Un voyage au coeur de l'univers complexe de Mendelssohn

par

0126_JOKERFélix MENDELSSOHN
(1809-1847)

Quintettes à cordes n° 1 opus 18 et n° 2 op. 87-Pièces pour quatuor à cordes opus 81 n° 3 et 4 Quatuor MANDELRING, Gunter TEUFFEL (alto) 2011-2012-SACD-69'28-Textes de présentation en anglais et allemand-Audite 92.659

 

Les quintettes à cordes de Mendelssohn restent relativement peu fréquentés, comme d'ailleurs la presque totalité de sa musique de chambre. La discographie avait été dominée jusqu'ici par l'insurpassable version du Quintette Philharmonique de Vienne qui semble ne pas avoir été rééditée en CD, un oubli auquel Decca, son éditeur, se devrait de remédier (via sa filiale australienne Eloquence, par exemple). Impossible également de passer à côté de l'Ensemble Raphael qui, à la fin des années 90 chez Hypérion, s'avérait tout simplement magnifique et somptueux. Les adeptes des instruments «d'époque» n'étaient pas oubliés avec la version des musiciens de Hausmusik, mené par Monica Huggett, et avec celle de l'Archibudelli, incontournable pour les «fans» de Anner Bylsma, dont nous sommes. Il faudra désormais compter avec une réussite de plus. Car les Mandelring, dans le quatrième volume de l'intégrale des oeuvres de chambre pour cordes, pénètrent d'emblée au coeur même du monde mendelssohnien fait de charme et d'intériorité, de confort et d'angoisses insoutenables, de gaîté et d'une désarmante mélancolie. On a du mal à croire que le premier opus, 18e du nom, écrit en 1826, soit le fait d'un tout jeune homme de 17 ans à peine, même si la partition nous est proposée ici dans sa révision, définitive, de 1830-1832, rédigée au moment de la tournée européenne que le compositeur entreprit à cette époque. Une révision qui se limita, en fait, à une inversion dans l'ordre de certains mouvements et au remplacement du minuetto initial par un intermezzo écrit en mémoire de son ami violoniste Eduard Rietz, mort de tuberculose au début de 1832, pour qui ces pages ont probablement été écrites. Quelle maturité, déjà, quelle perfection, quel équilibre dans l'écriture! Mais la science n'est rien quand, de surcroît, on possède la magie de la mélodie, du chant. Et ici, cette inspiration est de tous les instants, digne de Dvorak, que l'on pressent d'ailleurs par moments. Nos quatre musiciens l'ont parfaitement compris et nous offrent la plus lyrique, juvénile et délicate des lectures, d'un ravissement sans fin. D'une remarquable homogénéité, ils parcourent ces quatre splendides mouvements dans un état de grâce rare. Tout cela virevolte avec une grâce infinie, dans une atmosphère proche de l'octuor opus 20, presque contemporain, et de l'ouverture du Songe d'une nuit d'été. En 1845, vingt ans plus tard, à l'autre extrémité de sa courte vie, le compositeur a conservé son élégance mais son écriture a acquis une densité plus remarquable encore, qui confère à ses partitions «tardives» un caractère bouleversant d'émotion. Le scherzo, très court, coule avec naturel tandis que le très beethovénien adagio, élégiaque et douloureux, permet au quatuor de se surpasser dans l'expression de sentiments extrêmes mais retenus. Le finale, peut-être moins réussi, surtout après les sommets du mouvement précédent, ne fut pas jugé bon par Mendelssohn, ce qui retarda la publication de l'oeuvre et eut pour résultat qu'elle était encore à l'état de manuscrit lorsque celui-ci mourut en 1847. Les Mandelring lui font pourtant bon accueil et parviennent à «négocier» avec succès la volubilité sans doute un peu excessive de cette page. Le disque s'achève par les deux dernières des quatre Pièces pour quintette à cordes op. 81 (les deux premières se trouvent dans le volume 3): un capriccio qui, après une introduction en forme de barcarolle, se transforme en fugue et... une autre fugue. Toutes deux, pour différentes qu'elles soient, sont également exigeantes en termes de précision et de clarté contrapuntique. Sans surprise, les quatre artistes y sont simplement parfaits. Un disque à acquérir les yeux fermés.
Bernard Postiau

Son 10 - Livret 9 - Répertoire 10 - Interprétation 10

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