Le Journal

Elzbieta Sikora honorée

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La compositrice polonaise Elzbieta Sikora (*1943) recevra le Prix du Président de la République française pour l'ensemble de son œuvre. La cérémonie de remise des prix aura lieu à l'Ambassade de la République de Pologne à Paris, sous le haut patronage d'Emmanuel Macron.

"Le catalogue de Sikora comprend actuellement environ 110 œuvres, allant de l’électroacoustique à la musique instrumentale et vocalen et elle continue d'accepter de nouvelles commandes avec la même énergie. Son dernier album monographique, qui comprend trois concertos (pour piano, orgue et violon), témoigne de son talent", selon le communiqué du jury.

En 2023 et 2024, à l’occasion du 80e anniversaire d’Elżbieta Sikora, de nombreuses représentations des œuvres de la compositrice ont lieu dans le monde entier. Près de 30 concerts sont prévus, dont des représentations à Paris, Berlin, Amsterdam, Bruxelles, Vienne, Stockholm, Tallinn, Ljubljana, Oslo, Montréal, São Paulo…
Des premières d'œuvres comme Tenebrae à l'Opéra National de Varsovie et une nouvelle Ouverture à la Philharmonie de Zielona Góra, ainsi que plusieurs concerts jubilaires ont eu lieu en Pologne.

Elzbieta Sikora a étudié la musique électroacoustique à Paris au Groupe de Recherches Musicales sous la direction de Pierre Schaeffer et François Bayle, et la composition à Varsovie, sous la direction de Tadeusz Baird et Zbigniew Rudzinski.
Elle a également été associée à l'IRCAM à Paris et au CCRMA à l'Université de Stanford. Elle a dirigé le festival Musica Electronica Nova à Wroclaw.

 

(pizzicato.lu)

Mark Wigglesworth au Bournemouth Symphony

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Le Bournemouth Symphony est sur le point d'annoncer Mark Wigglesworth comme prochain chef d'orchestre, succédant à Kirill Karabits au cours de cette année.

Wigglesworth, 59 ans, a effectué un mandat, de 1996 à 2000, avec le BBC National Orchestra of Wales. Il a été nommé directeur musical de La Monnaie de Bruxelles en 2008 mais n'a jamais pris ce poste. Il devient directeur musical de l'English National Opera en septembre 2015, démissionnant sept mois plus tard. Dans chaque cas, une question de principe était en jeu.

Bournemouth, cependant, pourrait être un choix inspiré. C’est un orchestre de base composé de bons musiciens qui aiment découvrir de nouvelles musiques.

Il sera rejoint par Chloé van Soeterstède, ancienne assistante de Dudamel, en tant que chef invité principal.

Retour au Met

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La soprano afro-américaine Kathleen Battle, limogée en 1994 alors que Joe Volpe en était aux commandes, a été réinvitée au Metropolitan Opera par Peter Gelb.
Battle, aujourd'hui âgé de 75 ans, donnera un récital le 12 mai.

Elle avait été licenciée par Volpe pour conduite « préjudiciable à la collaboration artistique entre tous les membres de la distribution ».

Le centenaire de Puccini à Caracalla

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Pour célébrer Puccini à l'occasion du centenaire de sa mort, la saison estivale de l'Opéra de Rome aux Thermes de Caracalla 2024 -devenue aujourd'hui un festival de nom et de fait- est centrée sur ses deux opéras, peut-être les plus populaires et certainement les plus adaptés au plein air, Tosca et Turandot.
Deux nouvelles productions qui ont en commun le projet créatif et les scènes des « starchitectes » Massimiliano Fuksas et Doriana Fuksas.
Les deux mises en scène sont confiées à Francesco Micheli.

"A child of our time" de Michael Tipett, 80 ans

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A Child of Our Time (un enfant de notre temps) est un oratorio écrit entre 1939 et 1941.

Les textes sont du compositeur lui-même, même s'ils devaient être initialement écrits par T.S. Eliot. Le titre vient de celui d'une nouvelle écrite en 1938 par Ödön von Horváth, "Ein Kind unserer Zeitnote". Le titre de Horvath fait, lui, écho à la nouvelle "Un héros de notre temps" de Lermontov.
Celui-ci s'est, à son tour, inspiré de "La Confession d'un enfant du siècle" de Musset (1836).

C'est le thème d'un "jeune" qui se sent inutile mais qui, par effet miroir, est en même temps le reflet de son temps, de la société dont il est issu.

Dans son oratorio, Tippett laisse de côté le thème du jeune inutile pour s'interroger sur le côté sombre et clair de l'homme et de la société. Ce qu'il met en relief, c'est le thème de la persécution sociale et la résistance de l'esprit humain, celle-ci puisse être une force de destruction de la société et de soi-même.

Issue : réconciliation et rédemption, reflété par le choral Behold the man, the scapegoat, qui fait allusion au Behold the man of God du Messie de Haendel.

Tippett insiste sur l'idée (empruntée à Carl Gustav Jung) de l'ombre et de la lumière qui est en chacun de nous. Il faut donc "connaître son ombre et sa lumière pour faire enfin l'unité" (comme il nous le fait chanter).
D'où le final : Il n'est pas de chagrin définitif, mais un immuable espoir (Here is no final grieving, but an abiding hope).

L'histoire relatée s'inspire de celle d'un jeune juif polonais tuant un diplomate allemand en 1938, donnant le prétexte aux nazis pour la célèbre Nuit de Cristal. On y retrouve le pacifisme du musicien, enclin à la tolérance et appelant à s'auto-critiquer plutôt que de rejeter la faute vers l'« autre ».

La musique reprend des inspirations multiples, dont certains thèmes très connus de jazz ou de negro spirituals, le musicien prenant également comme modèles les passions de Jean-Sébastien Bach ou le Messie de Haendel. La structure en trois parties est directement inspirée par cette dernière œuvre.

La première eut lieu le 19 mars 1944, à Londres, avec l'Orchestre Philharmonique de Londres dirigé par Walter Goehr. Parmi les solistes figurait le ténor Peter Pears.

 

"Requiem" de Guy Ropartz, 105 ans

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Le Requiem de Joseph-Guy Ropartz fut composé en 1937 et 1938 et créé à Angers le 19 mars 1939. On le rapproche souvent du Requiem de Fauré, pourtant moins austère, dont la structure est identique. Mais « tandis que Fauré, agnostique, berce l'auditeur de ce qui n'est pour lui que pure illusion » (Gérard Condé), Ropartz traite le texte de la messe sous l'angle de la prière et s'efforce de rendre cette ascension parmi les anges et les martyrs avec toute la conviction profonde du croyant qu'il est.

En dehors de quelques interventions marquantes, l'orchestre apparaît essentiellement comme un soutien. Ses teintes ont été choisies pour se fondre au mieux avec les voix, elles-mêmes traitées avec une maîtrise consommée pour ne jamais sembler sortir du naturel. Ainsi a-t-on l'impression que tous les éléments constitutifs -orchestration, polyphonie, harmonie, mélodie, rythme musical, prosodie- s'absorbent mutuellement pour qu'en émane seulement le texte sacré qui en est l'origine, le moyen et la fin.

Le Requiem aurait dû être créé à Strasbourg (ville où Ropartz était le directeur du Conservatoire depuis 1919) pour la célébration du vingtième anniversaire de l'armistice du 11 novembre 1918, mais un retard imprévu repoussa cette création au 19 mars 1939 aux concerts populaires d'Angers, sous la direction du compositeur.
Accueillie favorablement, l'œuvre fut saluée comme pleine « de poésie grave, de noblesse, d'une science dominée par une inspiration très haute ».

 

"Quatuor à cordes" de Magnard, 120 ans

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Le quatuor à cordes en mi mineur opus 16 d'Albéric Magnard fut composé en 1902 ; le quatuor de Maurice Ravel date de la même année.

Il s'agit de l'unique quatuor du compositeur dont l'œuvre pour musique de chambre se limite à quelques pièces. Si la composition fut difficile, comme peut témoigner la correspondance du musicien avec Guy Ropartz, l'œuvre est une des plus importantes de Magnard, avec sa Symphonie no 4 et sa Sonate pour violon et piano.

D'une durée approximative de 40 minutes, il comporte les quatre mouvements.

La première eut lieu en 1904.

 

"Mireille" de Charles Gounod, 160 ans

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Mireille est un opéra en cinq actes sur un livret de Michel Carré d'après Mirèio, poème épique en provençal de Frédéric Mistral, créé le 19 mars 1864.

Dès 1859, Charles Gounod avait parcouru le poème de Frédéric Mistral dont l'originalité l'avait séduit. Il écrivit alors à Mistral qui accéda à son désir d'en tirer un opéra. L'écriture du livret fut confiée à Michel Carré qui élabora tout d'abord un canevas qu'on soumit à l'approbation de Mistral. Celui-ci invita le compositeur à venir s'installer en Provence.

Le 12 mars 1863, Gounod et Mistral firent connaissance et Gounod s'installa dans un hôtel de Saint-Rémy-de-Provence où il fit venir un piano et composa sa partition en trois mois.

Après des répétitions difficiles, l'œuvre fut créée le 19 mars 1864 au Théâtre Lyrique à Paris mais n'obtint qu'un succès relatif, dû principalement à la coupe en cinq actes et à la mort de l'héroïne à la fin de l'ouvrage.

Divers aménagements furent opérés en vue d'une reprise au Théâtre Lyrique, en décembre 1864, sur la suggestion du directeur du théâtre, Léon Carvalho. L'opéra fut ainsi réduit à trois actes et complété de dialogues parlés, mais il n'obtint pas davantage la faveur du public.

De nombreuses retouches furent pratiquées à l'occasion des reprises successives et ce ne fut qu'en 1939, après de patientes recherches menées par Guy Ferrant et Henri Busser, disciple de Gounod, qu'on retrouva enfin la partition originale de Mireille.

Les vers de Frédéric Mistral disent : Mireille un beau matin chantait, Maître Gounod qui l'écoutait apprit sa chanson par cœur et depuis ils chantent à l'unisson.

Le livret de Mireille n'offre qu'un reflet partiel de l'œuvre de Frédéric Mistral, elle-même conçue comme un vaste poème épique. Quant à la musique de l'opéra, elle est placée sous le signe de Mozart : plus que dans Faust, Gounod s'y fait l'admirateur de Don Giovanni bien que le troisième acte présente une féerie musicale que de nombreux musicologues n'hésitent pas à comparer à Mendelssohn ou à Weber.

 

"Faust" de Charles Gounod, 165 ans

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Faust est un opéra en cinq actes sur un livret de Jules Barbier et Michel Carré, fondé sur la légende éponyme et la pièce de Goethe, créé au Théâtre Lyrique le 19 mars 1859.
Œuvre la plus connue de Charles Gounod, Faust a connu, dès ses débuts, un grand succès. C'est probablement, avec Carmen de Georges Bizet, l'opéra français le plus connu au monde. Joué à de multiples reprises dans de nombreux pays, Faust est à l'origine de nombreuses références dans la culture populaire.

L'œuvre de Goethe exerça très tôt une véritable fascination sur Gounod : "J'avais lu Faust en 1838", écrit-il dans son "Autobiographie", à l'âge de vingt ans, et lorsqu'en 1839 je partis pour Rome comme grand prix de composition musicale, et pensionnaire de l'Académie de France, j'avais emporté le "Faust" de Goethe qui ne me quittait pas".
Il affirme que les premières inspirations musicales lui vinrent lors de promenades nocturnes à Capri et dans les environs de Naples.
Dès 1842, un journal affirme que le jeune compositeur travaille sur un opéra tiré de "Faust". Néanmoins, le projet ne dut prendre véritablement corps qu'à partir de 1845, lorsque Gounod rencontra fortuitement le librettiste Jules Barbier et sous l'influence de Léon Carvalho, directeur du Théâtre Lyrique.

C'est Jules Barbier qui est le véritable auteur du livret. La contribution de Michel Carré, auteur d'une pièce intitulée Faust et Marguerite jouée au théâtre du Gymnase, se limita à l'air du Roi de Thulé et à la ronde du veau d'or.
L'ouvrage subit toutefois de nombreux remaniements dans le cours des répétitions qui furent émaillées de diverses péripéties. La partition initiale était beaucoup plus volumineuse et Gounod dut accepter de supprimer plusieurs passages, notamment la remarquable scène du Harz, qui allongeait excessivement l'opéra, et le duo entre Marguerite et Valentin au début de l'acte II dans lequel Marguerite donnait à son frère la médaille dont il se sépare malencontreusement à l'acte IV. En revanche, le chœur des soldats Gloire immortelle de nos aïeux.. fut rajouté à l'acte IV sur les instances de Carvalho et Ingres : composé initialement pour un Ivan le Terrible, il prit la place d'une chanson dans laquelle Valentin vantait la beauté de sa sœur.

L'opéra fut donc créé le 19 mars 1859 sur la scène du théâtre Lyrique. Il comportait encore des dialogues parlés qui furent remplacés par des récitatifs lors des représentations de Strasbourg en avril 1860. Par la suite, Gounod inséra encore à l'acte II l'air de Valentin Avant de quitter ces lieux... à l'occasion des représentations au Her Majesty's Theatre à Londres en 1863 et, en 1869 à l'Opéra Le Peletier (Paris), le ballet de la nuit de Walpurgis, d'ailleurs très réussi.

À Paris, Faust fut représenté 314 fois sur les différentes scènes du Théâtre-Lyrique jusqu'en avril 1869, puis 166 fois de 1869 à 1875 à l'Opéra (Salles Le Peletier et Ventadour). L'ouvrage connut une longue carrière internationale et fut immensément populaire : il fut représenté quelque 2 358 fois au Palais Garnier et fut le premier opéra présenté au Metropolitan Opera de New York, ainsi qu'à l'inauguration du Théâtre national du Costa Rica, à San José. Si sa popularité a quelque peu décliné, il continue d'être régulièrement joué sur tous les théâtres lyriques du monde.

 

"Die Schöpfung" de Joseph Haydn, 225 ans

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Die Schöpfung (La Création) est un oratorio écrit entre 1796 et 1798. D'aucuns considèrent cet oratorio comme étant son chef-d'œuvre. Il raconte et il célèbre la création de l'Univers décrite dans le Livre de la Genèse.

Haydn eut l'idée d'écrire un grand oratorio lors de ses visites en Angleterre en 1791-1792 et en 1794-1795, où il entendit ceux de Haendel joués par de grands orchestres. L’oratorio Israël en Égypte était possiblement de ce nombre. Il est probable que Haydn ait voulu essayer d'atteindre un résultat comparable en se servant du langage musical propre au style classique, alors à son apogée.

Il travailla à cet oratorio entre octobre 1796 et avril 1798. Cet exercice constituait aussi évidemment un acte de foi pour ce compositeur très religieux : il avait l'habitude d'écrire Gloire à Dieu à la fin de chaque œuvre terminée. Plus tard, il fit la remarque suivante : « je n'ai jamais été aussi dévot qu'à l'époque où je travaillais sur La Création ; je me jettais à genoux chaque jour pour implorer Dieu de me donner la force nécessaire pour finir mon œuvre ».
Haydn composa la majeure partie de l'oratorio dans sa résidence du faubourg Mariahilf de Vienne. Cette maison est maintenant connue sous le nom de « maison de Haydn » (Haydnhaus). À cette époque, il n'avait jamais consacré autant de temps à une seule œuvre. Pour s'expliquer, il écrivit : « J'y ai consacré beaucoup de temps parce que je savais qu'elle durerait longtemps ». En fait, il se consacra tant à son projet qu’il finit par tomber dans une longue période de maladie, juste après la première exécution de l’oratorio.

La partition autographe de Haydn est perdue depuis 1803. De nos jours, on utilise une partition publiée à Vienne en 1800. La partition « la plus authentique », celle de la Tonkünstler-Societät, datant de 1799 et annotée par Haydn, se trouve à la bibliothèque nationale de Vienne. Il y a plusieurs autres copies du manuscrit, comme l’Estate, ou encore des éditions hybrides préparées par des experts au cours des deux derniers siècles.

Le texte de La Création a une longue histoire. Ses trois sources sont la Genèse, le Livre des Psaumes et le poème épique de John Milton "Paradise Lost" (Le Paradis perdu). En 1795, lorsque Haydn quitta l'Angleterre, l'impresario Johann Peter Salomon (1745-1815), qui organisait ses concerts, lui fit parvenir un nouveau poème intitulé "La Création du Monde". Ce manuscrit avait déjà été proposé à Haendel, mais le vieux maître n'avait pas travaillé dessus car, à cause de son style verbeux, l'exécution de l'œuvre mise en musique aurait duré quatre heures. Le livret fut probablement transmis à Salomon par Thomas Linley père (1733-1795), un chef d'orchestre du Théâtre de Drury Lane qui dirigeait des oratorios. Linley pourrait être lui-même auteur du livret original en anglais, mais des experts tels qu’Edward Olleson, A. Peter Brown (lequel prépara une partition authentique particulièrement convaincante) et H. C. Robbins Landon, déclarent que l'auteur original reste anonyme.

Lorsque Haydn rentra à Vienne, il envoya le livret au Baron van Swieten. Le Baron menait plusieurs carrières en tant que diplomate, bibliothécaire responsable de la bibliothèque impériale, musicien amateur et généreux protecteur de la musique et des arts. Il fut en grande partie responsable du remaniement du livret anglais vers une traduction en allemand (Die Schöpfung), dont Haydn se servit pour la composition. Il fit également quelques suggestions à Haydn concernant l'arrangement des différents morceaux. L'ouvrage fut publié en version bilingue en 1800, et il est encore joué dans les deux langues aujourd'hui. Haydn lui-même préférait que l'œuvre fût jouée en anglais lorsqu'elle était exécutée pour un public anglophone.

Afin que l’œuvre puisse être publiée en version bilingue, Van Swieten dut reformuler le texte original anglais afin que celui-ci corresponde à sa traduction allemande. Le Baron ne parlait évidemment pas couramment anglais, et sa refonte du texte original, soumise à des contraintes de mesure et parfois divergente, fut la cible de critiques et de plusieurs tentatives d'amélioration. En effet, elle est assez maladroite pour justifier que l’œuvre soit parfois jouée en allemand dans les pays anglo-saxons. Par exemple, un passage décrivant le front d’Adam, qui vient d’être créé, est rendu par : "The large and arched front sublime/of wisdom deep declares the seat." Les diverses parties de l’œuvre seront ici indiquées en utilisant les titres de la version allemande, qui est souvent considérée comme « meilleure » pour les raisons évoquées précédemment.

Les premières exécutions de l’œuvre, en 1798, furent commanditées par un groupe de nobles citoyens, qui offrirent au compositeur une somme d’argent impressionnante pour avoir le privilège de sa création. L’imprésario anglais Salomon aurait même menacé Haydn de poursuites, déclarant que la nouvelle traduction du livret était illégale. La présentation fut donc reportée à la fin du mois d’avril (les partitions ne furent terminées qu’au Vendredi saint). L’œuvre complète fut répétée devant assistance le 29 avril.

La première exécution « publique » de l’oratorio eut lieu le lendemain au palais Schwarzenberg. Des centaines de personnes s’amassèrent dans la rue, devant le palais, afin d’entendre cette œuvre si attendue. L’entrée était sur invitation seulement. La foule invitée était constituée de riches mécènes, de hauts fonctionnaires du gouvernement, de grands compositeurs, de grands musiciens et de représentants de la noblesse de divers pays. Les gens du peuple, qui devraient se contenter d’attendre d’autres occasions d’assister à ce spectacle, étaient tellement nombreux dans les rues que le gouvernement eut recours à une trentaine d’agents de police pour contrôler la foule.

Plusieurs des invités fortunés de cette soirée en firent des comptes rendus brillants. Dans une lettre au Neue teutsche Merkur, un invité écrivit : « Déjà trois jours sont passés depuis cette soirée mémorable, et toujours la musique retentit dans mes oreilles et dans mon cœur, et, juste à y penser, je ressens une vague d’émotions qui me serrent la poitrine. »

Les billets de la première représentation véritablement ouverte au public, le , au Burgtheater de Vienne, s’envolèrent longtemps avant le spectacle, et La Création fut présentée près de quarante fois dans la ville au cours de la vie de son compositeur. L’oratorio fut présenté à Londres en avant-première l’année suivante (dans sa retraduction anglaise) au Théâtre de Covent Garden. Haydn entendit l’œuvre pour la dernière fois le 27 mars 1808, un an avant sa mort : on transporta le vieillard malade jusqu’au théâtre dans une chaise à porteurs avec grand honneur. On raconte que, au passage qui évoque la création de la lumière, l’assistance se mit à applaudir bruyamment et que « Papa Haydn », d’un geste typique, se contenta de pointer un doigt faible vers le ciel en disant : « ce n’est pas de moi que vient cette musique — c’est de là-haut ! »

La Création fut aussi jouée plus de quarante fois à l’extérieur de Vienne pendant la vie de Haydn : ailleurs en Autriche et en Allemagne, en Suisse, en Italie, en Suède, en Espagne, en Russie et aux États-Unis.

La création française eut lieu le  à Lille sur un livret traduit en français. Mais c'est la création parisienne du  au Théâtre des Arts, sous la baguette de Jean-Baptiste Rey qui restera dans les mémoires. C'est ce jour-là qu'en se rendant à la représentation le Premier consul faillit être victime d'un attentat.

À cette occasion, les musiciens du Théâtre des arts firent exécuter par le graveur Nicolas-Marie Gatteaux une médaille à l'effigie de Haydn, hommage au compositeur. Un exemplaire en est conservé au musée Carnavalet.

Son exécution dure en moyenne une heure et quarante-cinq minutes.