De Mozart à Bruckner, revisiter les classiques au festival de Salzbourg
Les matinées Mozart du Mozarteumorchester Salzburg données chaque week-end pendant la durée du festival de Salzbourg font partie des séries de concert structurantes de la manifestation tout comme les concerts hebdomadaires des Wiener philharmoniker. Bien évidemment c’est Mozart qui est à l’honneur avec ce qu’il faut de grands chefs d'œuvres mais aussi de raretés. C’est aussi une série privilégiée du public citadin : l’ambiance est un peu moins guindée qu’aux représentations d’opéras ou qu’aux grands concerts du soir. Le prix des tickets est aussi un peu plus démocratique (mais ce point est toujours à relativiser au festival de Salzbourg). Du côté artistique, outre des concerts avec ses directeurs musicaux ancien (Ivor Bolton) ou actuel (Roberto González-Monjas), des grands noms Ádám Fischer, la série est aussi une rampe de lancement de talents émergents qui y font leurs premières armes dans le cadre de la programmation festivalière ; on a ainsi pu entendre au fil des ans : Anu Tali et Mirga Gražinytė-Tyla. Dans tous les cas, les matinées Mozart sont devenues des moments de haut vol, loin de la routine luxueuse qui était servie il y a encore 15 ans quand Hubert Soudant était directeur musical de l’orchestre.
Pour cette dernière matinée de l’édition 2024, c’est Maxim Emelyanychev qui office au pupitre mais aussi aux claviers. Avec Maxim Emelyanychev, on n’est pas dans l’idée d’un chef omniscient mais d’un primus inter pares qui dialogue avec les musiciens au podium en effectif instrumental symphonique mais aussi en soliste chambriste au clavier ou à la direction depuis le clavier. Dans la Serenata Notturna, le musicien laisse une part à un dialogue d’une liberté presque improvisée entre les cordes. Tout l’orchestre joue debout avec une énergie communicative. Le sentiment de liberté se poursuit avec le Quintette pour clavier et vents KV 452 : les 4 vents sont des membres de l’orchestre (Isabella Unterer, hautbois ; Bernhard Mitmesser, clarinette ; Álvaro Canales Albert, basson et Paul Pitzek, cor) et Maxim Emelyanychev les accompagne avec sensibilité, tonus mais aussi esprit de humoristique facétieux. En seconde partie, le chef retrouve l’effectif complet du Mozarteumorchester Salzburg pour une Symphonie n°38 “Prague” emportée à l’énergie. Maxim Emelyanychev a des idées, beaucoup d'idées pour mettre en avant tel phrasé, tel détail, telle nuance. Son Mozart est vif, rapide mais il évite la routine de la “modernité” interprétative qui martyrise trop souvent le matériau musical à coups de serpe. La culture stylistique de l’orchestre, rompu à son Mozart dans une approche historiquement informée, s’accorde parfaitement à l’esprit de l’interprétation du chef : vivifier mais sans brutaliser. On sent l’adéquation totale entre Maxim Emelyanychev, qui libère les énergies, et les musiciens engagés, emportés dans ce torrent musical.
Un concert anti-routine qui ne fait que confirmer la très haute qualité du Mozarteumorchester Salzburg.