Le dernier Telemann, hélas trop affadi pour convaincre
Georg Philipp Telemann (1681-1767) : Ouverture en ré majeur TWV 55:D21 ; Divertimento en mi bémol majeur TWV 50:21 ; Sinfonia melodica en ut majeur TWV 50:2 ; Ino, cantate TWV 20:41. Christina Landshamer, soprano. Bernhard Forck, Akademie für Alte Musik Berlin. Juin 2022. Livret en anglais, allemand ; paroles en allemand et traduction en anglais. 71’06’’. SACD Pentatone PTC 5187 072
« La pâleur des teintes, le lissage des textures, la minceur de la pâte orchestrale accrochent peu l’oreille » déplorions-nous au sujet du maillon de l’intégrale du bicentenaire Beethoven regroupant les symphonies no 4 et 8 (Harmonia Mundi) par les mêmes interprètes. Même constat, hélas, pour cet enregistrement d’une moisson de tardives partitions de Telemann, écrites à la charnière du naissant Classicisme. Trois œuvres orchestrales et une cantate dramatique sur un sujet mythologique, datant de la décennie 1760. Dans l’Ouverture, le Divertimento, la Sinfonia, l’Akademie berlinoise se distingue par sa patine lustrée, sa ductilité. Mais on regrette la modération expressive, un contraste muselé.
La dynamique et le dynamisme se distillent dans des teintes pastel qui estompent toute imagerie, affadissent le pittoresque. Réjouissance, Tintamare, Carillon, Conversation à la table, Reveille à chasse : même ces pages dont les titres invitent au caractère descriptif se trouvent nivelées, privées d’éloquence. Le recours aux cors, hautbois, qui pouvait promettre un certain relief, ne permet pas de s’émanciper d’une politesse ciselée. On dirait que la lecture de Bernhard Forck nous promène dans de calmes paysages à la Thomas Gainsborough (1727-1788), se subsumant à son ambition de retraite : renoncer au portrait et « me rendre dans un village charmant, où je peux peindre des Landskips et profiter de la fin de la vie en toute tranquillité et facilité. »
Même retenue pour la cantate Ino, où l’équipe allemande ne s’empare guère des situations dramatiques de la nymphe en proie à son époux, –bras vengeur déchaîné par Junon. Vocalement, Christina Landshamer ne démérite en rien, et la soprano se montre attentive aux situations psychologiques, oscillant entre détresse et réconfort dans le royaume marin de Neptune. Mais l’écrin instrumental, là encore, se montre trop timide pour rivaliser avec d’autres incarnations discographiques plus flagrantes, notamment l’engagement du Concentus Musicus sous la férule de Nikolaus Harnoncourt (Teldec).
Christophe Steyne
Son : 8 – Livret : 8,5 – Répertoire : 9 – Interprétation : 6,5