Herreweghe dirige la Staaskapelle de Dresde à Bruxelles

par

L’illustre radioreporter sportif Luc Varenne avait coutume de dire qu’un match de football n’est jamais terminé qu’au coup de sifflet final de l’arbitre. Curieusement, cette affirmation pleine de sagesse s’applique très souvent au monde de la musique classique.

Imaginons par exemple qu’un auditeur se serait vu contraint pour quelque raison que ce soit de quitter la grande Salle Henry Le Boeuf du Palais des Beaux-Arts après avoir entendu deux des trois dernières symphonies de Mozart que proposait l’autre soir l’illustre Staatskapelle de Dresde placée pour l’occasion sous la direction de Philippe Herreweghe. Il serait plus que probablement resté sur l’impression d’avoir entendu un orchestre aux grandes qualités (même si les couleurs sombres et la sonorité compacte qui font la gloire de ce prestigieux ensemble dans le répertoire romantique et post-romantique de Brahms à Wagner n’offrent pas naturellement la luminosité qu’on attend dans Mozart) dirigé par un chef sérieux, probe et indubitablement désireux de bien faire, mais hélas incapable de s’extraire d’une gangue de réserve émotionnelle et de neutralité bien élevée, comme en témoignait la joie plus que mesurée du Finale qui clôturait une Symphonie N° 39 assez pâle ou le décevant manque de mordant du début de la Symphonie n°40, même si l’interprétation gagna en dramatisme par la suite et que le Finale se révéla, enfin, animé de cette vie qui avait tant fait défaut jusqu’alors. 

On peut comprendre le désir d’un orchestre traditionnel de s’en remettre à un spécialiste issu du mouvement de la musique ancienne pour le former dans le répertoire classique, même si l’approche de Herreweghe, à la tête d’une formation disposée en mode classique avec les seconds violons à droite du chef et aux effectifs de cordes légèrement réduits (10 premiers violons, 8 seconds, 6 altos, 4 violoncelles, 3 contrebasses), était somme toute assez traditionnelle, si ce n’est son choix  d’une quasi absence de vibrato aux cordes.

Heureusement, et sans qu’on ne sache trop bien pourquoi, les choses s’améliorèrent nettement dans une Jupiter qui réussit à conclure avec succès un concert qui n’avait guère été enthousiasmant jusque là. 

Dès l’imposant début de l’Allegro vivace qui ouvre cette Symphonie N° 41 on était frappé par le son à présent plus ample et riche de l’orchestre qui, comme le chef, paraissait enfin libre et désinhibé. Dans l’Andante, Herreweghe parvint à construire patiemment la tension avant de passer à un Menuet gai et dansant et à un Finale qui témoignait splendidement de cette liberté maintenant retrouvée. Parfaitement sûr dans la maîtrise des complexités de l’écriture de ce dernier mouvement, le chef gantois guida la Staatskapelle d’une main sûre vers une superbe apothéose. Ouf, tout est bien qui finit bien.

Bruxelles, Bozar, 31 octobre 2019.

Patrice Lieberman

Crédits photographiques : Michiel Hendryckx

 

Vos commentaires

Vous devriez utiliser le HTML:
<a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <s> <strike> <strong>

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.