Le Bach de Klemperer

par

Johann Sebastian BACH (1685-1750)
Quatre suites pour orchestre BWV 1066 à 1069
Georg Friedrich HAENDEL (1685-1759)
Concerto grosso op. 6 n° 4
Orchestre Philharmonia, dir.: Otto KLEMPERER
1954-ADD-47'01 et 60'52-Textes de présentation en anglais et allemand-Membran 233548 (2 CD)Bach par Klemperer! L'association fera sourire les baroqueux... Il n'empêche. C'est en sa compagnie qu'on a découvert, enfant encore, la Messe en si du cantor. Si l'on ne s'y embarrasse guère de considérations musicologiques, l'émotion, la fraîcheur et ce sentiment diffus de véritable authenticité de l'esprit restent intacts 50 ans plus tard. Quelques années plus tôt, il avait enregistré les quatre suites pour orchestre qui nous intéressent aujourd'hui. Quoiqu'on puisse penser de cette approche qualifiée, à tort, de « romantique », on aurait pourtant tort de croire que la lourdeur domine. Bien au contraire, si les tempos sont réguliers, ils restent cependant très fluides et le chef, tout en laissant à son petit monde le temps de respirer, insuffle à ces pages une légèreté et un allant dont ses détracteurs seraient sans doute les premiers surpris. Une simple comparaison des minutages chez Klemperer et Harnoncourt (1ère version) le prouve d'ailleurs sans appel: ceux-ci sont presque tous significativement plus lents chez le second que chez le premier. Plus encore, on s'étonne de retrouver, ici et là, notamment du côté des instruments à vent, les hautbois en particulier, ces sonorités acidulées qui avaient tant surpris et séduit dans les premières gravures de Harnoncourt! Question de perspective? Battage médiatique, à l'époque, qui s'est plu à exagérer une nouveauté peut-être pas aussi spectaculaire qu'on a bien voulu nous le faire croire? En fin de compte, à l'écoute, on en vient à penser que la « révolution » de Harnoncourt, Leonhardt et consorts, pour réelle qu'elle ait été, doit être relativisée et davantage inscrite dans le cadre d'une évolution régulière et naturelle. Si l'on met de côté le recours aux instruments « d'époque », le changement de diapason ainsi qu'une ornementation plus étudiée, modifications fondamentales certes quant à la sonorité d'ensemble, la progression stylistique, elle, du Klemperer de 1954 au Harnoncourt de 1966, ne paraît pas plus radicale que celle qui sépare le premier essai du chef autrichien de son deuxième, cette fois au début des années 1980, ni cette dernière des versions réalisées par la suite. Mais cette évolution, nécessaire, nous a toutefois fait perdre une donnée essentielle: le chant. Ecoutez l'Air de la 3ème suite selon Klemperer ou encore le finale de cette même suite, exubérant en diable.  Jamais plus, probablement, nous n'entendrons, dans ce répertoire, des cordes chanter avec une telle tension, une telle expressivité, une telle beauté, exprimées avec des phrasés dont l'art semble bel et bien perdu, le tout avec ce quelque chose de jubilatoire, cette joie irrépressible de jouer, qu'on désespère de réentendre chez ceux qui, depuis plus de 50 ans, se sont approprié l'interprétation de la musique ancienne.

Bernard Postiau

Son 8 – Livret 4 – Répertoire 10 – Interprétation 9

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