Herbert Blomstedt sert parfaitement Stenhammar
Wilhelm Stenhammar (1871-1927) : Symphonie N° 2 en sol mineur, Op. 34 (1911-15) ; Sérénade en fa majeur, Op. 31 (version révisée de 1919). Orchestre symphonique de Göteborg/ Herbert Blomstedt (direction). 2018-DDD-83’23 -Textes de présentation en anglais, suédois, allemand et français- Bis BIS-2424
Hors de Scandinavie, le compositeur suédois Wilhelm Stenhammar n’est aujourd’hui plus qu’un nom, souvent mentionné dans la foulée de celui de Sibelius dont il fut l’ami et dirigea de nombreuses exécutions. La firme suédoise BIS a toujours très bien servi son compatriote et nous offre aujourd’hui deux très belles versions -captées en concert dans une très belle prise de son- dirigées par Herbert Blomstedt à la tête de cet Orchestre de Göteborg dont Stenhammar fut de 1907 à 1922 le chef principal.
Oeuvre de vastes dimensions (45 minutes), la Deuxième Symphonie exigea de son auteur quatre ans de travail et reflète son étude assidue du contrepoint et de la musique modale. Le chef suédois -aujourd’hui nonagénaire- dirige cette riche partition avec une autorité de tous les instants et peut compter sur l’implication enthousiaste d’un orchestre en excellente forme. Après avoir exposé le long premier mouvement avec la clarté et l’enthousiasme requis (on relèvera certains moments où la facilité mélodique et le ton hymnique de la musique rappellent beaucoup le Sibelius de la Deuxième Symphonie), Blomstedt déroule avec beaucoup de finesse et une gestion du tempo fluide et naturelle cette belle marche lente qu’est l’Andante qui prend parfois des allures de procession.
Gai, vif et naturellement dansant (on pense souvent à Dvorak), le Scherzo est finement enlevé. On admirera l’originalité du Trio étonnamment dépouillé qui fait la part belle aux vents, avec de très belles interventions de la flûte solo et des cors.
Dans le Finale -riche, complexe et d’un élan irrésistible- Stenhammar fait preuve d’une grande science de la composition en introduisant une double fugue en mode hypodorien. Ayant gagné depuis longtemps ses galons de brucknérien, Blomstedt guide cette musique parfois touffue -mais qui n’a rien d’un exercice académique- avec une infaillible sûreté.
La Sérénade qui clôt ce disque au minutage généreux est une des oeuvres-phares de la musique suédoise. Inspirée par le séjour du compositeur à Florence en 1907, elle incarne merveilleusement ce rêve d’Italie qui fut celui de tant d’artistes du Nord. La musique est ici légère, optimiste, solaire. La Canzonetta est une exquise valse mélancolique avec un délicieux parfum de nostalgie (et un très délicat solo de violon). Le Scherzo -enlevé et bondissant, et rappelant à nouveau Dvorak par son emploi des cuivres et ses brusques changements d’atmosphère- est mené de main de maître par Blomstedt. Coeur de l’oeuvre, le Notturno instaure une ambiance romantique et mystérieuse, et -même si le chef et l’orchestre ne déméritent pas- on se prend à rêver de ce qu’un Ormandy et l’Orchestre de Philadelphie auraient fait des magnifiques phrases expressives confiées aux cordes, illustration -même s’il est officiellement question ici d’Italie- d’un romantisme nordique sincère et sans mièvrerie. Quant au Finale, c’est un enchantement pur et simple. A connaître absolument.
Son 10 - Livret 10 (en dépit d’une très bizarre traduction française) - Répertoire 10 - Interprétation 10
Patrice Lieberman