Le bonheur est dans le pré...

par

© Emmanuel Jacques

La "Mélodie du Bonheur"... des étoiles plein les yeux.
Il y eut Orphée. Il y a eu Julie Andrews dans la "Mélodie du Bonheur"... Leurs chants à tous deux élèvent les esprits et les coeurs.
Basée sur la nouvelle de Maria Augusta Trapp, la comédie musicale de Richard Rodgers et Oscar Hammerstein II fut créée à Broadway en 1959; Robert Wise en réalisa, en 1965, un film musical avec Julie Andrews dans le rôle principal. Le film connut un énorme succès, on lui attribua les plus grands prix et depuis, il est resté un film culte. Outre la qualité des acteurs, il réunit tous les ingrédients pour gagner les coeurs dans les chaumières : on se retrouve dans les montagnes autrichiennes à l'approche de l'Anschluss; Maria, une âme pure, se prépare à devenir religieuse mais ne semble pas vraiment faite pour cette vie auprès de ses consoeurs; on l'envoie comme gouvernante chez le capitaine Trapp, veuf et père de sept enfants dont les facéties ont rebuté jusqu'ici les gardiennes les plus attentives. Armée de sa guitare, de sa générosité et de son chant, Maria capte l'affection des enfants qui se transforment en une adorable petite troupe complice. Von Trapp qui, jusque là, n'avait que son sifflet de Marine pour maintenir une factice discipline, retrouve son humanité et son bonheur de vivre par la musique qui a réinvesti son foyer. Devinez donc ce qui arriva : "happy end", tout est pour le mieux, la famille quitte l'Autriche pour la Suisse sous la conduite de Maria et George von Trapp unis pour la vie. Et cette histoire est une belle histoire vraie !
Depuis 2006, Ars Lyrica s'attache à réintroduire la comédie musicale dans le paysage bruxellois et wallon. Encore très cultivé en Angleterre, le genre connaît un certain succès en Flandres mais s'est fait rare en nos contrées. C'est dommage car, d'un accès simple et direct, il s'ouvre à tous les publics qui peuvent y découvrir les plaisirs du chant et de la musique. Après West Side Story, Ars Lyrica a créé Tom Sawyer, une comédie musicale de David Miller -accompagnateur à La Monnaie et coach vocal à La Chapelle Musicale Reine Elisabeth- basée sur l'oeuvre homonyme de Mark Twain, diverses autres créations, une première production de La Mélodie du Bonheur en 2008 et cette nouvelle production créée à Charleroi pour rejoindre Bruxelles, Liège et Louvain-la-Neuve.
Pour celle-ci, Mohamed Yamani, directeur artistique et scénographe, a choisi pour maîtres d'oeuvre Xavier Elsen (mise en scène), Patrick Leterme, bien connu des auditeurs de Musiq'3 (direction musicale), Angela Gonzalez Sanchez (chorégraphie) et un "orchestre-téléphone" réunissant d'excellents musiciens à forte portée de vents. Si l'on regrette le côté un peu "flon-flon" de la première partie du spectacle -peut-être dû à un réglage de la sonorisation- il avait retrouvé ses marques en deuxième partie sous la direction précise de Patrick Leterme. Xavier Elsen a choisi d'axer le spectacle sur une double métaphore : l'univers des machines et de l'oppression totalitariste opposé à celui de la Nature, de l'Art et de la Musique, cette dualité s'illustrant par des décors graphiques projetés et usant d'un plateau tournant. Simple mais efficace, le spectacle ne jouissant pas des même moyens que les grandes maisons d'opéra. La soprano Fleur Mino incarne la Maria qui baigne l'inconscient collectif : fraîche, envoûtante, généreuse, élevée au milieu des vertes prairies et sur les berges des torrents montagnards; on est un peu moins sous le charme de Fabrice Pillet (von Trapp) au timbre sombre et à la justesse parfois douteuse; sous sa cornette, la mezzo Marie-Catherine Baclin se révèle une fantastique Mère Supérieure et on relèvera aussi le très beau talent de Jodie Devos (Liesl, la fille aînée du capitaine) formée à l'IMEP avant de rejoindre la Royal Academy of Music de Londres, parcours obligé pour qui souhaite se réaliser sur la scène lyrique. Toutefois, un des grands ressorts du succès de la Mélodie du Bonheur est l'omniprésence des enfants, les sept du capitaine von Trapp. Ils ont été recrutés parmi plusieurs centaines (signe encore de l'absurdité d'avoir amputé l'enseignement général du cours de musique car ils sont motivés!) dont douze ont été retenus pour deux distributions (en dessous d'un certain âge, la législation limite les prestations). Depuis le mois d'août, ils consacrent une bonne part de leur temps libre aux répétitions: apprentissage du jeu de scène, travail chorégraphique, vocal,... et le résultat est formidable. Une vivacité toujours en éveil, des chorégraphies pétillantes, des voix assurées, belles et si justes, une complicité dont rêveraient toutes les familles, le plaisir de jouer, de donner, des étoiles plein les yeux. Un très grand bravo à tous ces enfants dont le plus jeune peut avoir 7 ou 8 ans et qui ont largement contribué au succès de la soirée saluée par une "standing ovation" bien méritée.
Bernadette Beyne
Charleroi, Palais des Beaux-Arts, le 19 décembre 2013 
Dans les deux distributions : Damien Locqueneux (Rolf), Jodie Devos (Liesl), Cyprien Gain (Friedrich), Serena Hardy (Louisa)

Les enfants
Distribution A : Marion Jacques (Brigitta), Amani Picci (Kurt), Emilie Beyne (Marta), Léa Jospa (Gretl).
Distribution B : Kalya Barras (Brigitta), Manuel Bros (Kurt), Elena Dubie (Marta), Clara Barlow (Gretl).

Prochaines représentations : à Charleroi (Palais des Beaux-Arts), le 22 décembre à 16h; à Bruxelles (Cirque Royal) le 28 décembre à 20h et le 29 à 15h; à Liège (Forum) le 5 janvier à 14 et 18h; à Louvain-la-Neuve (Aula Magna) le 11 janvier à 14 et 18h.
NB. Il est temps de réserver, le "sold out" est proche...

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