Justice pour des symphonies sous-estimées

par

Franz Joseph HAYDN
(1732 - 1809)
Symphonies n° 78, 79, 80 et 81
Accademia Bizantina, dir.: Ottavio DANTONE
2016-DDD - textes de présentation en anglais, français et allemand, Decca 478 8837 DH2 (2 CD)
La sélection des quatre symphonies présentées ici est inhabituelle. La n°78 aurait logiquement plus de chance d’apparaître accompagnée des 76 et 77 qui, ensemble, forment un trio de symphonies que Haydn composa en 1782 pour un voyage à Londres (qui fut d'ailleurs annulé). Mais ce qui fait le véritable intérêt de ce CD, c’est qu'il présente pour la première fois l'enregistrement des n° 79 et 81 sur instruments anciens. On se demande pourquoi cette partie mature de l’œuvre de Haydn fut négligée jusqu’à présent alors qu’elle témoigne de la naissance de son succès international, juste avant les symphonies “Parisiennes”. Cet enregistrement servira surtout à compléter un cycle intégral des symphonies qui devrait sortir très prochainement. En effet, en additionnant les enregistrements de Hogwood et Brüggen, tous deux interrompus en cours de route, ce sont justement ces quatre œuvres qui manquaient à l’appel chez DECCA.
Une énergie inédite se dégage de cette interprétation qui cherche les jeux de contrastes dans chaque recoin de la partition. Ottavio Dantone fait preuve d’une belle compréhension de certains éléments de composition qu’il détaille avec beaucoup de passion dans le livret. Il peut aussi se féliciter d’avoir mis en valeur des voix comme celles du basson ou de l’alto qui sont souvent réduites au statut de “remplissage”.
Plus connus pour leur travail dans le baroque, Dantone et son Accademia Bizantina apportent à Haydn des couleurs moins sages que celles qu’on a l’habitude d’entendre. Le chef italien à la main ferme excelle dans le maintien des tempi et la conduite aboutie des phrases musicales. Les silences délibérément dramatiques, suivis de reprises avec un élan enthousiaste, sont d’autant plus frappants. On trouverait le relief presque exagéré, mais ces accents aux apparences “baroqueuses” sont généralement cohérents et on ne s’ennuie certainement pas !
Le côté malicieux de Haydn résonne bien, notamment avec la plaisanterie rythmique du final de la symphonie n°80 (mais où sont les temps forts ?). Dans les farces proposées à l’auditeur, on ressent une complicité amusante et affectueuse entre “Papa Haydn” et les interprètes.
La prise de son un peu crue fait entendre fort la rugosité des attaques, ce qui choque aux premières secondes d’écoute mais qui permet d’apprécier le grain sonore particulier des instruments d’époque... et même de sentir les musiciens respirer ensemble. L’enregistrement très organique peut être vécu comme une bouffée d’oxygène, tout comme il risque de déplaire à ceux qui préfèrent un son plus rond et lisse.
Aline Giaux, reporter de l’IMEP

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