Emmanuel Pahud ou l'élégance de la flûte

par

« DREAMTIME ». Krzystof PENDERECKI (1933-2020) Concerto pour flûte. Carl REINECKE (1824 - 1910) Concerto pour flûte op. 283. Ballade op. 288. Wolfang Amadeus MOZART ( 1756 - 1791) Andante en Ut. Ferruccio BUSONI (1866 -1924) Divertimento. Toru TAKEMITSU  (1930 – 1996) « I hear the water dreaming . Emmanuel Pahud, flûte. Orchestre de la Radio de Munich, Ivan Repušić. 2019.  Livret en français, anglais et allemand. 78'36".  Warner Classics 0190295392444

Sous le titre suggestif de « Dreamtime », nous trouvons ici un disque essentiel du répertoire de flûte, signé par un grand artiste dans sa pleine maturité. Le Français Emmanuel Pahud, dont on peut rappeler les premières études à Uccle (Bruxelles) avec Carlos Bruneel (du temps où nos Académies de musique pouvaient consacrer du temps à des étudiants vraiment prometteurs...) a franchi tous les échelons où peut mener la carrière d'un admirable instrumentiste : soliste au Berliner Philharmoniker ou au Festival de Lucerne avec Abbado et autres complices. Ici, avec le magnifique contrepoint de l'orchestre de la Radio munichoise sous la conduite d'Ivan Repušić, ils nous délectent d'une complicité et d'un savoir-faire qui transforment ce programme un peu « pot-pourri » en une leçon de souplesse stylistique, de qualité et d'équilibre sonore. Pas un seul instant le son de la flûte n'arrive en force ou avec agressivité et Pahud se fait entendre dans ses moindres inflexions entouré d'un ensemble purement idéal, d'une transparence admirable et cela avec la plus grande aisance face aux difficultés évidentes de certaines oeuvres.

La magique beauté du Concerto de Penderecki -dédié à l'inoubliable Rampal, dans sa solide construction contrapuntique et ses fulgurances, pourrait contredire tous ceux qui seraient réticents à la musique de nos jours. L'auteur, qui vient hélas de nous quitter, avait condensé des influences allant de Palestrina au rock de Radiohead, mais est surtout une personnalité centrale du XXe siècle, aussi créatif qu'attentif aux bouleversements sociaux et culturels de son temps.

Reinecke trouve sa traduction avec la dose adéquate de « pathos » et d'élégance : sans être un compositeur déterminant dans son époque, il a écrit des œuvres centrales du romantisme tardif pour flûte, mais Pahud parvient à nous attacher sans relâche. Le Divertimento de Busoni intéresse sans convaincre : sa musique est élaborée et savante, mais pas vraiment inspirée.

Cela avant d'arriver à l'extraordinaire I hear de water dreaming de Takemitsu, inspiratrice du titre du CD et basée sur des légendes des aborigènes australiens pour lesquels le « temps du rêve » précèderait la création du monde matériel... On trouve là probablement un des moments le plus magiques que puisse nous prodiguer l’interprète d'un instrument qui n'est finalement rien d'autre qu'un modeste tuyau, fût-il en bois ou métaux précieux ! Pahud, tel un caméléon, module sa sonorité et ses outils stylistiques aux besoins de compositeurs aussi éloignés que Mozart ou Penderecki. On dirait qu'il part de la réalité humaine pour construire un ordre musical immatériel. Un CD indispensable pour tous ceux qui s'intéressent à la flûte.

Son : 9 - Livret : 9 - Répertoire : 9 - Interprétation  : 10

Xavier Rivera

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