Haute voltige aux Midis-Minimes

par

Bruxelles, Concerts des 8 et 16 août
Concert I : Sonate pour flûte et piano « Ondine », op. 167, Carl Reinecke – Sérénade pour flûte et piano (arr. T. Boehm), Franz Schubert – Fantaisie pastorale hongroise, op. 26
Noemi Györi (flûte), Katalin Csillagh (piano)

Concert II : le Sacre du printemps, version deux pianos et percussions
Eugène Galand et Alexander Gurning (pianos), Gabriel Laufer et Pierre Quiriny (percussions)Le festival des Midis-Minimes a débuté le 1er juillet dernier et propose durant tout l’été des prestations de 35 minutes chaque midi. Pour sa 27ème édition, la programmation est riche et variée : sonate pour flûte et piano, extraits d’opéras, instruments solistes, chant, jazz, il y en a pour tout le monde. C’est dans la Grande salle du Conservatoire de Bruxelles (qui nécessite de façon urgente d'une grande rénovation) que se déroule chaque prestation. Le prix est démocratique (5€) proposant même des formules, toujours aussi intéressantes. Ce festival est surtout l’occasion de voir sur scènes de jeunes artistes (et moins jeunes) qui ont toutes les qualités pour jouer sur les plus grandes scènes internationales.

C’est ainsi que le 8 août, nous entendions deux musiciens talentueuses : Noemi Györi (flûte) et Katalin Csillagh (piano). La première, qui accumule toutes les récompenses, affiche dès son entrée sur scène un professionnalisme certain. Annonçant par son ventre rond un futur et heureux événement, elle entame avec fraicheur la Sonate Ondine de Carl Reinecke. Aucun soucis pour la pianiste qui maîtrise toute l’étendue du clavier et ses sonorités. L’ordre du programme a changé, pour le plus grand bonheur de l’auditeur. En effet, dans les premières notes se perçoivent les tentatives sonores et le stress des deux musiciennes dans une salle qu’elles ne connaissent que depuis peu. La flûte a par moment un peu de mal à rester soliste face à un grand piano Steinway D. Malgré tout, les deux femmes affichent une connaissance profonde de l’œuvre et offrent un second mouvement, Andante tranquillo particulièrement apaisant. Le côté passionné du troisième mouvement est bien exposé où se dévoilent seulement les grandes qualités de soliste de chacune.
La Sérénade pour flûte et piano de Schubert est un arrangement d’un lied de Schubert très populaire, « Standchen ». L’arrangement est intéressant, même s’il ne suit pas exactement le texte d’origine. La flûte est plus virtuose que le chant tandis que le piano suit exactement l’accompagnement de la mélodie. Gyröri se permet beaucoup de libertés, notamment pour les dynamiques qu’elle offre en fin de structure. Sa construction est intelligente, bien réfléchie. On aurait peut-être apprécié plus de lyrisme à certains endroits, sans rentrer dans la vulgarisation bien sûr.
Le concert se conclut par une très belle Fantaisie Pastorale hongroise d’Albert Franz Dopler. Les musiciennes semblent plus à l’aise dans ce répertoire où elles osent davantage l’accentuation de certains traits populaires tout en restant dans le style. En bis, elles nous offrent une Pièce en forme d’habanera de Ravel charmante et dans le style qui lui confère. Beau concert en somme, dans un répertoire finalement peu connu de nos salles de concert.
Mais le clou du festival est sans nul doute le concert du 16 août. Le Sacre du Printemps d’Igor Stravinsky nous est présenté dans une version deux pianos et percussions par quatre musiciens exceptionnels. Eugène Galand et Alexander Gurning aux pianos, Gabriel Laufer et Pierre Quiriny aux percussions. Ces deux derniers réussissent un pari osé : jouer l’intégralité des percussions à quatre mains seulement. Le spectacle est beau tant pour l’oreille que pour la vue. Gabriel Laufer, dont l’expérience et le professionnalisme ne sont plus à faire, s’occupe, entre autre de la partie des timbales, partie redoutable dans le Sacre par sa rythmique complexe au sein d’une machine qui ne s’interrompt jamais. Sa technique est excellente et l’on perçoit aisément l’expérience vécue durant toutes ses années passées dans les plus grands orchestres mondiaux. Rappelons que le musicien est aussi chef d’orchestre et que par conséquent, ce genre d’œuvre n’est pas un mystère pour lui. Stravinsky, ce maître de l’orchestration et de la rythmique a écrit cette œuvre pour orchestre symphonique (rappelons qu’elle obtint quelques soucis lors de la première à Paris avec les Ballets russes). Comment concevoir l’alliage de chaque instruments d’orchestre pour un instrument plus restreint qu’est le piano ? Les deux pianistes parviennent et s’adaptent malgré tout, et obtiennent des sonorités proches de la version originale. Dès le début, l’auditeur est subjugué par la maturité du jeu de basson chez Gurning. Les registres sont bien contrôlés, même si le piano de gauche (Gurning) est plus sonore L’ambiance marcato et martiale des « Augures printaniers » est bien maîtrisée, notamment par la puissance sonore des deux pianistes. La fin du premier tableau est aussi intense qu’à l’orchestre, le silence qui suit étant d’autant plus passionnant. La « Danse sacrale » correspond au caractère orchestral et lorsque le jeu des pianos pourraient s’avérer léger, il est vite compensé par les percussions. Eugène Galand démontre une grande maîtrise du clavier, tant dans les passages calmes que dynamiques. Parfaite cohésion au sein du groupe, qui joue sans chef. A aucun moment les percussions ne dépassent les pianos, ce qui aurait pu être un problème dans la grande salle du conservatoire. Le deux tableaux du Sacre sont donc exécutés avec finesse et l’on espère réentendre très vite les quatre musiciens. Face aux impressionnantes salves d’applaudissements du public (sold out pour l’occasion), les quatre musiciens nous offrent une lecture passionnante mais trop courte du Jardin féérique de Ma mère l’oye de Ravel. Plus calme et apaisant, le concert se conclut tel un feu d’artifices par les fusées données tant par les pianos que les percussions.

Le festival se poursuit jusqu’au 31 août et promet d’autres belles rencontres !

Ayrton Desimpelaere

Bruxelles, Grande Salle du Conservatoire, 8 et 16 août 2013

Gabriel Laufer, Pierre Quiriny, Eugène Galand, Alexander Gurning, Stravinsky, Le Sacre du printemps, Reinecke, Dopler, Schubert, flûte, Noemi Gyröri, Katalin Csillagh, Midis-minimes

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