Le chant de l’archange

par

ANIMA SACRA. Airs sacrés de FAGO, HEINICHEN, TERRADELLAS, SARRO, FEO, ZELENKA, HASSE, SCHIASSI, DURANTE. Jakub Joszef ORLINSKI, contertenor. IL POMO D’ORO : Maxime EMELYANYCHEV. 2018-DDD-75.37-présentation et textes en anglais, français, allemand- chanté en latin et italien-ERATO 01902956633745.

Le voile jeté sur la beauté, la semi-obscurité des photos du livret (esthétiquement discutables) laissent perplexe. Invitation implicite à dépasser la perfection physique ? À aller au-delà du charisme juvénile du jeune contre-ténor polonais Jakub Joszef Orlinski ? A se mettre « à l’écoute » ?  On peut l’imaginer car, pour son premier disque, il a eu l’intelligence de se tourner vers un art sacré qu’il aime et dont il maîtrise naturellement le style expliquant qu’ayant intégré le chœur Gregorianum, il a pu, dès son plus jeune âge, faire sien le répertoire de la Renaissance et du Baroque. Intelligence également dans le choix de pièces adaptées à ses moyens et, enfin, désir de mettre en valeur des compositeurs, pour certains peu connus, de la fin du XVIIe - début du XVIIIe siècle. A commencer par Nicola Fago (récemment interprété par Fabio Biondi et son Europa Galante) qui se taille la part du lion. Successeur de Durante, maître de chapelle du Conservatoire San Onofrio, « Il Tarentino »  naquit en 1677 et termina sa vie à Naples en 1745. Il fut le maître de Leo, Ferro et Jomelli. On retrouve Durante et Feo dans ce récital auxquels s’adjoignent Terradellas, Sarro ou Schiassi et les plus célèbres Zelenka, Heinichen, et Hasse. Libéré de toute comparaison, le chanteur peut exprimer son esthétique personnelle, sa sincérité et sa sensibilité.  Alliance de douceur et de pureté, son timbre s’impose par l’intensité de la présence, le refus de l’ostentation, le goût musical. L’alternance de chant spianato et de passages plus véhéments permet des contrastes expressifs encore renforcés par la direction vivante, percussive et théâtrale à souhait de Maxime Emelyanychev à la tête de l’ensemble Il Pomo d’Oro. Ce parti vigoureux ‘’sublime’’ la douceur du chant réalisant ainsi l’idéale harmonie des contraires à laquelle aspire l’esthétique baroque. Dès le premier extrait de Nicola Fago « Alla gente a Dio diletta » extrait d’Il Faraone Sommerso (1709), la tendresse contemplative, la précision du phrasé font ressortir le rayonnement qui émane de l’intervention d’Aaron, frère de Moïse. Le « Confiteor tibi, Domine », élégante pièce sacrée, fait alterner drame, contemplation et virtuosité. Les vocalises et le trille sont nets, les lignes stylisées, la messa di voce naturelle si bien qu’avec des moyens vocaux encore limités en puissance et en aigus, l’interprète frôle les abîmes, bascule sur le fil du chant, suggère un monde d’une délicate et vertigineuse splendeur. Ce que la voix pourrait présenter de trop voluptueux s’équilibre avec la vivacité de l’ensemble instrumental si bien que l’émotion est partout présente.

Bénédicte Palaux Simonnet

Son : 9- Livret 9- Répertoire 10- Interprétation 10

 

 

 

 

 

 

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