Un grand artiste, Murray Perahia 

par
Murray Perahia

Pour sa série ’Les Grands Interprètes’, l’Agence de concerts Caecilia invite le pianiste Murray Perahia que l’on a eu régulièrement l’occasion d’applaudir au cours de ces dernières années. A près de septante ans, l’artiste décante son jeu et sa sonorité pour aller à l’essentiel. Ceci apparaît de façon évidente dans l’exécution de la Sixième de Suites Françaises de Bach, d’une rare fluidité dans l’Allemande initiale, alors que la Courante est emportée par une vague que suscite le passage d’une main à l’autre. La Sarabande aux contours appuyés laisse percevoir l’intimité d’un dialogue qui se fera anguleux dans la Bourrée. Sur une basse fortement présente se dessinent la Gavotte et la Polonaise, tandis que la Gigue conclusive se voudra fugace par son indomptable brio.
Puis est proposé le second cahier des Impromptus de Schubert, l’opus 142. Par l’ampleur de sa forme sonate, le Premier en fa mineur a la profondeur de l’émotion déchirante, usant subtilement du rubato pour faire attendre l’aigu de la tessiture. Le Deuxième recourt à des sonorités feutrées qui finissent par se corser d’inflexions dramatiques s’amenuisant en grappes d’arpèges, alors que le Troisième livre un chant généreux qui gomme le procédé structurel de la variation ; et le Quatrième joue des appuis sur les temps faibles pour imposer une pimpante frivolité.
Et ce Schubert si fascinant constitue le point fort d’un programme qui se poursuit avec le Rondo en la mineur K.511 de Mozart ; le jeu perlé de l’interprète en révèle la nostalgie rêveuse happée par la houle du tragique. Dans le même souffle s’inscrit ensuite la dernière des sonates de Beethoven, l’opus 111 en ut mineur abordé dans une atmosphère sombrement mystérieuse, parcouru par un tremolo qui amène abruptement cette course à l’abîme haletante qu’est l’Allegro con brio ed appassionato, dans une lecture boursouflée à la Schnabel. L’Arietta est image de sereine noblesse que viendra enflammer la succession de variations ; l’urgence pathétique aseptisera le côté un peu ‘jazzy’ des arpèges en triples et quadruples croches pour aboutir à une exaltation consolatrice. Après quelques secondes de silence lourdes de sens, le public genevois acclame à tout rompre ce pianiste à nul autre pareil !
Paul-André Demierre
Genève, Victoria Hall, le 28 février 2017

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