German et Farnon, nouveaux jalons de la série  « British Light Music » 

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Edward German (1862-1936) : Nell Gwyn : ouverture et trois danses ; Gipsy Suite ; Henry VIII de Shakespeare : trois danses ; The Tempter : berceuse ; Roméo et Juliette, musique de scène ; Tom Jones, Acte III : For Tonight ‘Sophia’s Waltz-Song’ ; Merrie England Suite. Orchestre symphonique de la Radio slovaque, direction Adrian Leaper. 1991. Notice en anglais. 67.28. Naxos 8.555171.

Robert Farnon (1917-2005) : Portrait of a Flirt ; How Beautiful is Night ; Melody Fair ; À la claire fontaine ; The Peanut Polka ; Trois Impressions pour orchestre, n° 2 : In a Calm, et n° 3 : Manhattan Playboy ; Gateway to the West ; Jumping Bean ; Pictures in the Fire ; Little Miss Molly ; Colditz March ; A Star is Born ; The Westminster Waltz ; Lake of the Woods ; Derby Day ; State Occasion. Orchestre symphonique de la Radio slovaque, direction Adrian Leaper. 1991. Notice en anglais. 64.15. Naxos 8.574323.

Voici deux nouveaux volumes de la série intitulée « British Light Music », qui réédite des gravures parues sous étiquette Marco Polo au cours des années 1990. Le n° 10 est consacré à Edward German, dont le vrai patronyme est German Edward Jones. D’origine galloise, né dans une localité du Shropshire, il joue dès son enfance du piano, de l’orgue et du violon, chante, dirige une formation locale et enseigne. Il étudie ensuite à la Royal Academy of Music et commence à composer avec un certain succès. Il est nommé en 1888 directeur du Globe Theater de Londres, pour lequel il écrit plusieurs partitions de musique de scène. Mais German ne veut pas se cantonner dans les pages légères : il compose des oeuvres symphonique, que le virulent critique George Bernard Shaw descendra avec une certaine méchanceté dans un article de The World en 1890 (Ecrits sur la musique, Bouquins/Laffont, 1994, p. 550). Piqué au vif, Geran rebondit ; il est sollicité à la fin de l’année 1900 pour achever l’opéra-comique The Emerald Isle d’Arthur Sullivan qui vient de décéder à l’âge de 58 ans. Le succès est au rendez-vous. C’est dans cette voie et dans celle de l’opérette qu’il va poursuivre sa carrière, signant notamment un délicieux Tom Jones en 1907 (intégrale chez Naxos en 2009), mais il ne négligera pas les autres genres musicaux, comme en atteste son abondant répertoire. German était apprécié par Sir Edward Elgar avec lequel il avait des liens d’amitié.

Le présent album est représentatif des années 1890, lorsque German dirige un théâtre londonien ; il couvre la période jusqu’à Tom Jones, avec un extrait chanté de l’Acte III, Sophia’s Waltz-Song, dans un arrangement orchestral langoureux d’Ernest Tomlinson (1924-2015), autre spécialiste de la musique légère. Ces quinze années d’une carrière sont illustrées par de la musique de scène : trois danses vivement colorées pour Henry VIII (1891), du charme et de la grâce pour Roméo et Juliette de Shakespeare (1895), une tendre berceuse pour The Tempter (1893), tragédie de Henry Arthur Jones (1851-1929). On trouve aussi la Gipsy Suite (1889-92), avec ses quatre danses où l’on retrouve l’esprit des Danses slaves de Dvořak. On appréciera encore l’ouverture et les trois danses de Nell Gwyn de 1900, avec de beaux accents pastoraux qui vont recevoir l’approbation d’Elgar et celle du public. Le panorama est complété par la joyeuse Merrie England Suite, arrangée par German en 1908 d’après son opérette du même titre, composée en 1902.

Cette affiche s’écoute avec plaisir, elle souligne une inspiration, certes facile, mais qui se pare de charme et de finesse et sait donner de la séduction aux thèmes mélancoliques, bucoliques ou dramatiques. L’Orchestre de la Radio slovaque, conduit par l’Anglais Adrian Leaper (°1953), habitué de ce type de programme, apporte des couleurs que l’on aimerait parfois découvrir plus incisives. L’enregistrement a été effectué à Bratislava en septembre 1991 ; Marco Polo l’avait alors fait paraître sous le numéro 8.223419.

Le N° 9 de la collection est attribué au compositeur, chef d’orchestre, pianiste, violoniste, batteur et trompettiste canadien Robert Farnon, né à Toronto. C’est au jazz et aux arrangements pour orchestre de danse qu’il s’intéresse d’abord dans les années 1930. Il travaillera un temps avec Paul Whiteman, se glissant avec aisance dans le monde de la musique populaire et de la variété, sans négliger, à partir de 1940, l’écriture de trois symphonies (la Deuxième et le Scherzo de la Première sont sur support Dutton, 2006) et de pages orchestrales. On le retrouve en Angleterre pendant la guerre, où il dirige une phalange militaire canadienne avant de collaborer à la BBC et de se lancer dans des musiques pour le cinéma, comme Capitaine sans peur de Robert Walsh en 1951 (Reference Recordings 1993), La Petite Hutte de Mark Robson en 1957 ou Shalako d’Edward Dmytryk en 1968, et pour des séries télévisées. Il crée son propre orchestre et sera un partenaire de Dizzy Gillespie, Frank Sinatra ou Sarah Vaughan. Il retourne souvent dans son Canada natal, mais il s’installe définitivement en 1958 sur l’île de Guernesey où il décédera.

Robert Farnon est un représentant typique de la musique légère, pour laquelle il a écrit des centaines de compositions dont le cet album propose un panorama étalé sur trois décennies. La période 1940 est mise en évidence, avec des morceaux célèbres : À la claire fontaine où Farnon se souvient avec tendresse de la chanson de sa jeunesse, aussi populaire au Canada qu’en France, A Star is Born qui introduira un célèbre programme de la BBC et des séries télévisées, ou les romantiques Pictures in the Fire, avec un solo de violon en introduction. On écoute avec délices The Westminster Waltz (1956), trois minutes romantiques qui ont servi d’indicatif à l’émission de radio In Town Tonight, ou le pétulant Derby Day (c. 1954) que la radio et la télévision portugaise utilisèrent comme signature entre 1960 et 1990. Polkas, marches, valses, airs enamourés jalonnent un parcours dont les mélodies séduisantes traduisent un métier qui relève le plus souvent de la musique de salon. Mais l’inspiration est toujours de qualité et d’une débordante imagination. De quoi passer une heure de plaisir et de détente. Adrian Leaper et les musiciens de la Radio slovaque ont à nouveau été sollicités, en mars 1991, pour ce programme paru la même année chez Marco Polo (8.223401). Ils s’en sortent avec honneur, sans toutefois arriver à transfigurer ces pages si plaisantes, que l’on aimerait entendre magnifiées par une phalange britannique de notre temps

German :  Son : 9  Notice : 10  Répertoire : 7,5  Interprétation : 8 

Farnon :   Son : 9  Notice : 10  Répertoire : 8,5  Interprétation : 7,5

Jean Lacroix

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