Fin d’une intégrale Grieg

par

Edvard Grieg
(1843-1907)
Peer Gynt, Op. 23 : « Noces à la ferme » - « Danse de la fille du roi de la montagne » - Six chansons avec orchestre – Deux pièces lyriques, Op. 68 – Le Prisonnier de la montagne, Op. 32 – Danses norvégiennes, Op. 35
WDR Sinfonieorchester Köln, Einvind Aadland, direction – Camilla Tilling, soprano – Tom Erik Lie, baryton
2016-SACD-66’26-Textes de présentation en allemand et anglais-Audite-92.671

Einvind Aadland poursuit et conclut avec brio l’intégrale consacrée au compositeur norvégien, Edvard Grieg, à travers un cinquième volume qui permettra à l’auditeur de découvrir un langage résolument proche du registre populaire norvégien. Vers 1866, le dramaturge Henrik Ibsen écrit le poème dramatique, Peer Gynt, un anti-héros au sens le plus large, pour lequel il sollicite du jeune Grieg en 1874 une musique de scène. Ce n’est pas sans difficultés que Grieg achève son ouvrage qui subira de nombreuses transformations et qui le suivra toute sa carrière de compositeur durant Irrémédiablement, les deux Suites Op. 46 et 55, écrites respectivement en 1888 et 1891, bénéficient depuis toujours d’une place privilégiée dans nos salles de concert, plus que l’œuvre originale. On se souviendra dès lors de la lecture magnifiée de Paavo Järvi à l’Orchestre de Paris en 2012, où la rigueur associée à une baguette souple avait fait de ce bijou musical un moment hors du temps. Aadland choisit en ouverture deux extraits tirés des Actes I et II de la version originale - Op. 23 – dont le Prélude « Noces à la ferme» qui présente déjà le matériel thématique de la « Chanson de Solveig » à travers une page où s’opèrent de nombreuses transitions et oppositions de styles, tantôt festives, tantôt intimes. D’autres pièces ponctuent cette parution, notamment les Six chansons avec orchestre, pilier de l’enregistrement, que Grieg assemble et orchestre entre 1894 et 1895 à Copenhague et pour lesquelles on retrouve tout le charme et la douceur de son orchestration au service de la ligne mélodique. Ecrites initialement pour piano à quatre mains, les Danses norvégiennes se dessinent lorsque le compositeur revient à Lofthus. Leur orchestration, qui date de 1888, est de la main de Hans Sitt, même si Grieg s’y est lui même essayé, sans succès. Notons enfin la présence d’une autre pièce relativement peu connue mais pourtant passionnante, à savoir le Prisonnier de la montagne, Op. 32 pour baryton solo, orchestre à cordes et deux cors, composée entre 1877 et 1878 sur une poésie populaire norvégienne.
Les artistes réunis ici proposent une conclusion tout en couleur et raffinée. La baguette énergique d’Aadland offre une multitude de dynamiques à travers une lecture naturelle et douée d’une certaine sensibilité sans pour autant rentrer dans le piège de la sur-exaltation. A chaque fois, ce sont des petits tableaux sonores que parviennent à illustrer l’orchestre et le chef. A la fois dans la recherche de plans sonores et dans une quête de la beauté, Aadland offre de manière plus qu’honorable une grande liberté aux instruments solistes qui émergent avec simplicité de la masse orchestrale. Tout est juste, du choix des tempi aux confrontations des dynamiques et nuances. Grâce à un timbre épuré, la soprano Camilla Tilling apporte aux Chansons avec orchestre un regard limpide, d’une la simplicité naturelle. Tom Erik Lie apporte à la page élégiaque de l’Op. 32 une lecture tout aussi convaincante tant dans les sections sombres qu’éclairées ou dynamiques. Soulignons enfin le très bel orchestre qu’est le WDR Sinfonieorchester Köln, mis à disposition d’un fin connaisseur du répertoire norvégien, et qui n’hésite pas un seul instant à aller au bout des choses. Une belle manière de découvrir et de se familiariser avec le langage, ici très personnel et patriotique, d’Edvard Grieg, trop souvent négligé.
Ayrton Desimpelaere

Son 10 – Livret 10 – Répertoire 10 – Interprétation 9

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