Haendel dans les Bas-fonds

par

G.F.HAENDEL (1685-1759)
RODELINDA, opéra (1725)
Danielle de NIESE (Rodelinda), Bejun MEHTA (Bertarido), Kurt STREIT (Grimoaldo), Konstantin WOLFF (Garibaldo), Malena ERNMAN (Eduige), Matthias REXROTH (Unolfo), Luis NEUHOLD (Flavio), Angelo MARGIOL (ami), CONCENTUS MUSICUS WIEN, dir.: Nikolaus HARNONCOURT, Philipp HARNONCOURT (mise en scène), enregistré en direct au Theater an der Wien, 20 mars 2011
DVD-PCM 2.0-italien-sous titres français, anglais, allemand, italien-16:9 DVD1 125'-DVD2 64- 0/NTSC DVD 9+5-Belvedere 10144

Mise en scène provocatrice ? En 2011, peut-être.... Aujourd'hui ? moche et ridicule. A quoi bon convoquer Haendel et les querelles dynastiques dans la Lombardie du VIIe siècle, si c'est pour passer trois heures dans les caves d'un parking avec escaliers en béton brut peuplés de clochards, de drogués, de poubelles et - pour faire couleur locale- une fillette en kilt qui racole en jouant du sac à main. Évoquant -dit la présentation- la Mafia calabraise (certes aujourd'hui infiltrée jusqu'en Lombardie!) la mise en scène a vêtu les héros de pantalons de cuir moulant, les femmes dénudées de robes à paillettes criardes. Tous s'agitent, vont viennent frénétiquement, tels des pantins fous de bande dessinée, se menacent d'armes variées, simulent des violences sur femmes, enfant, y compris un acte sexuel (mais en mesure !). Il ne suffit pas de porter un nom illustre pour l'être soi-même. Et pour se mettre à la hauteur de l'un des trois chefs d’œuvres haendéliens des années 1724-25. Années glorieuses car « Rodelinda », créée au Théâter de Londres le 13 février 1725, paraît alors aux côtés de « Giulo Cesare » et de « Tamerlano ». Avec ici, un retour vers l'Italie, vers cette Lombardie déjà chantée dans « Flavio ». On y analyse le problème du couple face à la politique - comme le « Radmisto » de 1720 ou le « Fidelio » de Beethoven (1804-14). Ici « l'homme fort » c'est... Rodelinda qui vivifie toute la partition. Cet hymne à l'amour se prête à toutes les métamorphoses avec une grande richesse d'expression, quels que soient les protagonistes (cf. l'aria « Lo faro », dès le début du Ier Acte) . Et comment ne pas souligner plus loin, le larghetto « Con rauco mormorio » de Bertarido tandis que deux violons et altos divisés, deux flûtes -douce et traversière- alliées aux bassons dépeignent les malheurs du héros accablé ? Et le sublime duetto Rodelinda Bertarido « Io t'abbracio » qui s'inscrit en droite ligne de celui de Monteverdi dans le « Couronnement de Poppée » ?
Que les chanteurs parviennent à insuffler de la grandeur et de l' émotion malgré tout, tient du prodige. En fermant les yeux, on pourra apprécier le Bertarido élégiaque et céleste de Bejun Metha qui découvre la vérité de l'amour, la vaillante Eduige de Malena Ernman et le Grimoaldo de belle tenue vocale interprété par Kurt Strait, plus subtil que le jeu stupide auquel il est contraint. Daniele de Niesse (Rodelinda) -genre Marylyn Monroe veuve- relève le défi mais sans guère de nuances et ni de rondeur de timbre. Nicolaus Harnoncourt, que l'on a connu mieux inspiré, dirige son Concentus Musicus de Vienne d'une battue sans vie ni finesse mettant parfois en difficulté certains des chanteurs, souvent dépassés et brusqués par la direction d'acteurs.
A quoi peut bien servir cette translocation de princes de l'opera seria dans les poubelles de l'humanité sinon à flatter les penchants voyeuristes d'un certain public. Haendel aussi fut confronté aux problèmes financiers. Il n'en prostitua pas son art pour autant.
Bénédicte Palaux Simonnet

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