Le jeune Scriabine en beauté

par

Alexandre SCRIABINE
(1872-1915)
Symphonies n° 1 & 2
E. Sergeeva (mezzo-soprano), A.Timchenko (ténor), London Symphony Chorus, London Symphony Orchestra, dir.: Valery GERGIEV
2016-Live-50' 08'' et 41' 01''-Textes de présentation en anglais, français et allemand-chanté en russe-LSO 2SACD LSO0770

Si ses interprétations LSO des symphonies 3 et 4 étaient inégales, Valery Gergiev semble plus à l'aise avec les deux premières. Toujours en live au Barbican de Londres en 2014, le chef ossète aborde la première symphonie (1900) avec une grande sensibilité, dès le lever de soleil initial, où brillent les subtils vents du LSO. Ce frémissement instrumental, quasi sensuel, et composé par gradations dynamiques, technique personnelle à Scriabine, se poursuit au long de l'oeuvre, tout en s'illustrant d'accents quasi brucknériens (2ème mouvement), ou le "mercurial" Vivace. La tension atteint son comble dans le large finale, introduit par un grand élan lyrique, tel un vaste portique.  C'est alors que, toute seule, la flûte, radieuse, entonne l'hymne à l'Art, relayée tout de suite par les deux solistes vocaux puis par le choeur : "O image merveilleuse du divin." Loin de la grandiloquence qui a entaché d'autres versions, Gergiev souligne la douceur de l'entrée du choeur, puis l'exaltation lyrique de l'imposante fugue conclusive. Très égale, sa version surpasse aisément le récent enregistrement de Pletnev (Pentatone) et s'inscrit d'emblée aux côtés du vétéran Svetlanov ou du plus récent Ashkenazy. La même aisance se retrouve dans la deuxième symphonie, créée par Liadov en 1902. L'écriture est plus resserrée, l'orchestration, plus soignée, plus brillante aussi, et la structure d'un bel élan : le thème de l'oeuvre se dévoile dès les toutes premières mesures, comme en balbutiements incertains, pour très lentement ressurgir par instants, au fil des cinq mouvements, et enfin s'affirmer dans l'éclatante fanfare du finale. Il faut admirer en particulier le long Andante, tout empli de chants d'oiseaux, d'une intense poésie. Gergiev donne une interprétation remarquable à cette oeuvre de relative jeunesse, encore tout empreinte d'ultimes élans (post)romantiques. Il s'y avère nettement meilleur qu'Eliahu Inbal dans sa version de 1980, reprise dans le récent coffret de l'intégrale de Scriabine, en 32 CD chez Decca.
Bruno Peeters

Son 10 - Livret 10 - Répertoire 10 - Interprétation 10

Les commentaires sont clos.