Johanna Martzy, une redécouverte majeure

par

0126_JOKERAntonin DVORAK (1841-1904)
Concerto pour violon et orchestre en la mineur, op. 53**
Johannes BRAHMS (1833-1897)
Sonate pour violon et piano n°1 en sol majeur, op. 78*
J.S. BACH (1685-1750)
Sonate pour violon seul n°1 en sol mineur, BWV 1001
G.F. HÄNDEL (1685-1759)
Sonate pour violon et piano en la majeur, op. 1 n°3*
Antonio VIVALDI (1678-1741)/ arr. Ottorino RESPIGHI (1879-1936)
Sonate pour violon et piano en rémajeur, RV 10
Fritz KREISLER (1875-1962)
Rondino sur un thème de Beethoven*
Joseph-Hector FIOCCO (1703-1741)
Suite n°1 en sol majeur (Allegro)
Maurice RAVEL (1875-1937)
Berceuse sur le nom de Gabriel Fauré*
Manuel de FALLA (1876-1946)
Danse espagnole (tirée de La vida breve)*
Johanna Martzy (violon), * Jean Antonietti (piano) ** Orchestre symphonique de la RIAS de Berlin, Ferenc Fricsay
2015 (enregistrements de 1953 à 1966) - ADD- CD 1: 58’22, CD 2: 46’49 - Textes de présentation en allemand et anglais - Audite 23.424

Le disque ne remplit jamais mieux son rôle que lorsqu’il permet de redécouvrir des interprètes dont la gloire, pour toutes sortes de raisons, n’a pas été aussi pérenne que leur talent l’eût mérité. Et cette récente réédition d’enregistrements de Johanna Martzy (1924-1979), brillante violoniste de la grande école hongroise (elle put encore bénéficier, enfant, des conseils du légendaire Jenö Hubay) montre à quel point la gloire posthume de cette artiste n’est en rien conforme à la hauteur de son extraordinaire talent. (L’excellent livret détaille fort bien les vicissitudes de la carrière de Martzy qui mourut en 1979 d’un cancer.) Le premier des deux CDs s’ouvre sur une interprétation superbe et véritablement incandescente du Concerto de Dvorak, où la violoniste, au jeu à la fois noble et fougueux, fait montre d’une fabuleuse maîtrise technique et se joue de toutes les difficultés de la partition (intonation sans faille, doubles cordes parfaites, vibrato généreux et varié, sans même parler de son magnifique sens du rythme, propre au musiciens de l’école hongroise) pour offrir un merveilleux moment de musique dans ce concerto qu’on n’a pas entendu aussi bien sonner depuis le premier des deux enregistrements de Josef Suk (Supraphon). Johanna Martzy est un pur-sang au jeu noble, altier, fougueux, au son de bronze, pur et noble. A l’instar du violoniste tchèque avec Karel Ancerl, elle a la chance de bénéficier d’un partenaire de premier plan au pupitre en la personne du remarquable Ferenc Fricsay, vif et nerveux. (A tout hasard, cet enregistrement réalisé pour la radio RIAS de Berlin en juin 1953 -offert ici dans un excellent son- n’est pas le même que celui publié avec les mêmes interprètes chez DG, et confié à d’autres producteurs.)
Ce premier disque comporte encore une très belle version de la Première sonate de Brahms, où l’on peut à loisir goûter les couleurs sombres et profondes du violon de Martzy, dont le style ferme et viril -aussi dénué de sentimentalisme que de brutalité- et le son de bronze rappellent par moments des violonistes de la trempe d’Oistrakh, Neveu et Kogan (et c’est dire à quel niveau on se situe). Ici aussi, elle peut compter sur un partenaire finement musicien, le méconnu pianiste Jean Antonietti, avec qui elle fit équipe en récital de 1957 à 1966. S’il se contente de sagement se tenir à l’arrière-plan dans les oeuvres baroques qui occupent la majeure partie du deuxième cd, il se montre très fin chambriste dans l’oeuvre de Brahms même si la prise de son rend l’instrument un peu terne, ainsi que dans la Berceuse de Ravel où il obtient de très belles sonorités de son instrument. Ce deuxième cd s’ouvre par une version d’une grande noblesse de la Sonate BWV 1001 de Bach, où la compréhension intellectuelle et la rigueur de l’approche de Martzy sont également remarquables, même si son Bach est moins dansant que celui que les baroqueux et ceux qu’ils ont influencés nous ont offert depuis. Les autres pièces baroques sont interprétées avec beaucoup de classe et d’élégance dans un style pré-authentique un peu daté aujourd‘hui, mais jamais incongru. La Berceuse de Ravel est une merveille de finesse et de travail sur les sonorités de la part des deux interprètes, alors que la Danse espagnole de Falla allie charme, ardeur et raffinement dans une version tout simplement irrésistible.

Son 7 - Livret 10 - Répertoire 10 - Interprétation 10 

Les commentaires sont clos.