Herbert Blomstedt et l’Orchestre de Paris, entre innovation (Berwald) et aboutissement (Brahms)

par https://www.crescendo-magazine.be/dating-sites-nearby/

Tous les ans depuis 2010, Herbert Blomstedt est invité par la Philharmonie et l’Orchestre de Paris, pour des programmes qui font la part belle aux symphonies des plus grands compositeurs du genre (Bruckner en 2024, dating someone with the same name as your sister, Brahms en 2022...). Cette année, Brahms à nouveau, en compagnie d’un nouveau venu : Berwald.

Jusqu'en 2022, l’âge d’Herbert Blomstedt (quatre-vingt-quatorze ans alors) était indétectable. Puis, une malheureuse chute l’a provisoirement éloigné des estrades. Il est revenu, certes diminué physiquement, mais toujours aussi alerte artistiquement. De là à considérer qu’il est touché par la grâce, lui qui est si croyant, il y a un pas aussi petit que ceux qu’il est contraint de faire désormais, au bras des violons-solos des orchestres qu’il dirige. Une fois assis, malgré ses quatre-vingt-dix-huit ans dans quelques semaines, il est un jeune homme.

Au programme de sa quatorzième collaboration avec l’Orchestre de Paris, à nouveau deux symphonies : la Deuxième de Berwald, et la Première de Brahms.

Les Finlandais ont Jean Sibelius. Les Danois ont Carl Nielsen. Les Norvégiens ont Edvard Grieg. Les Suédois sont en manque d’une figure qui rayonnerait autant. Franz Berwald aurait pu remplir ce rôle. Mais, soyons honnêtes : il n’en a pas l’envergure. Peut-être parce qu’il n’a pas pu se consacrer uniquement à la musique. En effet, il a eu également de toutes autres activités, fondant un institut de soins orthopédiques (avant la composition de ses symphonies), ou s’investissant par la suite dans l’industrie (verrerie, scierie et briqueterie). Il a tout de même fini par obtenir un poste de professeur au conservatoire de Stockholm.

Il a donc composé, entre 1842 et 1845, quatre symphonies, respectivement sous-titrées (au moins à un moment) « sérieuse », « capricieuse », « singulière » et « naïve ». En réalité, elles possèdent, chacune, un peu de toutes ses caractéristiques. 

Herbert Blomstedt (d’origine suédoise) y est très attaché. En 1993, avec l’Orchestre Symphonique de San Francisco, il a enregistré les Première et Quatrième. Et, à quatre-vingt-dix-sept ans, il a donc choisi la Deuxième, dite « capricieuse », probablement en raison de ses nombreux changements d’humeur, avec une verve assez irrésistible. Surtout avec Herbert Blomstedt à la baguette (qu’il n’utilise d'ailleurs pas, l’expressivité de ses mains, voire de ses doigts, la remplaçant très avantageusement) ! 

L’Allegro évoque un printemps plein de vigueur, avec des motifs qui virevoltent d’un pupitre à l’autre. L’Andante est le sommet émotionnel de cette symphonie en trois mouvements, avec ses harmonies marquantes ; Herbert Blomstedt en fait un long moment, suspendu, de profonde humanité. Quant au Finale (peut-être un rien longuet, tout de même), il est très exactement « capricieux » ; même si on le voit de dos, on imagine sans peine les expressions de visage du chef d'orchestre, avec son éternel sourire aimable et facétieux.

Les musiciens de l’Orchestre de Paris prennent un plaisir visible avec cette musique tellement avenante. Elle n’est pas sans évoquer Mendelssohn, peut-être sans tout le génie, mais non sans personnalité. Il est regrettable de ne pas la jouer plus souvent en France. D’autant que le public y semble très réceptif.

À moins que cet enthousiasme ne soit surtout inspiré par Herbert Blomstedt ? Il faut dire qu’avec des gestes à l’amplitude limitée, il est d’une précision rythmique infaillible, et d’une vitalité qui ne faiblit à aucun moment (et ce sera le cas jusqu'à la fin du concert, même au bout d’une heure et quart de musique). Il fait comprendre d’une manière lumineuse toutes les dynamiques et les nuances qu’il veut obtenir. Il y a de la musique dans chacun de ses gestes, aussi minimes soient-ils, et jusque dans leurs moindres inflexions. Il « joue de l’orchestre » avec une maîtrise confondante. De fait, avec lui l’orchestre sonne avec chaleur et générosité, sans aucune lourdeur.

Tout comme Berwald, Brahms ne s’est mis à la symphonie qu’autour de la cinquantaine, et en a composé quatre, qui sont, bien entendu, bien moins confidentielles. Si la Seconde du premier faisait son entrée en répertoire de l’Orchestre de Paris, la Première du second y était jouée pour la trente-et-unième fois depuis 1968 ! Soit, en moyenne, tous les deux ans et demi.

Vingt-deux chefs différents s’y sont attelé. En 2019, c’était déjà Herbert Blomstedt. Or, la même année, il réalisait de cette Première Symphonie de Brahms un enregistrement souverain avec l’Orchestre du Gewandhaus de Leipzig. On en a retrouvé toutes les qualités lors de ce concert, avec, peut-être, une plus grande fluidité. L’introduction Poco sostenuto, sans pathos mais sur le fil, débouche sur un Allegro qui frappe par son énergie intérieure. Herbert Blomstedt emmène les quelque quatre-vingts musiciens dans la même aventure artistique. Ils réagissent immédiatement à chaque changement d’atmosphère (et ils sont fréquents). Il s’en dégage un sentiment d’évidence, qui sera tout aussi éclatant dans l’Andante sostenuto. Les solos de hautbois (Alexandre Gattet) puis de clarinette (Philippe Berrod) sont particulièrement inspirés. Quand vient celui de violon, Sarah Nemtanu, invitée pour la circonstance (et qui se fait une parfaite intermédiaire entre le chef et l’orchestre), nous séduit par sa sonorité radieuse et son jeu brillant. Après tant d’intensité, le Poco allegretto e grazioso paraît toujours quelque peu désincarné au début. Heureusement, le génie de Brahms reprend rapidement le dessus, et l’Orchestre de Paris brille de tous ses feux. Herbert Blomstedt enchaîne le Finale. Il commence par un Adagio extrêmement tendu ; le premier passage en pizz est tumultueux, le second retenu, ce qui amène merveilleusement le Più andante et son solo (inspiré par le cor des Alpes, instrument destiné à communiquer d’une vallée à l’autre) joué d'abord au cor (Benoit de Barsony) puis à la flûte (Vicens Prats), dans les deux cas avec une telle science instrumentale qu’ils semblent en effet venir de très loin. Le choral de trombones, lui, viendrait plutôt des profondeurs de la terre. Et c’est, enfin, le fameux thème de l’Allegro, si proche de celui de l’Ode à la Joie de Beethoven, qui peut se déployer dans tout son lyrisme. Nul doute qu’Herbert Blomstedt fait sienne la joie et l’idéal de fraternité de ce modèle plus ou moins assumé par Brahms. Comme chez Beethoven à nouveau, la coda libère toutes les énergies accumulées. Le public jubile de cela... et aussi d’avoir assisté à un moment aussi précieux.

Pour la première année depuis 2010, Herbert Blomstedt n’est pas programmé la saison prochaine. S’il revient un jour à Paris, il sera accueilli avec toute la chaleur qu’il a lui-même semée depuis toutes ces années. Quoi qu’il en soit, comme certainement tous les publics du monde, le public parisien lui est éternellement reconnaissant.

Paris, Philharmonie (Auditorium Pierre-Boulez), 21 mai 2025

Crédits photographiques : Maxime Guthfreund

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