John Adams chez Simon Rattle

par
John Adams

John Adams et Sir Simon Rattle se connaissent depuis plus de trente ans. Sir Simon fut séduit par la musique du compositeur à l'écoute de Harmonium, une de ses premières pièces pour orchestre et choeur joué par "son" orchestre, le City of Birmingham Symphony Orchestra dirigé par Ed. Smith.
"Une musique de joie, d'énergie, de soif de vivre". Aujourd'hui, à propos de The Gospel According to the Other Mary (l'Evangile selon l'autre Marie), le chef se livre : "Je pense que c'est l'une des pièces les plus émouvantes que nous avons réalisées durant mes années ici [ndlr. à la Philharmonie de Berlin où il a succédé à Claudio Abbado en 1999] Quand nous avons récemment écouté la première réalisation, je devais me détourner de la partition parce que mes larmes tombaient sur elle".  
Durant la saison 2016-1017, John Adams, le compositeur le plus joué aux Etats-Unis, était en résidence à la Philharmonie de Berlin. A cette occasion, sept de ses oeuvres furent jouées et enregistrées. Elles sont déjà toutes disponibles en CD mais les entendre jouées par "le" Berliner est un luxe inespéré.
John Adams y dirige deux oeuvres illustrant deux pôles de son parcours : Harmonielehre de 1984/85 et Schéhérazade.2 de 2014/15. La première dont le titre trouve son origine dans le traité que Schönberg a dédié à Mahler en 1911, est une oeuvre pour orchestre en trois mouvements basée sur deux rêves surréalistes et "La blessure d'Anfortas" de Carl Gustav Jung où l'on retrouve la patte minimaliste du compositeur. Celle-ci se couvrira de sensualité dans Schéhérazade.2, symphonie dramatique pour violon et orchestre en quatre mouvements, une Schéhérazade des temps modernes confrontée aux imposteurs et aux tyrans face à qui Leila Josefowicz pour qui  l'oeuvre est écrite déploie la suavité de ses charmes. Deux oeuvres mariant chaleur et humour avec intransigeance.
Alan Gilbert qui a assuré la création de Schéhérazade.2 à New York avec son orchestre dirige ici deux courtes pièces très visuelles : Short Ride in a fast machine (1986) et Lollapalooza (1995), la "fast machine" étant la Lamborghini de son beau-frère dans laquelle il connut la frayeur des tapis roulants allure TGV, et "Lollapalooza" étant un motif de cinq syllabes exploité en constante rythmique et inspiré de Lula Hurst, cette illusionniste américaine plus communément appelée Georgie Wonder qui faisait sensation dans les vaudevilles américains des années 1880 par la démonstration d'une force physique phénoménale. Est-ce cette force physique qu'il reconnaissait en Rattle puisque Lollapalooza fut offert au chef pour ses 40 ans. 
C'est Gustavo Dudamel qui dirige City Noir pour orchestre composé à l'occasion du concert d'ouverture de l'Orchestre de Los Angeles avec son nouveau directeur musical. Une oeuvre inspirée du film "Noir" illustrant un affect typique des Américains, tiraillé entre l'activité et le mystère, la sensualité et l'extase, une vision du Los Angeles des années '40 et '50, un renouvellement de l'écriture de John Adams par le traitement de l'orchestre qui fait appel à de nombreux soli de pupitres. Quant à Kirill Petrenko, avec le baryton Georg Nigl, il prend en mains The Wound-Dresser inspiré d'un poème de Walt Whitman (1865) témoin des atrocités de la guerre civile américaine, dix-huit minutes d'introversion tendue à l'extrême. 
Il revenait à Sir Simon Rattle de diriger l'oeuvre qui lui fait couler les larmes, The Gospel According to the Other Mary, un oratorio passion contant les souffrances du Christ -qui n'apparaît ici à aucun moment- dans la souffrance de Marie Madeleine, sa soeur Marthe et son frère Lazare. Un texte fort, compilé par Peter Sellars qui met en perspective des textes bibliques, des textes contemporains d'auteurs engagés et de courts fragments de Hildegard von Bingen. Une musique qui vous prend aux tripes et regorge des multiples facettes d'une orchestration imaginative et luxuriante de couleurs. C'est l'oeuvre qu'il faut écouter en dernier car on ressort de ces deux heures trente de musique totalement abasourdi par cette spiritualité toute humaine et chaude de tendresse. John Adams perd là totalement l'étiquette "minimaliste" pour rejoindre le panthéon des grands compositeurs de notre temps. 
Deux DVD Blu-Ray prolongent le parcours avec John Adams et le Berliner. Apple a décidé de ne pas donner à ses utilisateurs l'occasion de lire cette technique. Le livret de présentation nous dit que les deux DVD reprennent les oeuvres des 4 CD en video haute définition, John Adams en conversation avec Sarah Willis, un documentaire intitulé "Short Rides with John Adams" et John Adams en conversation avec Peter Sellars.  Merci Apple ! 
Comme toujours, les productions du Berliner Philharmoniker sont très soignées. Le livret en format italien est illustré de superbes photos de Wolfgang Tilmans inspiré par les musiques écoutées et le livret complet de l'oratorio, en allemand et en anglais.   
Bernadette Beyne

Son 10 - Livret 10 - Répertoire 10 - Interprétation 10 

Berliner Philharmoniker, John Adams, 4 CD, 2 DVD Blu-Ray, BPHR 170141

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