement pas de cette heure de bonheur enregistrée au Domaine du Comte Liger-Belair !
Son : 10-Livret : 8-Répertoire : 9-Interprétation : 10