A l’OSR, une première suisse de Pascal Dusapin

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Sous le titre ‘Feux d’artifice’, Jonathan Nott et l’Orchestre de la Suisse Romande placent le concert du 18 novembre dont le plat de résistance est la première suisse de Waves, duo pour orgue et orchestre de Pascal Dusapin. A ce propos, le compositeur écrit : « Une vague, c’est une variation et au même instant un renouvellement, une forme qui se déforme, la distorsion d’une masse… L’orgue est orchestré avec l’orchestre, le contraire aussi. Les deux s’entrechoquent, se rétractent et s’abattent l’un sur l’autre, se gauchissent sous le flux constant d’énergies inverses jusqu’à se dissimuler l’un à l’autre en confondant leurs volumes harmoniques ». Effectivement aux stridences des cuivres répond l’orgue du Victoria Hall tenu par Olivier Latry, le titulaire de la console de Notre-Dame de Paris, qui développe son propre discours comme s’il émanait du tutti. Alors que, de la tribune, il dialogue avec deux bugles disposés latéralement, il impose graduellement une connotation pacificatrice quelque peu énigmatique avant de s’amalgamer à cette houle rhapsodique qui s’amplifie jusqu’à un paroxysme triomphal. Et le public ne s’y trompe pas en acclamant, le soliste, le chef et son orchestre ainsi que le compositeur qui manifeste son approbation de l’exécution tout en laissant affleurer son émotion.

L’on en dira autant de l’impact qu’a exercé le Concerto en la mineur op.129 de Robert Schumann, tant est remarquable le violoncelliste Steven Isserlis qui cultive un phrasé extrêmement libre afin d’exprimer une intense nostalgie frisant le désespoir. Dans le Langsam médian, sur le tapis des cordes en pizzicato, il laisse poindre de douloureuses inflexions qu’annihilera la transition vers un final brillant dont les traits épineux émoustillent le tutti en suggérant les contrastes de coloris. A titre de bis, en un pastel d’une rare délicatesse, Steven Isserlis murmure, à fleur d’archet, le sublime Cant dels ocells rappelant Pablo Casals.

Pour encadrer ces deux œuvres majeures, Jonathan Nott insère d’abord, selon le titre du programme, le bref Feux d’artifice qu’Igor Stravinsky élabora en 1908 en lui conférant la dynamique tourbillonnante d’un kaléidoscope qui s’apaise passagèrement avant de laisser crépiter le coloris pour ébaucher un ‘tempo di marcia’. A la pointe sèche, il dessine ensuite l’Alborada del gracioso que Ravel lui-même orchestra en 1919 en lui insufflant une exubérance que contrebalancera le basson goguenard. Et le da capo ne sera que débauche de teintes fortes et de rythmes enfiévrés, nous donnant le meilleur Ravel que Jonathan Nott nous ait présenté au cours de ces dernières saisons. Un concert magnifique !

Genève, Victoria Hall, le 18 novembre 2021

Paul André Demierre

Crédits photographiques : Deyan Parouchev

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