John Adams, l’oeuvre en coffret 

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John Adams (né en 1947) : Christian Zeal and Activity, China Gates, Phrygian Gates, Shaker Loops, Common Tones in Simple Time, Harmonium, Grand Pianola Music, Harmonielehre, Tromba Lontana, Short Ride in the Fast Machine, The Chairman Dances, Nixon in China, Fearful Symmetries, The Wound-Dresser, Eros Piano, Five Songs, Berceuse élégiaque, The Black Gondola, The Death of Klinghoffer, El Dorado, Chamber Symphony, Hoodoo Zephyr, Violon Concerto, John’s Book of Alleged Dances, I Was Looking at the Ceiling and Then I Saw the Sky, Lollapalooza, Road Movies, Gnarly Buttons, Slominsky’s Earbox, Scratchband, Century Rolls, Hallelujah Junction, Naive and Sentimental Music, El Nino, American Berserk, Guide to Strange Places, On the Transmigration of Souls, The Dharma at Big Sur, My Father Knew Charles Ives, Doctor Atomic, A Flowering Tree, Son of Chamber Symphony, First Quartet, City Noir, The Gospel According to the Other Mary, Saxophone Concerto, Absolute Jet, Roll Over Beethoven, Scheherazade  2, I Still Play, Must the Devil Have All the Good Tunes ? Interprètes divers. 1985-2019. Livrets en anglais. 1 coffret de 40 CD Nonesuch. 075597932294

A l’occasion des 75 ans de John Adams, Nonesuch propose un plantureux coffret qui est une quasi intégrale des partitions du génial  compositeur américain. Certes, il n’y a rien de neuf ou d'inédit dans cette superbe boîte mais ce coffret permet d’avoir une vision panoramique d’une œuvre qui s’affirme comme une immense référence de notre temps particulièrement adulée des publics à travers le monde.

Car John Adams, comme ses compères Philip Glass ou Steve Reich, c’est un phénomène de société dans le monde de la musique de notre temps. Chacune de ses créations est attendue, suivie et commentée par les fans et des acteurs du milieu musical. Certaines de ses partitions sont même devenues des tubes, régulièrement programmées, par les orchestres y compris les formations d’étudiants ; on pense à Short Ride in the Fast Machine ou The Chairman Dances et certaines de ses oeuvres sont multi enregistrés comme Harmonielehre (1985), pièce orchestrale fondatrice dont il existe déjà 7 versions différentes ! Phénomènes quasi incroyables pour de la musique savante de notre temps ! Ce parcours artistique unique d’un jeune compositeur qui s’affirme au soleil de la Californie, leader d’une nouvelle génération de compositeurs américains et consacré compositeur en résidence auprès du Berliner Philharmoniker pour la saison 2016-2017. 

De cette somme, il faut retenir des axes structurants à commencer par un amour du son, que ce soit dans les partitions minimales de ses débuts comme l’envoûtant Harmonium pour choeur et orchestre, sorte de fresque ondoyante ou dans les créations les plus récentes à l’image du concerto pour piano  Must the Devil Have All the Good Tunes ?,  coursé échevelée, ébouriffante et endiablée entre le piano et l’orchestre. L’ultra virtuosité est également une marque de fabrique des partitions pour orchestre : la puissance horizontale de Harmonielehre ou la folie straussienne de City Noir, tryptique lyique et explosif, sorte de Vie de Héros des temps contemporains. On peut moins apprécier certaines partitions orchestrales comme El Dorado, Guide to Strange Places, ou Naive and Sentimental Music qui peuvent manquer de corps, mais les textures orchestrales sont superbes et taillées avec la plus haute compétence. Tout comme il est loisible de trouver un côté démonstratif à Lollapalooza pour orchestre ou au Concerto pour piano Century Rolls, mais comment ne pas admirer la puissance instrumentale de la symphonie tirée de l’opéra Doctor Atomic. Le sens de la mélodie est aussi une grande qualité de John Adams, équation si rare chez un musicien de notre temps, on peut ainsi fredonner l’air simple de la Grand Pianola Music, l’air de baryton “Batter my heart” de l’opéra Doctor Atomic ou la ligne chantante de Tromba Lontana, fanfare pour orchestre. On aime aussi l’humour et le second degré qui transparaissnt dans des plus petits formats à l’image du John's Book of Alleged Dances pour quatuor à cordes ou Gnarly Buttons pour clarinette et petit orchestre.   

L’Histoire est également au centre de la démarche artistique de John Adams. L’Histoire par les évènements comme les sujets d’opéras tirés de drames et d’actions de notre époque : la visite du président Richard Nixon à Mao Zedong dans Nixon in China, la prise d'otage des passagers du navire de croisière l'Achille Lauro pour l’opéra The Death Of Klinghoffer, le tremblement de terre de Los Angeles en 1994 pour le bref  I Was Looking at the Ceiling and Then I Saw the Sky ou la Nativité, histoire universelle pour El Nino, opéra oratorio multilingue, creuset de notre humanité.  Les drames de notre temps rattrapent même le compositeur par son On the Transmigration of  Souls, en hommage aux victimes des attentats du 11 septembre 2001, commande de plusieurs institutions de la ville de New York et créé par le New York Philharmonic sous la direction de Lorin Maazel en 2002. Cette partition pour grand orchestre, chœur mixte, chœur d'enfants et sons fixés sur une bande magnétique valut à John Adams le Prix Pulitzer et plusieurs Grammy Awards. Cette partition fut même une césure dans la notoriété de ce compositeur classé alors à l'avant-garde qui s'institutionnalisa comme l’une des grandes figures de la musique des USA. 

Mais cette passion de l’histoire est aussi liée à celle de la musique dont Adams est un fin connaisseur : Beethoven est décuplé et dynamité dans l’incroyable Absolute Jest pour quatuor à cordes et orchestre,  Liszt ou Busoni sont orchestrés, Charles Ives, avec  le délicieux pastiche My Father Knew Charles Ives pour orchestre, est au coeur de cet hommage amoureux à ce pionnier de la musique américaine. 

Le génie créatif de John Adams s’appuie sur une fidélité à des artistes ou des institutions : les chefs d’orchestre Edo de Waart, Kent Nagano, Esa Pekka Salonen, la violoniste Leila Josefowicz, le San Francisco Symphony Orchestra, le BBC Symphony Orchestra, le Los Angeles Philharmonic qui mettent toutes leurs compétences artistiques et techniques au service des partitions du compositeur. 

Le label Nonesuch, pierre angulaire de ce coffret, accompagne John Adams depuis 1985 et le premier album : Harmonielehre sous la direction d’Edo de Waart au pupitre du San Francisco Symphony Orchestra, mais le coffret emprunte également quelques bandes à d’autres labels DGG, San Francisco Symphony Media et Berliner Philharmoniker.  Certes ce n’est pas une intégrale car il manque l’avant-dernier opéra The Girls of the Golden West (son dernier opéra Antony & Cleopatra vient juste d’être créé à l’opéra de San Francisco) et le bref I Still Dance, sorte de mouvement perpétuel pour orchestre, mais ce coffret est finalement indispensable, fenêtre essentielle pour l’art de notre temps.  

L'objet est en lui-même une pièce de collection, complété des 2 généreux livrets, l'un consacré aux informations artistique et l'autre à la mise en perspective de l'art de John Adams.     

Son : 10  Notice : 10  Répertoire : 10  Interprétation : 10 

Pierre-Jean Tribot

   

 

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