L’apothéose de la danse : Mahler par Kirill Petrenko 

par

Gustav Mahler (1860-1911) : Symphonie n°7  en mi mineur. Bayerisches Staatsorchester, Kirill Petrenko. 2018. Livret en anglais et allemand. 72’32’’. Bayerische Staatsoper Recordings. BSOREC 0001. 

Avec cette parution, l’Opéra d’Etat de Bavière lance son propre label. Ce premier titre fondateur est curieusement consacré à une symphonie : la  n°7 de Gustav Mahler alors qu'un opéra de Korngold sera au programme de la seconde parution bavaroise attendue dès le mois d’août prochain. 

Kirill Petrenko, dont c’est la dernière saison au poste de directeur musical de la phalange allemande, est naturellement à l’honneur et au pupitre de ses musiciens pour une captation de concert de 2018 sur la scène du Nationaltheater de Munich. Les commentateurs noteront que le chef d’origine russe, qui fut des plus timides au disque, est en passe de devenir l’un des plus représentés depuis un an avec un coffret thématique et une symphonie n°6 berlinoise et cette nouvelle parution munichoise. 

La symphonie n°7 de Mahler reste sans aucun doute la plus mal aimée et l’une des plus difficiles à réussir pour les interprètes : le chef doit garder une cohésion et cerner le ton différent des mouvements, et les instrumentistes doivent faire valoir des qualités individuelles et de collectif.   Du corpus mahlérien, cette partition est l’étalon suprême ! A ce titre, Kirill Petrenko est, encore une fois, phénoménal et, à la tête d’un orchestre dont il connaît le potentiel et les individualités, il parvient à livrer une interprétation d’anthologie.

Le gros atout de sa direction est sa fluidité et sa totale flexibilité. Rien n’est jamais figé et le chef fait danser les rythmes et les mélodies, créant un monde foncièrement mahlérien par ses orages orchestraux suivis de fanfares et de danses. Si Klemperer (Warner) avait trouvé dans ce “Chant de la nuit”, un matière acide presque freudienne et que Boulez y faisait briller une radicale et froide modernité (DGG), Petrenko chorégraphie un monde éclatant, brillant et joyeux qui culmine dans un dernier mouvement emporté au panache dans une apothéose de la danse jubilatoire et communicative. On aime également dans cette direction, son aptitude à cerner tous les contrastes et mettre en avant les moindres détails tout en gardant le sens de l'architecture globale. On reste admiratif de la chaleur et de la sensualité qui se dégagent des deux “Nachtmusik” loin de l’exercice cérébral acide que nombre de chefs y voient, sans oublier la lecture exemplaire d’un scherzo central, à la fois piquant, ironique et grinçant qui vire plus vers le monde imagé d’un James Ensor que vers les fresques de Gustav Klimt.   

On l’aura compris, on tient ici l'une des plus grandes lectures de ce chef-d'œuvre. L'une des rares lectures à se hisser au niveau de Leonard Bernstein à New York (DGG). 

Il ne faut pas également oublier mentionner le fini premium du digipack qui prendra une belle place dans les discothèques.  

Son : 9  Livret : 10  Répertoire : 10  Interprétation : 10

Pierre-Jean Tribot

https://www.crescendo-magazine.be/kirill-petrenko-a-berlin-le-retour-tant-attendu-du-heros-chef/

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