La qualité d’une phalange anglaise 

par

Sakari Oramo © Jan Olav Wedin

Dans le cadre de sa saison de concerts symphoniques, le Service Culturel Migros invite, au Victoria Hall de Genève, l’Orchestre Symphonique de la BBC, illustre formation fondée en 1930 par Sir Adrian Boult, qui a aujourd’hui à sa tête, depuis l’été 2013, le chef finlandais Sakari Oramo.

Le programme est d’un grand intérêt puisqu’il débute par une page brève écrite par la jeune compositrice britannique Anna Clyne en 2015, ‘This Midnight Hour’. Elle s’inspire d’un texte de quelques lignes de Juan Ramon Jimenez et du poème de Charles Baudelaire, ‘Harmonies du soir’ ; du premier, elle conserve l’image de la femme nue courant éperdument dans la nuit pure, du second, celle de la valse mélancolique. D’un trait véhément des cordes graves, émane un choral imposant des cuivres que déchirent les stridences des flûtes pour aboutir à un tutti d’une rare violence ; puis l’expansion lyrique prend le dessus en donnant forme à une valse aux teintes crépusculaires que fixeront les trompettes placées dans les angles du plateau.
Intervient ensuite la jeune violoniste norvégienne Vilde Frang, frêle Ophélie à chevelure blonde vêtue de mousseline jaune. Elle s’attaque à un ouvrage redoutable déclaré injouable par Jascha Heifetz, le ‘Concerto pour violon op.15’ de Benjamin Britten, élaboré au Canada durant l’été 1939. A une atmosphère mystérieuse créée par le pianissimo de la percussion elle répond par une suavité toute mélancolique avant de s’attaquer à un ‘agitato’ dont les doubles cordes traduisent la virulence, tout en l’atténuant par un phrasé transparent qu’irisent les sons harmoniques. D’une certaine brillance virtuose se pare le scherzo dont le trio délivre la générosité mélodique ; puis la cadence débouche sur un finale en forme de passacaille avec neuf variations où les traits supposant une maîtrise technique hors du commun cèdent la place à des séquences ouatées aux inflexions souvent douloureuses.
La seconde partie révèle la qualité réelle de l’orchestre dans une ‘Pastorale’ de Beethoven de haut vol. L’’Allegro ma non troppo’ initial est pris à un tempo plutôt rapide ; la souplesse des lignes provient du pupitre des cordes qui, en dépit de l’importance des effectifs (12 premiers + 12 seconds violons), conserve une incroyable précision dans tout ritardando. Dans la même envolée est dépeinte la ‘Scène au bord du ruisseau’ où la pulsation grave sous-tend la fluidité du propos mélodique qu’irisent les bois en rafales imitant les oiseaux. Avec entrain est développée la réunion des paysans dont la danse accentue les appuis rythmiques, avant que n’éclate l’orage avec son tremolo menaçant et ses accords à l’arrachée ; sa véhémence se corrode face à la clarinette et au cor chantant une quiétude où la fibre mélodique reprend ses droits. En bis, une page de Jan Sibelius extraite de la Musique de scène pour ‘Pelléas et Mélisande’, Entracte, aux coloris fascinants. Un triomphe pour le chef et son orchestre !
Paul-André Demierre
Genève, Victoria Hall, le 26 mars 2018

Un commentaire

Vos commentaires

Vous devriez utiliser le HTML:
<a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <s> <strike> <strong>

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.