Kurt Weill symphonique avec Joana Mallwitz 

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The Kurt Weill Album. Kurt Weill (1900-1950) : Symphonie n°1 “Berliner symphonie”, Die Sieben Todsünden ; Symphonie n°2 “Fantaisie symphonique”. Katharine Mehrling, chant. Konzerthausorchester Berlin, direction : Joana Mallwitz. 2024. Livret en anglais et allemand. 82’00. DGG. 

Avec cet album, la cheffe d’orchestre Joana Mallwitz fait ses débuts discographiques pour DGG au pupitre du Konzerthausorchester Berlin dont elle assure la direction musicale depuis le début de la saison 2023/2024. Après une carrière allemande à Erfurt et Nuremberg, la musicienne bénéficie dans son pays natal d'une aura assez incroyable : elle est couronnée de multiples prix et elle bénéficie d’une visibilité médiatique bien au-delà de la presse musicale avec déjà un documentaire à sa gloire diffusé sur Arte. Dès lors, le commentateur attendait ce premier enregistrement pour jauger la musicienne dans un répertoire intéressant d’autant plus que jusqu’à présent le seul opéra entendu sous sa baguette, un Cosi fan Tutte salzbourgeois, ne parvenait pas à nous convaincre. 

Déjà le choix de consacrer un album à Kurt Weill est plutôt bon car le compositeur est indubitablement lié à Berlin et au Berlin des avant-gardes de la République de Weimar avant d'émigrer jusqu’aux USA où sa carrière prit un tout autre tournant. De plus les Symphonies n°1 et n°2 qui sont la colonne vertébrale de ce disque sont des merveilles bien trop peu jouées et la discographie, si elle n’est pas la plus importante numériquement, est de grande qualité avec les gravures majeures : d’Edo de Waart (Philips), Gary Bertini (Warner), Marin Alsop (Naxos) ou Mariss Jansons (Warner) et Kent Nagano (Erato) dans la seule symphonie n°2)    

Joana Mallwitz défend une approche plutôt massive et symphonique de ces deux partitions dont l’instrumentarium est celui d’un orchestre de chambre élargi. Composée dans la prime jeunesse artistique du compositeur alors qu’il était élève de Busoni, la Symphonie n°1 a été perdue avant d’être retrouvée et jouée à partir de la fin des années 1950. C’est une partition fulgurante avec de la créativité tant mélodique qu’instrumentale. Joana Mallwitz  adopte une vision noire et dramatique avec une épaisseur de trait qui renforce une violence des contrastes. Le Konzerthausorchester Berlin superbement enregistré est digne des plus grands éloges dans son fini technique et sa sonorité d’ensemble. 

Changement de ton avec la Symphonie n°2 composée à Paris lors de l’exil du compositeur. Créée au Concertgebouw d’Amsterdam sous la baguette de Bruno Walter, elle tombe aussi dans l’oubli avant de réapparaître dans les années 1980. La plastique du matériau musical est superbe, mais la partition respire une forme de nostalgie et de tragique qui en fait une beauté singulière à apprivoiser. C’est une musique urbaine, scandée par un orchestre parfois vénéneux, parfois violent, tantôt lyrique, tantôt mécanique. Jonna Mallwitz alterne une lecture dramatique et théâtrale avec cette certaine massivité. Le soin apporté aux détails de l’instrumentation nuit un peu aux développements thématiques, mais cela renforce le fourmillement d’idées d’un compositeur étonnant. La prestation de l’orchestre berlinois est là encore magistrale. 

Entre ces deux symphonies, la cheffe est rejointe par Katharine Mehrling pour la lecture compétente mais un peu raide et surjouée des célèbres Sieben Todsünden avec une cheffe qui joue de l’orchestre s’appuyant sur des pupitres encore admirables. 

Dès lors, ce disque est intéressant en soi, il propose des lectures personnelles mais on restera aux références précédemment citées.

Son : 9  Notice : 9  Répertoire : 10  Interprétation : 9

Pierre-Jean Tribot

Chronique réalisée sur base de l'édition digitale

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