Haydn sifflera trois fois
Joseph Haydn : Die Schöpfung. Nicole Heaston, soprano ; Toby Spence, Ténor ; Peter Rose, basse ; Houston Symphony Chorus, Besty Cook Weber ; Houston Symphony Orchestra, Andrés Orozco-Estrada. 2016-DDD-52’41 et 46’46. Livret en anglais et allemand. Texte chanté en allemand et traduction en anglais. 2 CD Pentatone. PTC 5186 614.
Andrés Orozco-Estrada fait partie des baguettes que l’on s’arrache. À juste la quarantaine, il est directeur musical des orchestres de Houston et de la Radio de Francfort, chef invité privilégié du London Philharmonic et directeur musical désigné des Wiener Symphoniker ! L’été dernier, on le retrouvait même à Graz au pupitre du Concentus Musicus Wien, l’orchestre du regretté Nikolaus Harnoncourt ; il revenait à peine d’une tournée de prestige à travers l’Europe avec le Philharmonique de Vienne. C’est dire à quel point cette carrière se construit à une vitesse exponentielle !
Jusqu’à présent, ce chef nous avait proposé des disques de démonstration dans le grand répertoire symphonique bodybuildé (Strauss, Berlioz, Stravinsky...), là où sa baguette précise et dynamique était à son affaire ! Dans ce coffret consacré à Haydn, capté au pays des cow-boys, point de virtuosité et de démonstration à faire valoir, mais style et intériorité sont requis. Formé à l’école autrichienne, le chef sait naturellement respecter les canons stylistiques actuels, imposant à son orchestre de Houston un cadre très contrôlé au niveau musicologique, mais qui reste un peu trop rigide sur la durée de l’oeuvre. Le grand choeur de l’orchestre de Houston, naturellement composé de non-professionnels, est impressionnant de cohésion et de couleurs (si l’on garde à l’esprit que ces choristes ne sont pas les professionnels ultra-expérimentés du Collegium Vocale ou du Monteverdi Choir). Les trois chanteurs sont excellents.
Mais le commentateur reste quelque peu mal à l’aise après plusieurs écoutes. Certes, l’objet est intéressant car il montre le formidable niveau de vie musicale aux Etats-Unis, y compris dans une ville texane que l’on ne considère pas comme un épicentre culturel à l’image de New-York, Boston ou San Francisco...et dans un répertoire moins démonstratif qu’attendu. Cependant, force est de constater que l’on peinera à recommander ce coffret. La discographie est en effet bardée de références historiques ou philologiques, et il faut limiter ce bel objet (Pentatone est un éditeur scrupuleux et respectueux des mélomanes) à un très beau témoignage. Bernstein (DGG), Karajan (DGG), Colin Davis (LSO), Rattle (Warner), Solti (Decca), Marriner (Warner), Gardiner (Archiv), Harnoncourt (Teldec et DHM), Herreweghe (Phi), Christie (Erato), Jacobs (HM), Weil (Sony), Spering (Naxos) barrent la route à ce coffret.
Son 10 - Livret 10 - Répertoire 10 - Interprétation : 8